Rahmla Dahmani : «Sonia est devenue un symbole de l’injustice en Tunisie»
L’avocate tunisienne Sonia Dahmani est emprisonnée par le pouvoir tunisien depuis le 11 mai 2024, après avoir souligné les dérives autoritaires de l’État. Sa sœur, Rahmla Dahmani, tente de la faire libérer et de faire entendre son combat depuis un an, alors que la santé de Sonia Dahmani se dégrade jour après jour.

«Nous sommes dans une lutte ouverte avec ce pouvoir». Les mots de Rahmla Dahmani sont forts et font écho à près d’une année de lutte pour aider sa sœur, l’avocate Sonia Dahmani, emprisonnée par le pouvoir tunisien depuis le 11 mai 2024 pour avoir critiqué les méthodes autoritaires du président Kaïs Saïed. Sonia Dahmani avait, entre autres, dénoncé les «dérives racistes» d'une partie de la société tunisienne.
Ces propos lui ont valu le lancement de cinq affaires judiciaires, dont l’une concerne des propos concernant les conditions d’incarcération en Tunisie. L’administration pénitentiaire avait porté plainte pour diffamation sur la base du décret 54, très controversé, et qui criminalise la propagation de fausses nouvelles. L’affaire a été renvoyée devant la chambre criminelle, malgré un arrêt de la Cour de cassation considérant que cela devait être jugé par une autre chambre, en tant que simple délit. «Elle est prisonnière d’une institution qui a porté plainte contre elle. Ils sont à la fois partie et bourreau», s’exclame Rahmla Dahmani.
«Elle est
coupée du monde»
Entre temps, les conditions de détention de l’avocate se sont détériorées, puisque malade depuis sont entrée en prison, elle avait entamée une grève de la faim après que ses proches aient de nouveau été empêchés de la voir. Après avoir vu sa famille, dans un cadre limité et très surveillé, Sonia Dahmani a stoppé sa grève de la faim, mais est «coupée du monde», selon les mots de sa sœur. Elle n’a pas accès à la télévision, à la radio ni aux journaux. De plus, alors qu’elle a reçu «plus de 100 lettres», la prison ne lui donne pas accès à son courrier. «Nous sommes très inquiets», a ajouté maître Philippe Simoneau, bâtonnier de l'Ordre des avocats de Lille. «On essaie de faire bouger les choses, c’est une question d’humanité et d’universalité», a-t-il ajouté, assurant avoir également interpellé plusieurs élus de la MEL.
Rahmla Dhamani tente également de faire entendre sa voix et d’interpeller le plus de personne possible, notamment à l’ONU ou dans la société civile et politique, mais «ne voit rien venir» pour l’instant. Pire encore, pour elle, l’Europe, peu loquace sur le sujet, «est complice et coupable de ce qui se passe en Tunisie. Les droits de l’Homme pèsent peu dans la balance lorsqu’il faut contrôler l’afflux de migrants».
«Qu’est-ce
qui différencie la Tunisie de la Corée du Nord ?»
Pendant ce temps, la situation en Tunisie se dégrade toujours plus, avec, dernièrement, ce que l'on a appelé «l’affaire des complots», qui a vu une quarantaine de personnes condamnées à des peines allant de 13 à 66 ans de prison pour «complot contre la sûreté intérieure et extérieure de l’État, constitution ou appartenance à un groupe terroriste, attentats visant à modifier la forme du gouvernement ou inciter à la guerre civile, provocation de troubles, meurtres et pillages en lien avec des actes terroristes». Des condamnations sans réels fondements selon les spécialistes, ce qui fait dire à Rahmla Dahmani : «Qu’est-ce qui différencie la Tunisie de la Corée du Nord ?».
L'avocate n’est pas la seule à subir les foudres du pouvoir tunisien, mais étant la plus médiatique, son combat pour la survie dans les geôles tunisiennes a fait qu'ils «lui ont donné une stature qui n’était pas la sienne. Elle est devenue un symbole de l’injustice en Tunisie». Les dates des prochains procès de Sonia Dahmani ne sont pas connues, le gouvernement tunisien préférant «jouer la montre pour ne pas avoir à faire à une mobilisation sur le long terme», explique le bâtonnier, tout en indiquant que ses confrères tunisiens «ont une pression phénoménale sur les épaules» et que «ceux qui osent ne pas être complices de cette situation se retrouvent, dans le meilleur des cas, mutés».