Bretagne

Raymond Depardon à Rennes

Jusqu'au 5 janvier 2025, Rennes fait la part belle au grand photojournaliste français Raymond Depardon. Une double exposition, avec au Frac Bretagne des clichés de JO, aux Champs Libres des photos prises en Algérie : focus sur cette exposition «Son œil dans ma main - Algérie 1961 & 2019», pour laquelle le Leica de Depardon a saisi deux périodes : en 1961 au temps de l'indépendance, puis en 2019, quand il est retourné à Alger en compagnie de l’écrivain Kamel Daoud.

© Claudine Nougaret
© Claudine Nougaret

«La rue, c’est une certaine liberté», indique Raymond Depardon, appareil photo à la main, toujours, un brin nostalgique lors de la visite de son exposition aux Champs Libres à Rennes. Dans les allées de l’exposition, partout, des regards saisissants fixant l’objectif, des postures marquées… «L’idée c’était de faire des photos sans avoir l’air de faire des photos, il fallait aller vite», évoque l’artiste, se remémorant, comme si c’était hier, ses passages en Algérie, ce pays avec lequel il garde des liens étroits, livrant au passage quelques anecdotes.


81 photographies

L’exposition, comptant 81 photographies de l’artiste, est divisée en quatre parcours : Alger, 1961, année pendant laquelle le principe de l’autodétermination de l’Algérie, soumis à référendum en Algérie et en France, est voté par une majorité de Français, ouvrant ainsi la voie à l’indépendance du pays ; Oranie, 1961, pendant les négociations d’Évian, le gouvernement français invite la presse étrangère à un voyage en Oranie, dans l’Ouest algérien. Il s’agit de lui faire visiter un village de regroupement, Magra, dénommé «Village de France», dans le domaine de Oued el-Kheir ; Négociation des accords d’Évian, 1961, les pourparlers entre la France et le Front de libération nationale (FLN) pour mettre fin à la guerre d’Algérie reprennent après le référendum du 8 janvier 1961 sur ordre du général de Gaulle ; Alger et Oran, 2019 : en 2018, Raymond Depardon souhaite éditer les photographies de 1961, en leur adjoignant un point de vue algérien : celui de l’écrivain Kamel Daoud. Trois longs textes de Kamel Daoud et un film de Claudine Nougaret, Kamel et Raymond, revient aussi sur la rencontre entre l’auteur et le photographe.


Des photos «l’air de rien»

Entre le printemps et l’automne 1961, le jeune reporter Raymond Depardon n’a que 19 ans quand l’agence de presse Dalmas l’envoie à plusieurs reprises en Algérie. Il est l’un des rares journalistes à accepter de couvrir cette actualité. Période pendant laquelle il saisit, avec son Leica, des regards, des sourires, des scènes de vie, captant ainsi la tension qui monte dans une ville où la présence de l’Organisation de l’armée secrète (OAS) se fait de plus en plus menaçante. «Ces photos de rues n’ont l'air de rien, mais elles nous racontent plein de choses», raconte-t-il, pensif. «Tout cela m'a ouvert à l'autre, à la tolérance et cela m'a obligé à trouver cette place qui est parfois difficile au milieu de gens qui souffrent.» Les photos, elles, racontent beaucoup. «En regardant bien, les visages, les postures, les vêtements et l'arrière-plan sont truffés de micro détails», détaille Yves-Marie Guivarch, chargé de programmation. Au-delà des photos de rues chères à l’artiste, l’Histoire et la politique ont toujours été au centre de sa démarche.


L'Algérie d’aujourd'hui

En 2019, alors qu'il souhaite pour la première fois publier ces photographies de 1961, Raymond Depardon réalise un nouveau voyage à Alger. «Nous sommes venus dire bonjour aux gens comme des touristes. La langue française est d’ailleurs un lien entre nos deux territoires», se souvient-il. Après Alger, il se rend à Oran pour y retrouver l'écrivain Kamel Daoud. De là, naît l'idée d'un livre et d'une exposition réunissant les photos des deux voyages de Depardon et les textes de l'auteur algérien. «Il y a beaucoup de jeunesse et d'espoir à Alger», assure le photographe, exposant même une dernière idée : « J’aimerais beaucoup que ces photos soient exposées aussi en Algérie, c’est leur Histoire aussi, j’aimerais leur en faire don. » Plus d’infos sur le : https://www.leschampslibres.fr/expositions/raymond-depardon/

Par Sarah SEDRAOUI (7Jours l’éco de la Bretagne) pour Réso Hebdo Éco, www.reso-hebdo-eco.com