Qu'attend le monde économique du nouveau Premier ministre ?

À l'heure de la nomination du Premier ministre, le monde patronal, inquiet, a réaffirmé la nécessité de poursuivre la politique de l'offre et d'adopter une politique budgétaire rigoureuse.

La CPME plaide pour la mise en place d'une « stratégie » en matière de politique publique économique, à travers son président François Asselin.© Geoffroy Lasne
La CPME plaide pour la mise en place d'une « stratégie » en matière de politique publique économique, à travers son président François Asselin.© Geoffroy Lasne

Alors qu'Emmanuel Macron a nommé Michel Barnier comme Premier ministre, plusieurs représentants du monde patronal ont fait entendre leurs préoccupations et leurs priorités durant le fin de l'été. Celles d'un monde économique déstabilisé par cette longue période d'incertitude. Sur fond d'augmentation du nombre de faillites d'entreprises et d'une situation budgétaire tendue, Medef, Mouvement des entreprises de France, et CPME, confédération des petites et moyennes entreprises, ont appelé à la rigueur budgétaire et à une poursuite de la politique de l'offre en œuvre depuis le gouvernement de François Hollande.

Le 31 août, François Asselin, président de la CPME, s'est exprimé via une lettre ouverte au futur Premier ministre. Il l'appelle à mettre de côté « les querelles partisanes pour faire en sorte que notre pays ne sombre pas dans un immobilisme, synonyme de chaos ». Sur le plan économique, il invoque la nécessité de retrouver du « sérieux budgétaire » et « proposer des nouvelles dépenses nous exposerait aux mêmes déconvenues que la Grèce ou l’Espagne ».

A contrario, la CPME plaide pour la mise en place d'une « stratégie » en matière de politique publique économique. Avec, par exemple, la reprise du projet de loi sur la simplification (et notamment le test PME) qui a sombré dans la dissolution. « Décourager les PME en leur ôtant toutes perspectives de développement serait suicidaire », alerte le président de la CPME. Par ailleurs, « les partenaires sociaux (…) pourraient utilement être mis à contribution », complète-t-il. Deux jours plus tôt, Michel Picon, président de l'U2P, l'Union des entreprises de proximité, est intervenu sur RTL pour préconiser la nomination d'un « patron qui a fait ses preuves dans la réussite de la gestion de son entreprise et qui a aussi fait ses preuves dans la prise en compte sociale des problèmes de la société », a-t-il expliqué.

Ne pas abandonner la politique de l'offre

Le 26 août, à la REF, Rencontres des entrepreneurs de France, rendez-vous de rentrée du Medef, Patrick Martin, son président, a lui aussi souligné l'inquiétude du monde patronal : « les entrepreneurs que nous sommes tous sont déjà inquiets. Ne les rendons pas fébriles ». Cette année, circonstances exceptionnelles obligent, aucun ministre n'était présent – à l'exception de Bruno Le Maire, ministre de l'Economie démissionnaire, qui n'a pas pris la parole. Pour la première fois dans l'histoire de la REF, la présidente de l'Assemblée Nationale, Yaël Braun-Pivet, et le président du Sénat, Gérard Larcher, ont endossé le rôle d'interlocuteurs politiques du monde économique. Et ils se sont voulus rassurants.

Le pays ne peut pas partir « en marche arrière », a déclaré Patrick Martin, suscitant des applaudissements nourris. Vent debout contre le programme du NFP, le président du Medef a dénoncé les « propositions dangereuses » (abrogation de la réforme des retraites), les « effets ravageurs » de la potentielle augmentation du Smic sur les entreprises, ou encore la « doxa mortifère et liberticide » de LFI qui conduirait à faire passer la dépense publique de 57 à 65% du PIB. « Remettre en cause, ou simplement suspendre la politique de l’offre ne pourra qu’accélérer notre déclassement. Cela se paiera cash ! », a prévenu le président du Medef.

Les représentants du Sénat et de l'Assemblée Nationale ont été dans son sens. « Ce qu' il faut éviter, c'est une politique qui détruise les réformes qui ont produit des résultats (…) ce sont les PME qui seraient d'abord victimes du chaos économique. Notre économie a besoin de stabilité », a déclaré Yaël Braun-Pivet. Gérard Larcher a dénoncé « la tentation de laisser filer le déficit qui ne pourrait aller que vers une crise financière majeure », tout en réaffirmant la nécessité de ne pas alourdir la pression fiscale. Le président du Sénat a aussi évoqué le sujet de la réforme des retraites : « il serait totalement irresponsable de revenir en arrière (…) Le sénat sera particulièrement vigilant », a-t-il déclaré, suscitant des applaudissements nourris.

« La précédente législature n'a pas été une parenthèse »

Au delà des débats économiques, dans ce panorama politique qualifié d' « inédit, fracturé, inquiétant » par Patrick Martin, les représentants des deux chambres se sont présentés comme garants d'un ordre institutionnel. « Nous sommes unis par une même volonté d'être utiles et de contribuer l'émergence de solutions », a annoncé Gérard Larcher. « Garantir la stabilité institutionnelle du pays est essentiel (…) c'est l'engagement que je suis venue prendre », a déclaré Yaël Baun-Pivet.

Mais aussi, la présidente de l'Assemblée Nationale a invité les auditeurs à prendre acte de ce qui est à ses yeux un changement structurel. « La précédente législature n'a pas été une parenthèse. Le temps des coalitions est venu. La France doit apprendre à fonctionner comme le font toutes les grands démocraties du monde » avec des formations « qui ne sont pas d'accord sur tout et qui trouvent des accords », a-t-elle précisé. Yaël Baun-Pivet a ensuite dressé un bilan de la précédente législature : 40 textes définitivement adoptés à l'unanimité, dont 90% émanaient du Parlement , un « travail de compromis » mené aussi avec le Sénat avec des commissions mixtes paritaires conclusives dans 85% de cas. « Nous avons fait l'apprentissage de ce qu'est une Assemblée Nationale sans majorité absolue (…). Le résultat n'est pas déshonorant », a-t-elle conclu.

Quant à Patrick Martin, il a évoqué le pouvoir du Medef comme « fédération professionnelle » et comme « partenaire social », « fermement décidé à assurer son rôle et ses responsabilités. La démocratie sociale est très importante pour la cohésion, en particulier quand la démocratie politique se cherche ». Le Medef entend aussi éclairer cette dernière, en produisant des analyses économiques et en les portant auprès de « tous les acteurs politiques, quelle que soit leur appartenance ».