Procès des mails "cryptopornos": des peines de prison ferme requises
Des peines de six mois et d'un an de prison ferme sous bracelet électronique ont été respectivement requises mercredi contre deux jeunes hackers jugés à Paris pour une campagne de mails de "sextorsion" en 2019, dont le nombre de victimes...
Des peines de six mois et d'un an de prison ferme sous bracelet électronique ont été respectivement requises mercredi contre deux jeunes hackers jugés à Paris pour une campagne de mails de "sextorsion" en 2019, dont le nombre de victimes est pourtant impossible à établir selon la défense.
La procureure a requis contre Jordan R., 25 ans, trois ans et demi de prison dont trois assortis du sursis probatoire. Contre Augustin I., 25 ans, qui a déjà fait dix mois de détention provisoire, elle a demandé quatre ans de prison dont trois assortis du sursis probatoire.
Elle a également demandé à ce que leur période de prison ferme soit aménagée sous bracelet électronique et qu'ils aient interdiction de se contacter et l'obligation d'indemniser les victimes, notamment.
"En matière de cybercriminalité, les peines sont regardées avec beaucoup d'attention par les délinquants", a-t-elle conclu à l'adresse du tribunal correctionnel.
Les deux prévenus comparaissent depuis lundi pour avoir élaboré un logiciel malveillant, "Varenyky", afin d'infecter un réseau d'ordinateurs pour utiliser leurs adresses IP. A partir de là, des mails en français étaient envoyés automatiquement à des milliers d'adresses Orange, menaçant les internautes de diffuser des vidéos d'eux devant des films pornographiques s'ils ne payaient pas une rançon en bitcoin.
Puissance de frappe
Les deux ex-amis, qui vivaient en partie en Ukraine à l'époque des faits, ont reconnu leur participation et raconté comment ils convertissaient l'argent reçu sur des portefeuilles numériques, wallets, en liquide.
Leur est reproché l'extorsion et tentative, l'accès et maintien dans un système de traitement automatisé de données et blanchiment en bande organisée.
Si Augustin I. a estimé qu'ils n'étaient que des "bras cassés", la parquetière a insisté sur "sa puissance de frappe capitale", jugeant que "les chercheurs en cybersécurité se sont intéressés à Varenyky parce qu'il est sorti du lot".
Alors que du côté de la défense on demande la requalification de l'extorsion en chantage (moins durement réprimé), la parquetière a soutenu que les mails "jouaient sur la peur de diffuser des vidéos intimes", caractérisant "la contrainte morale" nécessaire pour l'infraction d'extorsion.
La défense des deux prévenus a porté l'essentiel des débats sur la difficulté, voire l'impossibilité d'attribuer précisément un seul mail de menace reçu par une victime aux deux coprévenus, les enquêteurs n'ayant pas fait le tri en amont.
Les deux hackers ont été arrêtés en septembre et décembre 2019 et ont avoué avoir commencé leur campagne en 2018, mais ne sont jugés que pour les mois de janvier à juin 2019.
Enquête "bâclée
Des victimes qui ont reçu des mails suspects en dehors de cette période ont toutefois été invitées à se présenter mercredi à l'audience. Autre difficulté : à la même époque, d'autres hackers utilisaient ce genre de virus pour envoyer des mails similaires.
"Il n'y a aucune certitude pour savoir si tel mail a bien été envoyé par l'action de ces deux coprévenus", a répété Me Guillaume Halbique, qui défend Jordan R. avec Me Raphaëlle Rischmann, déplorant une enquête "bâclée".
"C'est comme si on reprochait des vols commis de janvier à fin juin 2019, on ne vous dit pas quel propriétaire est visé, quelle voiture a été volée", a insisté Me Halbique.
"Si vous ne savez pas à quelles victimes vous appliquez les faits reprochés vous serez bien en peine de les condamner", a aussi fait valoir Me Jean-Laurent Panier, conseil d'Augustin I., en s'adressant au tribunal.
Le ministère public a reconnu que de nombreux internautes n'auraient pas dû recevoir d'avis à victime, mais a souligné que "cela illustre la difficulté de l'instruction: la volumétrie des victimes".
Quatre d'entre elles, plutôt âgées, sont venues témoigner de leur détresse, demandant une indemnisation de 250 à quelques milliers d'euros au titre du préjudice moral.
A la barre, les deux hackers ont présenté leurs excuses, disant avoir mûri et pris conscience depuis de l'impact psychologique qu'avaient pu avoir leurs mails.
Le jugement sera rendu le 2 novembre.
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