Réforme du Code du travail : « Enfin on s’intéresse aux PME »
C’était l’une des principales promesses de campagne du président de la République, Emmanuel Macron. Fin août, le Premier ministre, Édouard Philippe et la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, ont dévoilé au public le contenu des cinq ordonnances qui porteront la réforme du Code du travail. Loin de faire l’unanimité, ces mesures ciblent particulièrement les petites et moyennes entreprises (PME).
Afin de mettre en place rapidement cette réforme et dès le début du quinquennat, le gouvernement a souhaité légiférer par ordonnances, c’est-à-dire qu’il ne passera pas par le Parlement. Cette façon de légiférer a été autorisée grâce à la loi d’habilitation, adoptée par le Parlement (Assemblée nationale plus Sénat) au mois d’août, puis validée par le Conseil constitutionnel le 7 septembre dernier. En parallèle s’est tenue une vraie concertation entre le gouvernement et les syndicats, en vue de la rédaction de la nouvelle loi. Après la présentation de cette réforme, l’organisation de nombreuses manifestions a été annoncée par les principaux syndicats de travailleurs, qui se tiendront tout au long du mois de septembre. Mais si on en entendait déjà parler bien avant leur publication, que contiennent vraiment les 160 pages rassemblant les cinq ordonnances réformant le Code du travail ?
Renforcement du dialogue social
La première ordonnance vise à améliorer les rapports entre les salariés et leurs patrons, en permettant la négociation des normes au sein même de l’entreprise, directement entre les représentants du personnel et la direction. Si un accord est trouvé, il prévaudra sur l’accord de branche. « Aujourd’hui les branches sont aux mains des grands groupes et négocient en leur faveur. Avec cette réforme, on pourra négocier ensemble dans l’entreprise, au bénéfice des collaborateurs », se réjouit Sébastien Horemans, chef d’entreprise dans le bâtiment et président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) de Picardie. De plus, dans les PME, un accord pourra être conclu même si le salarié qui négocie n’est pas syndiqué (il n’y a pas de syndicat dans 96% des PME). Cependant, aux yeux de Frédérique Landas, secrétaire du comité régional de la Confédération générale du travail (CGT) Picardie, cet échange sera par nature non équilibré : « La négociation est un droit des salariés exercé par leur syndicat. Le patronat vient d’obtenir une relation de gré à gré avec un salarié isolé et non protégé dans les PME/ PMI. On imagine aisément comment pourront se dérouler de futures négociations ».
Par ailleurs, la loi prévoit une refonte des organes représentatifs du personnel dans les entreprises. Ainsi, dans les entreprises de plus de onze salariés, le comité social et économique rassemblera les fonctions actuellement détenues par les délégués du personnel (DP), le comité d’entreprise (CE) et le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT).
Nouvelles indemnités prud’homales
Le gouvernement à présenté un nouveau barème des indemnités prud’homales, qui prévoit un seuil minimal, mais surtout un seuil maximal. Cette mesure vise à permettre aux entreprises d’estimer précisément combien il leur coûtera de licencier un employé, si ce dernier compte les poursuivre au tribunal. « Cette mesure amènera une meilleure visibilité car aujourd’hui, les salariés ne perdent jamais, et si pour eux les décisions de justice prennent parfois la forme d’une loterie, cela peut couler une entreprise qui doit payer des sommes exorbitantes », explique Sébastien Horemans.
Si les indemnités prud’homales se retrouvent plafonnées, les indemnités de licenciement vont être augmentée de +25%, « cela est tout à fait normal, la France se trouve actuellement en dessous de la moyenne européenne », estime le président de la CPME Picardie. En revanche, un licenciement ne pourra plus être annulé pour une simple erreur de forme au cours de la procédure, comme c’est le cas actuellement. « S’il y a un recours de la part de l’employé, on sera alors jugé sur le fond et on non plus sur la forme », explique Sébastien Horemans. De même, le délai pour contester un licenciement passera de deux ans à un an pour tous les types de licenciement.
Le gouvernement veut d’ailleurs élargir les possibilités d’application des licenciements économiques pour les multinationales. Actuellement, si une filiale française d’une entreprise faisant face à des difficultés économiques veut licencier un certain nombre d’employés, les tribunaux prennent en compte la santé de l’entreprise au niveau mondial. La réforme du code du travail autorisera les licenciements économiques en évaluant les difficultés de l’entreprise au niveau national, indépendamment de ses filiales étrangères. « La loi Travail XXL, c’est le permis de licencier à tout-va », juge Frédérique Landas.
Le CDI de projet
Pour cette mesure, le gouvernement s’inspire du CDI de chantier, déjà utilisé dans le secteur du BTP, où l’employeur ajuste la durée du contrat en fonction de l’avancée du chantier. La ministre du Travail veut étendre cette mesure à d’autres secteurs. L’employé, qui est embauché pour un projet précis, bénéficiera d’un CDI, que son employeur pourra briser lorsque la mission sera terminée. Sébastien Horemans, qui a déjà recours aux CDI de chantier dans son entreprise, est satisfait de « cet apport de souplesse ». Pour être mis en place, il faudra préalablement qu’un accord de branche autorise les CDI de projet. Pour la secrétaire du Comité régional CGT Picardie, « on étend juste la précarité à tous les étages ». « Enfin on s’intéresse aux PME […] cela va totalement dans le sens de nos attentes », se réjouit le président de la CPME Picardie, Sébastien Horemans. Ce dernier ne voit d’ailleurs pas de critiques à formuler à l’égard de cette réforme, préférant rester sur une note positive. « Les pays en Europe qui s’en sortent le mieux aujourd’hui sont ceux qui ont su faire évoluer le Code du travail de manière intelligente et constructive. Il ne s’agit pas bien sûr de rogner les droits des travailleurs ou de baisser démesurément le Smic », rajoute-il. En revanche, pour la secrétaire du Comité régional CGT Picardie, Frédérique Landas, « le code du travail permet que les salariés aient les mêmes droits, il n’a jamais permis de créer des emplois car ça n’a jamais été son rôle […] Cette loi sur le droit du travail, comme les précédentes, ne diminuera pas le chômage, augmentera encore la précarité, développera la pauvreté comme c’est déjà le cas en Allemagne ou en Angleterre ». Malgré une différence profonde de points vue, tous jugent nécessaire une refonte du Code du travail, « La CGT n’est pas opposée à une simplification du Code du travail, pour un nouveau code du travail du XXIe , un Code du travail plus protecteur renforçant les droits des salariés ».