Recensement 2013 : l’Insee constate la domination de la voiture
Malgré les discours qui prophétisent son déclin, la voiture individuelle demeure le mode de déplacement favori des Français. Les résultats du recensement montrent que les trois quarts des actifs se rendent au travail à l’aide d’un véhicule motorisé.
Le véhicule individuel, autrefois symbole de liberté ou de puissance, à l’occasion de fierté nationale, est surtout un outil de travail. Selon les chiffres issus du recensement de la population de 2009 et publiés récemment par l’Insee, 18,6 millions d’automobilistes prennent leur voiture chaque matin pour se rendre sur leur lieu de travail. Ils représentent 73 % des « pendulaires », comme on désigne parfois les habitués à ces allers-retours quotidiens. Au total, 25,5 millions d’actifs se déplacent pour travailler chaque jour. « C’est 3 millions de plus qu’en 1999 », souligne-t-on à l’Insee. Parmi eux, 14,9 % choisissent les transports collectifs, 7,8 % marchent et 4,2 % utilisent un « deux-roues ». L’Insee, qui publie ces chiffres à l’occasion du recensement partiel de la population entamé le 17 janvier, espère ainsi montrer l’intérêt de la compilation de données. On trouve en effet dans les résultats du recensement plusieurs informations qui peuvent intéresser les collectivités, les aménageurs, voire le législateur. Ainsi, la répartition des modes de transport varie fortement selon qu’on vit en Ile-de-France ou dans une autre région. L’Insee comptabilise légèrement plus de Franciliens dans les métros, RER, trains et bus (43,9 %) que dans les voitures (43,7 %), tandis qu’en province, l’automobile est largementmajoritaire, avec une « part modale », comme disent les spécialistes, de 80,4 %. Les autres modes sont réduits à la portion congrue, l’Insee recensant même en province davantage de marcheurs (7,9 %, presque comme en Ile-de-France) que d’usagers des transports publics (7,5 %). Les habitudes quotidiennes diffèrent, que l’on vive en ville ou à la campagne. En « zone urbaine », qui comprend, selon la terminologie de l’Insee, les bourgades et les petites villes, 78 % des déplacements domicile-travail se font en voiture. A la campagne, ce taux approche 90 %.
Plusieurs dizaines de kilomètres
Les trajets motorisés recensés en 2009 ne sont pas seulement plus nombreux qu’en 1999. Ils sont également plus longs. En 2009, note l’institut, « 1,2 million de personnes ne travaillent pas dans leur région de résidence. Ce chiffre a augmenté de 27 % en dix ans, alors que le nombre de personnes qui se déplacent pour travailler n’a augmenté, dans le même temps, que de 15 % ». Pendant cette décennie séparant les deux recensements, la proportion d’actifs qui travaillent dans l’agglomération où ils résident est passée de 71 % à 68 %, et celle des ruraux qui travaillent dans leur canton de 38 % à 33 %.
Les statisticiens expliquent ce phénomène de trois manières. Les ménages, tout d’abord, « choisissent d’habiter dans des communes éloignées des centre-ville pour améliorer leur cadre de vie et diminuer leur dépense en logement ». Les emplois, en revanche, « se concentrent dans les pôles urbains », Paris et l’Ile-de-France demeurant le pôle économique par excellence. Enfin, l’Insee relève l’existence de « couples dont les deux membres travaillent », l’un d’entre eux, voire les deux, étant amenés à trouver un emploi loin du foyer familial.
La consultation de ces données par région, sur le site www.insee.fr, se révèle instructive. On apprend qu’en-dehors de l’Ile-de- France, les régions où l’on utilise le plus les transports en commun sont Rhône-Alpes, l’Alsace et la Provence-Alpes-Côte-d’Azur (PACA). Les actifs les plus motorisés, inversement, vivent en Poitou-Charentes, Limousin et Bretagne. La marche à pied se révèle un peu plus répandue qu’ailleurs en Champagne-Ardenne, Auvergne et Corse.
Confusion entre motos et vélos
Les chiffres concernant les « deux-roues » sont malheureusement inexploitables, sur le plan national comme régional. L’Insee ne distingue pas les deux-roues motorisés des vélos. Or, un vélo et un scooter ne circulent pas à la même vitesse, ne permettent pas des trajets de même longueur, n’occupent pas le même espace sur la voirie, ne nécessitent pas les mêmes aménagements et ne génèrent pas la même accidentologie. En Alsace, le recensement de 2009 identifie 5,6 % de déplacements à « deux-roues ». Mais s’agit-il de vélos ou de motos ? Et à quoi correspondent les 5,9 % de trajets constatés en PACA ?
Un coup d’oeil aux questionnaires remis par les enquêteurs aux personnes recensées permet de comprendre cette confusion. A la question “Quel mode de transport principal utilisez-vous le plus souvent pour aller travailler ?”, les habitants peuvent répondre en cochant l’une des cinq cases suivantes : “pas de transport”, “marche à pied”, “deux-roues”, “voiture, camion ou fourgonnette” ou “transports en commun”. Le formulaire, explique François Clanché, chef du département de la démographie à l’Insee, « a été conçu au début des années 2000, et il n’a pas été jugé nécessaire de le refondre ». L’aveu est saisissant. Ainsi, on continue de bâtir des statistiques nationales à partir de formulaires datant d’une dizaine d’années. Ce constat suscite l’ire des associations de cyclistes. « Il était déjà aberrant en 2000, lors de l’élaboration du questionnaire, de confondre deux-roues motorisés et vélos alors que les politiques nationales encourageaient le développement du vélo en ville (et pas du “deux roues”) », écrit ainsi Geneviève Laferrère, présidente de la Fédération des usagers de la bicyclette (FUB) à François Clanché. L’intéressé répond qu’une modification du formulaire est envisagée mais qu’elle prendra du temps. En attendant, d’autres travaux sur les trajets domiciletravail, menés à une moins vaste échelle que le recensement, mais plus précis, sont publiés chaque année par le Centre d’études sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu) qui dépend du gouvernement.