Quand les Auvergnats se (re)mettent à danser la bourrée
Le temps d'un soir, la vielle à roue a remplacé les riffs de guitare: le "bal barré" bat son plein à la Coopérative de Mai, une salle de musiques actuelles de Clermont-Ferrand gagnée par le...

Le temps d'un soir, la vielle à roue a remplacé les riffs de guitare: le "bal barré" bat son plein à la Coopérative de Mai, une salle de musiques actuelles de Clermont-Ferrand gagnée par le regain de popularité de la bourrée auvergnate.
"Bienvenue dans le monde du bal!": sous la houlette de Camille Lainé, formatrice en danses traditionnelles et musicienne, l'événement, au coeur de la capitale auvergnate, commence par une initiation à la polka, la marche, la scottish ou encore la bourrée à deux et trois temps.
Les pas s'enchaînent, parfois maladroits, parfois plus habiles. En couple ou en cercle, jeunes et moins jeunes apprennent ou révisent les rudiments de la "danse trad".
Les premiers documents font remonter la bourrée au XVIIe siècle: pratiquée à deux ou à plusieurs, elle se danse alors dans tout le Massif central, jusqu'à la Cour.
A l'heure des nouvelles technologies et de la communication virtuelle, elle opère un retour en grâce manifeste en ce vendredi soir.
"En une heure de pratique, on est déjà dans le bain: il y a une ambiance bon enfant, c'est simple, il n'y a pas de règles et il n'y a pas besoin de s'y connaître", explique Antoine Valentin, un participant de 42 ans.
"Se mélangent un peu toutes les générations au sein d'une même soirée, et je crois que ça fait partie des attraits: on n'est pas catégorisé par âge comme dans la plupart des soirées", relève Camille Lainé.
-Intergénérationnel et festif-
Martine Lavigne, une participante de 58 ans, apprécie ce "mélange intergénérationnel" et "ce côté festif, si important dans notre monde actuel".
Après une heure d'initiation, place au bal: venue de toute l'Auvergne, la foule joue le jeu et virevolte au son des cabrettes, des violons et des mélodies en occitan, qui se mêlent à des influences rock ou electro.
"Il y a une nouvelle génération qui fait exploser tous les systèmes de danse et de musique", souligne David de Abreu, directeur de l'Agence des musiques des territoires d'Auvergne (Amta), partenaire de la soirée, évoquant un "engouement" marqué spécialement chez les étudiants.
A la campagne aussi, les "bals trads" font le plein, avec des événements toutes les semaines en Auvergne et "une grosse accélération depuis 2015", poursuit-il. Avant, "on retrouvait parfois à 60% le même public qui se déplaçait d'un endroit à l'autre. Aujourd'hui, c'est une explosion (...) on ne voit pas du tout les mêmes publics."
Comment expliquer cette évolution? "Dans une société où on a besoin de faire des choses ensemble et d'avoir un défouloir collectif, on n'a plus les discothèques alors peut-être que c'est le +bal trad+ où on se retrouve", avance M. De Abreu.
-"Moment de partage"-
"C'est le fait de danser tous ensemble, c’est un moment de partage où tout le monde s’apprend les danses", confirme Jeanne Monteix, 36 ans. "Moi, je ne les maîtrise pas très bien. J’improvise un peu, je me laisse guider par les autres et je trouve qu’il y a une sensation très agréable de liberté..."
Le fait qu'une salle comme la "Coopé", qui donne plus dans le "pop-rock", s'empare du phénomène -une première sous cette forme- est "emblématique" selon David de Abreu.
Et le concept franchit les frontières auvergnates avec des "bals barrés" organisés cette année à Bordeaux, Rouen, La Rochelle et Montreuil.
"On est dans un phénomène où la mondialisation fait qu'on a besoin de se raccrocher à quelque chose, à une histoire et peut-être une identité. Alors nous, on est extrêmement vigilant à dire +oui on se raccroche à une identité, pas pour s'enfermer, mais pour permettre de dialoguer avec les autres+", assure M. de Abreu.
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