Procédure collective à l’encontre du franchisé : la responsabilité du franchiseur écartée
Dans une récente décision, la Cour de cassation tranche la question de la responsabilité du franchiseur dans la liquidation judiciaire du franchisé. L’obligation de l’initiateur du réseau ne s’étend pas à la prise en charge des pertes du franchisé.
La loi Doubin, intégrée en partie au code de commerce à l’article L. 330-3, définit notamment le contrat de franchise comme étant “conclu dans l’intérêt commun des deux parties”. Si la jurisprudence a déjà pu sanctionner le déséquilibre qui contredit cet intérêt commun, au travers de l’abus de dépendance économique 1, ou plus récemment de la présentation par le franchiseur d’un “prévisionnel irréaliste et chimérique” au franchisé 2, l’éventuelle responsabilité du franchiseur dans la déconfiture de son cocontractant au cours de l’exécution du contrat de franchise n’avait pas encore été tranchée de façon claire.
En rappelant les principes essentiels du contrat de franchise, un arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation, rendu le 7 janvier dernier, lève tout doute en la matière, et détaille les obligations mises à la charge du franchiseur au cours de l’exécution du contrat 3.
En l’espèce, un contrat de franchise portant sur une activité de location de voitures avait été conclu en 2004 entre le nouveau franchiseur d’une enseigne renommée et un franchisé qui s’était porté acquéreur de fonds de commerce de location de voitures cédés par cette enseigne.
Trois ans après la signature du contrat de franchise, le franchisé est mis en liquidation judiciaire. Le franchiseur l’assigne alors en paiement du droit d’entrée, tandis que le liquidateur du franchisé invoque divers manquements de l’initiateur du réseau dans l’exécution du contrat. Le représentant du franchisé a ainsi argué d’un manquement à l’obligation de loyauté et de coopération entre le franchiseur et le franchisé, afin de promouvoir leur réussite commune pendant l’exécution du contrat. Il soutenait, à ce titre, que le franchiseur, informé des difficultés économiques du franchisé, ne peut se contenter d’une attitude passive, mais doit au contraire fournir ses meilleurs efforts aux fins de l’aider à surmonter ces difficultés, au besoin en adaptant les conditions financières du contrat de franchise.
Décision. La Cour de cassation rejette cet argument et valide la décision de la cour d’appel, qui avait indiqué que “le franchisé est un entrepreneur indépendant qui assume et porte la responsabilité de ses résultats d’exploitation, financiers et commerciaux, l’obligation du franchiseur ne s’étendant pas à la prise en charge des pertes du franchisé”. En outre, elle constate qu’en l’absence de clause en ce sens, rien n’oblige le franchiseur à renégocier un contrat en cours d’exécution. Le liquidateur du franchisé soutenait également qu’il appartenait au franchiseur d’assurer le dynamisme et la cohésion de son réseau, et donc de développer ou, à tout le moins, maintenir en l’état le maillage du réseau.
Là encore, la Cour relève qu’aucune stipulation contractuelle ne met à la charge du franchiseur une obligation de maintien en l’état ou de développement de son réseau, et opposera une fin de non-recevoir à l’argument soulevé par le demandeur. Le liquidateur faisait enfin valoir, en usant de la formulation validée par une jurisprudence antérieure favorable au franchisé4, que “pèse sur le franchiseur une exigence de réussite commerciale pendant toute la durée du contrat, dont il doit notamment s’acquitter par l’actualisation de son savoirfaire”. Ainsi, le franchiseur qui n’est pas en mesure de démontrer l’actualisation de son savoir-faire devrait voir sa responsabilité engagée.
Là encore, la Cour suprême rejette le moyen développé en rappelant qu’il n’appartient pas au franchiseur d’apporter la preuve de l’actualisation de son savoir-faire, mais au franchisé de démontrer la violation par l’initiateur du réseau de ses obligations contractuelles. Cette preuve n’étant pas rapportée en l’espèce, le pourvoi en Cassation du liquidateur du franchisé est définitivement rejeté. Par cet arrêt, la chambre commerciale rappelle que le contrat demeure la loi des parties et que le juge n’a pas, dans le cadre du franchisage, à mettre à la charge d’une partie une obligation qui n’aurait pas été conventionnellement prévue. Les parties au contrat de franchise sont des professionnels indépendants, pleinement responsables des engagements qu’ils ont valablement souscrits, sans que le juge puisse modifier l’étendue de leurs obligations.
1. Voir not. Com. 16 décembre 1997, n°95-21.555.
2. Com. 25 juin 2013, n°12-20.815.
3. Com. 7 janvier 2014, n°12-17.154.
4. Douai, 6 septembre 2007, n°06/1777.