Saint-Omer affirme son identité

Maire de Saint-Omer, François Decoster revient sur les défis et les ambitions de son territoire pour aujourd’hui et demain. Identité locale, attractivité économique, transition écologique, coopération européenne…décryptage des projets structurants engagés par la ville.

François Decoster, maire de Saint-Omer. © Lena Heleta
François Decoster, maire de Saint-Omer. © Lena Heleta

Maire de Saint-Omer, vice-président en charge de la culture à la Région et depuis le 1er février également conseiller spécial au cabinet du ministre délégué auprès du Premier ministre… pouvez-vous revenir sur votre parcours ?

Je suis un Audomarois depuis l'âge de trois jours, c'est ma ville. C’est ici que j’ai grandi, où je suis allé à l’école, où je vis. Très tôt, je me suis engagé dans la vie locale, d’abord au sein d’associations. Puis, en 1995, le maire de l’époque, Jean-Jacques Delvaux, m’a proposé d’intégrer sa liste. J’étais alors le benjamin de l’équipe. En 1997, je suis entré au conseil municipal, et en 2001, je suis devenu adjoint, chargé notamment des finances, du développement économique, du tourisme et du commerce. Mais en 2008, Jean-Jacques Delvaux a été battu alors qu’il se présentait pour un cinquième mandat. Alors dans l’opposition, nous avons pris le temps de bâtir un projet pour la ville.

À cette époque, entre 2008 et 2014, nous constations un déclin : la population baissait, le logement, l’attractivité et l’animation devenaient des sujets préoccupants. En 2014, avec une équipe mêlant compagnons de route de Jean-Jacques Delvaux et une nouvelle génération, nous avons mené une campagne de proximité, en lien direct avec les Audomaroises et Audomarois. Depuis, nous mettons en œuvre notre projet, ajusté en 2020, pour redonner à Saint-Omer son attractivité.

Un des marqueurs de cette attractivité retrouvée, c’est l’évolution démographique. Alors qu’en 2015 la ville comptait environ 14 600 habitants, nous sommes aujourd’hui à près de 15 400, avec de nombreux projets immobiliers en cours. Saint-Omer est redevenue une étape clé dans le parcours résidentiel. Des habitants qui avaient quitté la ville pour s’installer en périphérie y reviennent, attirés par des logements de qualité et un cadre de vie agréable, grâce à la transformation de l’espace public menée depuis une dizaine d’années.

Nous avons aussi misé sur la sécurité : Saint-Omer est l’une des villes du Pas-de-Calais les mieux équipées en vidéoprotection. Enfin, nous avons développé des services et équipements qui font la différence : écoles, commerces, culture, sport… tout en maintenant une ville à taille humaine, où l’on peut se promener à pied.

Vous êtes maire de la ville depuis 11 ans, quelles sont les réalisations dont vous êtes le plus satisfait ?

Ce dont je suis particulièrement fier, c’est la participation citoyenne. Nous avons voulu moderniser la démocratie municipale en donnant aux habitants une place centrale dans les décisions. Nous avons créé sept conseils de quartier, ouverts à tous. Au départ, ils étaient présidés par des élus, mais nous avons ensuite laissé cette responsabilité aux habitants eux-mêmes. Cette initiative montre qu’il n’y a pas d’un côté les élus et de l’autre les citoyens : nous sommes tous habitants de la ville, engagés ensemble.

Nous avons aussi lancé des rencontres régulières comme les cafés du maire ou des balades urbaines, qui ont été reprises dans d’autres villes. Les Facebook live, initiés pendant le confinement, ont permis un lien direct avec les habitants notamment lors des inondations. Chaque grand projet est également soumis à concertation.

C'est la fin de près de 10 ans de travaux dans le centre de Saint-Omer, pouvez-vous revenir sur les grandes lignes de ce chantier et ses bénéfices ?

En 2014, nous avons constaté que le cœur de ville se rétrécissait. Il manquait une cohérence dans son aménagement. Nous avons alors lancé un projet ambitieux, en plusieurs phases, pour redonner une unité aux trois places principales : la place Foch, la place Victor Hugo et la place Pierre Bonhomme, ainsi qu’aux rues qui les relient. Ce chantier a été mené avec une grande concertation. À la demande des commerçants, nous avons même modifié le calendrier pour minimiser l’impact économique. Aujourd’hui, nous arrivons au terme de cette transformation et nous l’inaugurerons le 14 juin.

Un autre symbole fort de ce renouveau a été la transformation de la gare. En 2014, elle était fermée, délabrée et taguée. Nous en avons fait un lieu moderne et dynamique : La Station, un tiers-lieu qui favorise la création d’entreprises et qui s’inscrit dans un modèle économique innovant, reconnu nationalement.

Pepso, incubateur de l'IMT Nord Europe… la ville cherche a attirer de nouveaux entrepreneurs et entreprises. Quelle est votre stratégie ?

Nous avons travaillé sur un véritable parcours de l’entrepreneur. Avant, il y avait trop d’intervenants dispersés : CCI, CMA, agences, financements… les créateurs d’entreprise ne savaient pas à qui s’adresser. Nous avons donc créé la Maison du Développement Economique où tous ces acteurs sont regroupés en un seul lieu.

Par ailleurs, La Station joue un rôle clé en encourageant l’innovation et l’entrepreneuriat. Je suis convaincu que pour que la créativité s’épanouisse, il faut préserver son autonomie.

Enfin, notre territoire doit mieux s’inscrire dans l’espace régional et mieux se faire connaître au-delà de ses frontières. Trop souvent, nous avons tendance à parler entre nous, alors que nous devrions davantage affirmer nos atouts auprès des investisseurs et des entreprises.

La Station joue un rôle clé en encourageant l’innovation et l’entrepreneuriat. © Lena Heleta

Vous travaillez à améliorer l’attractivité du territoire, en misant sur ses singularités. Quelles sont-elles ?

Notre territoire doit davantage affirmer son identité propre dans l’espace régional. Avec la Flandre intérieure, nous avions une opportunité de poids, avoisinant les 250 000 habitants. Nous faisons face aux mêmes risques et opportunités : soit nous choisissons d’être rattachés à un plus grand territoire et devenons «les petits», soit nous affirmons notre propre identité. Toutefois, le choix fait en 2021 a été de fonctionner séparément. Il faut néanmoins veiller à ne pas perdre trop de temps en débats internes sur notre attractivité. L’essentiel est de s’ouvrir et de travailler avec les autres.

Pendant des décennies, la question s’est posée : l’Audomarois appartient-il à la Côte d’Opale ou est-il simplement un arrière-pays lillois ? Pour ma part, je refuse de poser le débat en ces termes. Nous avons une identité forte, ce qui a motivé la création de la communauté d’agglomération du Pays de Saint-Omer. Il ne s’agit pas de se définir par nos différences internes, mais de bâtir un projet de territoire cohérent, tourné vers l’extérieur, avec un positionnement clair au sein de la région.

Nos habitants sont très attachés à leur territoire, à ce patrimoine historique unique. Ils en parlent avec fierté et nous, les élus, devons adopter cette même approche.

S’ouvrir aux autres, c’est également inscrire l’Audomarois dans une dynamique transfrontalière ?

Oui, nous sommes à 35 km de la frontière belge, et pourtant, on a parfois l’impression que c’est l’Himalaya ! Certes, nous savons franchir la frontière pour acheter du chocolat, par exemple, mais l’enjeu ne s’arrête pas là. Il y a un véritable potentiel de coopération avec nos voisins flamands.

Nos économies sont complémentaires et nous devons renforcer nos échanges. Les Hauts-de-France sont la seule région française autorisée par l’Etat à établir une feuille de route économique avec un pays fondateur de l’Union européenne, en l’occurrence les Pays-Bas. Cette coopération est très dynamique et nous venons de lancer l’année économique franco-néerlandaise.

L’Audomarois doit pleinement s’inscrire dans cette dynamique. C’est pourquoi nous sommes la seule commune du Pas-de-Calais à enseigner le néerlandais en école primaire. Il est incompréhensible que, dans l’Académie de Lille, l’apprentissage du néerlandais soit moins répandu que celui du russe ou du chinois. Nos voisins néerlandais sont en quête de nouveaux alliés depuis le Brexit et les Hauts-de-France doivent saisir cette opportunité.

Vous évoquiez l’Europe, l’Audomarois a signé son programme européen Leader 2023-2027 (dédié au développement dans les territoires ruraux) en novembre. Pouvez-vous nous en dire davantage ?

L’Europe doit se décliner concrètement dans nos territoires. Depuis 2012, je siège au Comité européen des régions, où j’ai présidé la délégation française et, depuis cinq ans, le groupe Renew Europe. J’ai mené une initiative visant à désigner des élus «correspondants Europe» dans les conseils municipaux, à l’image des correspondants défense instaurés après la suppression du service militaire. L’idée est que ces élus reçoivent et diffusent des informations européennes pour mieux mobiliser les programmes comme Leader, qui soutient le développement économique des zones rurales.

Ce programme finance une grande diversité de projets, qu’il s’agisse de moderniser les bateaux des bateliers parisiens ou d’aider les hébergeurs touristiques à améliorer leur accueil. Grâce à ce travail, nous avons créé un réseau de 4 000 conseillers Union européenne à travers l’Europe.

Avec le ministre Jean-Noël Barrot (NDRL : ministre de l’Europe et des affaires étrangères), nous voulons encourager davantage de communes à rejoindre ce réseau pour profiter pleinement des opportunités européennes. Souvent, on a l’impression que l’Europe est lointaine, alors qu’elle finance des projets concrets : alimentation durable, mobilité, commerce rural, etc.

Le 18 octobre, le REV3 Lab X Pays de Saint-Omer était lancé en partenariat avec la CAPSO et la communauté de communes du Pays de Lumbres. En quoi était-ce important ?

Notre territoire a toujours cherché un équilibre entre présence humaine et nature. Le marais audomarois, cultivé depuis plus de 1 000 ans, en est un parfait exemple.

Mais nous subissons aujourd’hui les effets du dérèglement climatique. Ces derniers mois, 350 maisons de Saint-Omer ont été inondées à deux reprises. Le territoire doit s’adapter et accélérer sa transition écologique. REV3 nous aide à structurer cette transformation et à bénéficier du soutien régional. Nous devons faire de la transition écologique une opportunité économique et sociale, notamment en matière d’emplois !

Dès le début du mandat, nous avons réalisé un diagnostic des bâtiments municipaux pour engager leur rénovation énergétique, notamment les écoles et les équipements sportifs mais malheureusement, nous avons dû reporter certaines opérations faute de financements suffisants. Nous travaillons aussi sur un projet de parc solaire, qui nous rapprochera de l’autonomie énergétique.

En décembre 2023 et janvier 2024, la ville a été fortement touchée par des inondations. Comment se remet-elle de ces épisodes ?

La solidarité a joué un rôle essentiel, tant entre habitants qu’avec les services municipaux et l’Etat. Nous avons mis en place un fonds d’aide aux familles touchées et travaillé avec les habitants pour adapter nos infrastructures.

Un déversoir va être construit pour empêcher les débordements du quartier de Lyzel, en réorientant les eaux vers le canal. Nous avons aussi activé le mécanisme européen de protection civile, qui nous a permis de faire venir des renforts des Pays-Bas, de Slovaquie et de République tchèque pour évacuer l’eau plus rapidement. Mais nous devons encore renforcer notre capacité d’évacuation vers la mer, notamment via un projet à Watten, qui permettra d’évacuer 20 mètres cubes d’eau par seconde supplémentaire.

«Il n’y a pas d’un côté les élus et de l’autre les citoyens : nous sommes tous habitants de la ville, engagés ensemble.» © Lena Heleta

En chiffres

  • 15 400 habitants, contre 14 600 habitants en 2015 (source : mairie de Saint-Omer)
  • 8 484 logements recensés en 2021 (source : Insee)
  • 671 entreprises recensées en 2022 (source : Insee)