Gazettescope

Quand le salaire anticipé sert d'ajustement budgétaire...

Avance ou acompte sur salaire : la pratique n’est pas nouvelle en entreprise. Mais le contexte économique incertain lié à l’érosion du pouvoir d’achat de beaucoup de salariés la remet au goût du jour. Elle est aussi un clivage entre générations, les plus jeunes la plébiscitant. Que dit le droit du travail en la matière ? La Gazettescope décrypte cette semaine cet usage.

Un système de souplesse quant à la rémunération devient un levier d'émancipation économique pour les travailleurs.
Un système de souplesse quant à la rémunération devient un levier d'émancipation économique pour les travailleurs.

Faisons d’abord le distinguo. En cas de difficultés financières ou de besoin urgent de liquidités, le salarié a la possibilité de se tourner vers son employeur pour demander le versement anticipé d’une partie de son salaire. Mais une vigilance s’impose pour éviter de confondre les notions d’avance sur salaire et d’acompte sur salaire. Elles impliquent des obligations et des contraintes bien distinctes pour l’entreprise. L’avance sur salaire consiste en un paiement anticipé d’une partie du salaire pour des heures de travail qui, contrairement à l’acompte, n’ont pas encore été effectués par le salarié. Ces avances sont assimilées à des prêts accordés par l’entreprise. Elles sont à ce titre remboursées par le salarié au moyen de retenues successives sur ses salaires suivants. La somme perçue est imposable à l’impôt sur le revenu au titre du mois de son versement.

La question du montant

L’avance sur salaire n’est pas un droit. L’employeur peut tout à fait accepter ou refuser une telle demande sans avoir à motiver ou justifier sa décision. En cas de refus, il n’existe pas de recours. Une demande d’acompte, si les conditions sont réunies, peut alors dans ce cas être envisagée. Contrairement à l’acompte, tous les salariés peuvent solliciter une avance sur salaire. Le Code du travail n’impose pas de conditions particulières pour initier une telle demande. À l’inverse d’une demande d’acompte qui est encadrée et limitée dans son montant, il n’y a pas de montant maximum à respecter pour demander une avance. Le salarié peut donc obtenir une avance d’un montant supérieur à sa rémunération mensuelle. L’employeur reste libre de décider du montant de l’avance qu’il souhaite accorder, d’un commun accord avec le salarié. La somme versée au titre d’une avance est récupérée par l’employeur de façon échelonnée, au moyen de retenues successives sur salaire. Contrairement à l’acompte, la somme prêtée n’est pas récupérée dans son intégralité à la fin du mois.

Les jeunes plébiscitent la pratique

L’an passé, près d’un quart des salariés français ont sollicité un acompte ou une avance sur salaire. Ce qui représente quelque six millions de personnes. En cette période d’incertitudes économiques où réduire les frais bancaires s’avèrent essentiel, huit Français sur dix considèrent la pratique comme une alternative au découvert ou au crédit à la consommation, selon une enquête OpinionWay. Les personnes de plus de 58 ans et celles nées entre 1965 et 1980 manifestent respectivement une réserve de 46 % et de 41 %. À l’inverse, les jeunes nés après 2000 et 70 % des milléniaux sont totalement en phase, représentant un total de 74 %. À propos de l’acompte sur salaire, le Code du travail tipule : «qu’un acompte correspondant, pour une quinzaine, à la moitié de la rémunération mensuelle, est versé au salarié qui en fait la demande.» L’acompte sur salaire est un droit pour les salariés. Pour le faire valoir, il faut obligatoirement percevoir une rémunération mensuelle. La demande d’acompte sur salaire peut être formulée pour une personne en CDD ou en CDI. Un salarié travaillant à domicile, saisonnier, intermittent ou temporaire, non mensualisé, ne peut pas demander d’acompte sur salaire. On le voit donc, si la pratique s’apparente à une souplesse dans la gestion d’un budget, si elle peut contribuer à la concentration des employés sur leur travail en leur épargnant les soucis de mois compliqués, en plus de les fidéliser, il y a un revers à la médaille, comme le souligne l’Association nationale des DHR (ANDRH) : «le risque d'endettement n'est cependant pas à négliger. Quand quelqu'un demande ce genre de chose de façon systématique, ça veut dire qu'il a un problème de trésorerie. Il faut faire attention à ce qu'il ne se retrouve pas dans une situation où au bout d'un moment il sera surendetté.»

«L'acompte sur salaire permet de pallier les besoins financiers urgents.»