Production et consommation de miel : le dessous des étiquettes
La France est le pays le plus consommateur de miel en Europe avec près 600 g par an, par personne, soit un marché annuel dépassant les 40 000 tonnes. Petit souci : la production nationale baisse et sert moins de la moitié de nos besoins…Alors que vaut le miel d’importation ?
En ce début d’août, les apiculteurs sont tout affairés à leur deuxième récolte de l’année. La sécheresse et les vents de nord-est qui sévissent depuis juin n’ont pas fait de cadeau. Dommage, le printemps avait été propice. Heureusement, le «made in France» tient ses promesses. Principale explication : l’essentiel de la production française provient d’apiculteurs récoltants indépendants et passionnés.
Le revers de la médaille est que la production nationale baisse depuis les années 90 : elle est passée sous la barre des 20 000 tonnes par an. Elle était de 35 000 tonnes en 1994 (source UNAF, Union nationale de l’apiculture française). Autre mauvaise note : la France ne produit que 3% de sa consommation de gelée royale.
Des initiatives intéressantes
Un peu partout on se mobilise pour soutenir la production nationale, comme Arnaud Montebourg, ex-ministre de l’Economie, qui a créé la marque Bleu Blanc Ruche pour soutenir des petits apiculteurs. Il faut savoir que 38% de la production nationale provient d’apiculteurs professionnels – ceux possédant plus de 400 ruches. Les semi-professionnels (entre 150 et 400 ruches) fournissent 26% de la consommation nationale et les petits apiculteurs (moins de 100 ruches) seulement 11%, à raison de 20 kg en moyenne par ruche, par an.
Une passion d’abord
Malgré les aléas du climat, le moral des apiculteurs indépendants tient bon. Pourtant, beaucoup de passionnés n’auront pas de successeurs à leur retraite. «Cette passion nécessite d’anticiper constamment et d’y consacrer beaucoup de temps», observe Mickaël Dechepy (Le Rucher d’Achille, dans la Somme), qui vit de son activité d’apiculteur depuis 2012, avec plus de 300 ruches. Première priorité : lutter contre la surmortalité des abeilles. Du temps de son grand-père, le taux de renouvellement des essaims était de 5% à 10% par an. Aujourd’hui, il frise les 30%. Principale cause de mortalité : un acarien, le varroa. Autre menace : le frelon – notamment l’asiatique – dangereux prédateur que les apiculteurs ont appris à piéger autour des ruches. Il reste la question des pesticides, notamment le retrait des tristement célèbres néonicotinoïdes qui affectent le système nerveux des abeilles.
Pour réussir, la plupart des apiculteurs misent sur l’appellation « miel de pays » ou «de terroir». Ils choisissent d’écouler leur production sur les marchés ou dans des épiceries fines. Certains ouvrent leur propre boutique. D’autres transportent leurs ruches, lot par lot, sur des territoires choisis, selon la floraison, afin de diversifier leur production. « Les tentatives de regroupement pour fournir les centrales d’achat des hypermarchés n’ont guère convaincu », explique Laurent Pallenchier, apiculteur, formateur, fondateur de L’Abeille de Picardie (Thennes, 80). «Certains s’en sont mordus les doigts car ils n’ont pas pu fournir le volume négocié. Ils ont dû payer des pénalités ! »
Fraudes à l’import
Le marché a appris à s’organiser entre indépendants, groupements régionaux ou coopératives (comme France Miel, dans le Jura), grossistes, négociants / acheteurs et les grands conditionneurs (cinq ou six dans le monde). Les géants du conditionnement du miel en France s’appellent Apidis, Michaud (à Pau) ou encore Culture Miel (Loiret).
Pour obtenir des prix de vente moins élevés et maintenir leur marge, les grandes centrales d’achat se tournent vers les grands pays producteurs (Ukraine, Espagne, Chine, Argentine…)
Les analyses faites par des laboratoires montrent régulièrement que les miels d’importation bon marché sont souvent douteux : près d’un tiers d’entre eux présentent des ajouts de sucre. Et une enquête de l’UE avait révélé, en 2015, que 30% des étiquetages de ces miels importés étaient frauduleux.
Choisir un bon miel
Pour résumer, un bon miel vaut son prix. Les miels de grande qualité – lavande, tilleul (souvent les plus chers), acacia, tournesol…- valent de 15 à 25 euros/kg. Il ne faut pas sous-estimer les «miels de fleurs» ou «fleurs sauvages», surtout ceux récoltés au printemps, aux saveurs singulières – argousier, lilas de mer, troène, châtaignier,… Ajoutons-y les miels de montagne (fleur et pin ou épicéa).
Dans les miels de pays, le mélange est autorisé (comme «thym et lavande ») à condition que ce soit du même terroir. Enfin, un miel de qualité a une durabilité pouvant atteindre 18 mois.
On retiendra que, comme pour les grands vins, un bon miel doit pouvoir révéler ses arômes lors de l’achat. Au consommateur gourmet, averti, d’accepter, après dégustation, d’y mettre le prix !
Pierre MANGIN