Produire en économie circulaire pour préserver la ressource

Depuis de nombreuses années, nous assistons à une exploitation intensive des métaux rares à l’échelle mondiale. Ils comprennent, de façon non exhaustive, l’indium, le lithium, le niobium, le tantale, le béryllium, le zirconium, le hafnium, le germanium, le gallium, les terres rares, ainsi que l’yttrium et le scandium. Ces derniers sont la cible de plusieurs acteurs du marché mondial car ils entrent dans la fabrication d’une grande variété de biens de consommation. L’indium par exemple, est principalement utilisé pour les téléviseurs, les ordinateurs, les récepteurs GPS, les téléphones mobiles, les appareils photo…

Cependant, de cet excès est né un épuisement de ces ressources qui, aujourd’hui, peut à court et moyen terme entraîner des bouleversements géostratégiques et économiques majeurs.

Limitation des réserves de minerais : causes et conséquences. Depuis 2010, la Chine assure un quasi-monopole sur la production de terres rares dans le monde. Par cette mainmise sur ces minéraux stratégiques, Pékin a complètement bousculé les équilibres géopolitiques internationaux. Et du fait de l’impact environnemental désastreux, le gouvernement central chinois a décidé d’imposer des quotas concernant les exportations de métaux rares, tels que l’indium et le germanium.

La guerre en République démocratique du Congo, qui est l’un des conflits les plus meurtriers depuis la Seconde Guerre mondiale avec plus de 5 millions de morts, est aussi un obstacle substantiel pour un approvisionnement certain du tantale (60 et 80% des réserves mondiales sont localisées au Kivu). Ce métal stratégique préparé à partir du coltan est très prisé pour sa grande résistance à la corrosion. Il est surtout utilisé dans la fabrication de condensateurs pour les équipements électroniques mais entre également dans la composition d’alliages de cobalt et de nickel dans l’aéronautique, et particulièrement la fabrication des réacteurs.

Ces problèmes géostratégiques engendrent indubitablement des perturbations au niveau économique. En effet, des pays exportateurs de ces métaux rares pourraient voir leur balance commerciale s’inverser rapidement, ce qui pourrait, à terme, dégrader leurs indicateurs macro-économiques. Les industries de haute technologie issues des pays industriels pourraient ne plus fonctionner sans  un approvisionnement fiable et régulier de ces métaux et à des prix compétitifs, surtout lorsque l’on sait que les métaux de substitution sont en général plus chers ou moins performants. Certains pays pourraient également mettre en place des quotas afin de faire pression sur le marché (comme la Chine).

Au regard de ces risques de pénurie, la voie du recyclage est celle qui a été privilégiée, notamment par la région Nord-Pas-de-Calais, afin de préserver la ressource. Par la mise en place d’un processus global d’économie circulaire, celle-ci développe depuis quatre ans une filière de valorisation des métaux stratégiques des déchets.

Valoriser les métaux stratégiques des déchets. La région Nord-Pas-de-Calais est connue pour avoir abrité des fleurons de la sidérurgie et des métaux non ferreux. On peut citer Metaleurop qui fut le premier producteur mondial de germanium et indium. Fort de ce savoir-faire dans les sciences de matériaux, la région a décidé de s’investir pleinement dans l’économie circulaire viale pôle de compétitivité Team², installé à Loos-en-Gohelle, sur le site d’une ancienne fosse de mine.

Labellisé en 2010, Technologies de l’environnement appliquées aux matières et aux matériaux est un pôle de compétitivité spécialisé sur les technologies de recyclage, de valorisation des déchets et la recyclabilité des matières et matériaux. Sa principale vocation est d’aider les entreprises à réaliser leurs projets innovants et faire émerger de nouveaux projets. Depuis sa création, le pôle fédère les principaux acteurs de l’industrie, de la recherche (CNRS, Ecole de chimie de Lille, Ecole des mines de Douai) et de la formation.

Actuellement, Team², c’est 35 projets pour un montant de 46 M€. On peut citer quelques exemples de projets labellisés TEAM² : RECYCAT, procédé de recyclage vert et innovant des métaux stratégiques contenus dans les pots catalytiques usagés ; le projet RECYCLED, développement de procédés innovants pour le recyclage de l’indium et du gallium contenus dans les diodes électroluminescentes ; ou encore le projet MEDUSA, démantèlement et valorisation des écrans plats (récupération des métaux rares : indium, cristaux liquides, recyclage de l’ABS…).

Aujourd’hui, l’enjeu, qui est de réussir la conversion au recyclage grâce à l’innovation, n’est pas seulement de créer du chiffre d’affaires et des emplois. Il s’agit également de pérenniser toute une industrie. Ainsi en 2015, les objectifs technologiques du pôle sont, d’une part, le développement d’une filière de traitement des cartes électroniques et, d’autre part, d’apporter à la région Nord-Pas-de-Calais la notoriété de première région pour la production de métaux et terres rares de récupération. Pour réussir dans ce dessein, Team²  se doit impérativement de multiplier les sources de financement via un soutien plus conséquent de la banque publique d’investissement et des investisseurs privés.