Procès Le Scouarnec: à Vannes, des victimes soutenues par des manifestants

Devant le tribunal judiciaire de Vannes, une trentaine de manifestants déploient une banderole accusant le Conseil de l'Ordre des médecins de "complicité". À quelques pas, l'une des 299 victimes du pédocriminel Joël Le Scouarnec, dont le...

Des manifestants devant le tribunal correctionnel de Vannes, le 24 février 2025, le jour de l'ouverture du procès du chirurgien à la retraite Joël Le Scouarnec © Damien MEYER
Des manifestants devant le tribunal correctionnel de Vannes, le 24 février 2025, le jour de l'ouverture du procès du chirurgien à la retraite Joël Le Scouarnec © Damien MEYER

Devant le tribunal judiciaire de Vannes, une trentaine de manifestants déploient une banderole accusant le Conseil de l'Ordre des médecins de "complicité". À quelques pas, l'une des 299 victimes du pédocriminel Joël Le Scouarnec, dont le procès s'est ouvert lundi, les observe avec attention.

Les yeux cernés derrière des lunettes rondes, Amélie Lévêque, 42 ans, confie à l'AFP son "appréhension" de revoir l'ex-chirurgien, qui l'a opéré d'une appendicite à la clinique de Loches (Indre-et-Loire) lorsqu'elle avait neuf ans, et qui, accuse-t-elle, l'a violée.

"J'ai peur de le voir (Le Scouarnec, NDLR) même si j'attends ce moment depuis longtemps", dit-elle, assurant être prête néanmoins "à commencer le combat."

Dans son pardessus bleu-marine, elle avoue puiser des forces dans ses échanges avec les autres victimes représentées par son avocate Me Francesca Satta.

Ce matin, avec "des victimes devenues amies, nous avons pleuré ensemble. C'était à la fois beau et douloureux."

Elle observe, par dessus une nuée de caméras et de micros, les manifestants venus scander des slogans contre "l'omerta médicale".

"Cela fait du bien", souffle-t-elle.

Dénoncer l'omerta

Au pied des marches du tribunal, Ariel Ladebourg, 21 ans, ne décolère pas. 

Étudiante en médecine, elle est venue avec le collectif féministe "Nous Toutes Vannes" brandir des pancartes contre, notamment, la pédocriminalité.

"Il faut attendre des procès comme celui-là (...), il faut attendre 299 vies de détruites pour qu'on se dise +ah oui, c'est grave+", martèle-t-elle.

"C'est le reflet de la société qui banalise, minimise les violences faites aux enfants."

Pins féministes au revers de leurs vestes, Jacky Trovel, 75 ans, et Rozenn Chapelain, 78 ans, sont "là pour dénoncer l'omerta qui rend ces crimes possibles".

"L'omerta est partout en France, que ce soit l'Église, les services publics, l'Éducation nationale", dénoncent les deux sœurs, enseignantes à la retraite.

Même au sein des familles: dans leur mégaphone, l'ex-épouse de Le Scouarnec est accusée d'avoir "laissé faire" alors qu'elle "savait" que son mari était pédocriminel, dénoncent des manifestants.

Inaction

Dans son imperméable jaune, Annick Plou, 78 ans, rappelle sa longue carrière de médecin généraliste, à l'ombre d'un "Conseil de l'ordre des médecins, une institution réactionnaire".

Elle-même au courant d'agressions sexuelles commises par des confrères, "n'a pas eu le droit de les dénoncer" et a été "forcée de (se) taire" au nom du "devoir de confraternité" imposé par le Conseil de l'Ordre des Médecins (CNOM), regrette-t-elle.

"Le CNOM forme un tribunal d'exception et nous voulons que le procès Le Scouarnec soit l'occasion de se poser la question de sa réforme."

À Paris, une dizaine de manifestants se sont rassemblés devant le siège du CNOM.

"On dénonce l'inaction de l'Ordre des Médecins qui était au courant depuis 2006 et n'a rien fait pour enquêter et empêcher (Joël Le Scouarnec) d'exercer", a déclaré à des journalistes Sonia Bisch, fondatrice et porte-parole de StopVOG France. 

Dès l'ouverture des débats, quatre parties civiles, dont les associations La Voix de l'Enfant et Face à l'inceste, ont demandé à la cour criminelle du Morbihan de récuser la constitution du CDOM 56 en tant que partie civile. Une démarche "moralement indécente et juridiquement contestable", selon l'avocat de La Voix de l'Enfant Frédéric Benoist.

L'avocate du CNOM Negar Haeri a répondu que l'Ordre national "défend les intérêts collectifs de la profession, qui ont été salis par les agissements reprochés à Joël Le Scouarnec", rôle justifiant selon elle la place de l'Ordre du "côté des parties civiles".

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