Entretien avec Hubert Tondeur, élu président du Conseil régional des experts-comptables Hauts-de-France
«Relever le défi de la relance en accompagnant nos clients à se réinventer»
Début décembre, l'Ordre des experts-comptables du Nord-Pas-de-Calais et de Picardie Ardennes ont fusionné pour donner naissance à une nouvelle instance régionale. L'Ordre des experts-comptables Hauts-de-France, présidé par Hubert Tondeur, couvre les cinq départements, et compte près de 1230 professionnels.
La Gazette Nord-Pas-de-Calais : Cette fusion a été un travail de longue haleine, pourquoi ?
Hubert Tondeur : La réflexion sur la fusion des régions ordinales a démarré il y a six ans et aurait dû aboutir il y a deux ans. Les circonstances juridiques en ont décidé autrement. L’absence de textes n’a pas permis de la réaliser dans les temps initialement définis et ce pour tous les conseils régionaux amenés à se regrouper. Car je parlerais plutôt de regroupement, personne n’absorbant personne.
Que représente ce regroupement, pour chacun des deux anciens Ordres, Nord-Pas-de-Calais et Picardie Ardennes ?
Il s’agit d’un regroupement, donc d’une mise en commun, d’une mutualisation de moyens qui va nous permettre d’être plus performants dans le cadre d’un service que nous amenons à l’ensemble de nos confrères. Évidemment pour l’institution, il y a un enjeu organisationnel et de gestion humaine. Nous sommes sur deux sites et nous devons mutualiser les compétences de nos permanents et optimiser l’intervention de nos commissions sur l’ensemble du territoire pour rendre un service de proximité à la profession. Et être présents auprès de l’ensemble des acteurs de l’économie et du monde de l’économie sociale et solidaire ainsi que des acteurs publics qui sont présents sur l’ensemble du territoire régional.
“Si nous voulons réussir le défi de notre mutation, nous devons faire évoluer nos cabinets”
Avec la crise que nous connaissons actuellement, la profession doit-elle faire face à de nouveaux défis ?
Les défis de la profession préexistaient à l’apparition de la crise. Nous connaissons depuis plusieurs années une révolution technologique qui touche la profession du chiffre avec peu ou prou l’arrivée de nouveaux acteurs comptables qui grignotent notre prérogative d’exercice sous couvert d’une interaction et d’une intervention de plus en plus grande du client dans le processus comptable, qui induit une automatisation grandissante des processus basiques. C’est le modèle même de nombreux cabinets qui est remis en cause. Mais en parallèle, c’est aussi une ouverture plus grande du marché du conseil aux experts-comptables. C’est pourquoi nos défis visent à l’appropriation de la dimension digitale pour en tirer tous les avantages qui vont nous permettre d’optimiser la production à faible valeur ajoutée pour nous concentrer sur l’accompagnement de nos clients, qui doit constituer notre vraie valeur ajoutée.
Dans cette période de crise, nous avons su montrer que nous pouvions accompagner les clients en les aidant à prendre possession de l’ensemble des dispositifs d’aides mis en place par l’Etat, les régions, les communautés d’agglomération, etc. Mais que nous étions aussi des moteurs d’accélération à la digitalisation des PME/TPE et que maintenant, nous allons devoir relever le défi de la relance en accompagnant nos clients à se réinventer.
Et pour cela nous avons besoin de nouvelles compétences, de nouveaux talents. C’est pourquoi si nous voulons réussir le défi de notre mutation, nous devons faire évoluer nos cabinets, être plus attractifs, accueillir des jeunes et des moins jeunes d’horizons et de formations différentes et mettre en place des formations innovantes car de nombreux talents sont déjà dans nos cabinets.
Comment ressentez-vous le moral de vos clients ?
Disons qu’après deux périodes de confinement et maintenant l’Angleterre qui nous donne à penser à une mutation du virus, le moral est plutôt dans les chaussettes… En économie, les objectifs et les perspectives sont les deux moteurs du dynamisme ; actuellement ces deux notions sont absentes de notre horizon… Alors le moral est en berne. Cet été, l’économie était repartie, le moral était plutôt bon mais octobre a sonné le glas des illusions…L’Etat et les collectivités ont répondu présents, une fois au printemps, une seconde depuis octobre. Maintenant il faudrait que ça reparte mais tout cela est suspendu à la solution sanitaire et au vaccin. Les chefs d’entreprise ont bien compris que, sans lui, les choses seront toujours fragiles. Par ailleurs, une vraie interrogation porte sur le financement de la reprise. Des milliards sont, à raison, mis sur la survie des entreprises mais une fois, deux fois, peut-être trois fois… Mais quelles seront nos marges de manœuvres pour financer la reprise ?
Quelle est votre vision des mois à venir concernant l’économie régionale ?
Au regard de ma réponse à la question précédente, vous imaginez que je puisse être assez perplexe sur son évolution. D’autant plus qu’en complément de la crise sanitaire, nous avons le Brexit qui pèse aussi sur les Hauts-de-France. Notre économie régionale souffre mais nous luttons groupés, toutes les énergies, toutes les solidarités sont mises en œuvre pour agir collectivement, c’est un peu ce qui fait notre force en région. Et à cela il faut ajouter un fort sentiment d’appartenance locale. Donc si une solution sanitaire au virus est trouvée, je pense que nous saurons régionalement faire preuve de civisme et d’empathie pour consommer et faire travailler nos entreprises locales pour leur permettre de repartir le plus vite possible.