Prêt garanti par l’État : les entreprises parviendront-elles à rembourser ?

Le pourcentage d'entreprises qui ne seraient pas en mesure de rembourser leur prêt garanti par l’État (PGE) pourrait aller de 7,3 à 14% met en garde le Conseil d'analyse économique, rattaché à Matignon, dans une note récente.

(c) Ricochet64
(c) Ricochet64

Du simple au double... Le Conseil d'analyse économique, comité d'experts rattaché à Matignon, a publié ce mois d'octobre un document d'analyse intitulé « Prêt garanti par l’État : les entreprises pourront-elles rembourser ? Un éclairage à la mi-2024 » ( Focus numéro 109). L'étude se base sur plusieurs sources de données, Bpifrance, la Banque publique d'investissement, la Banque de France et CMAF, Crédit Mutuel Alliance Fédérale. Son objet : le remboursement des deux PGE, prêts garantis par l'état, qui se sont succédé. Le premier lié à la crise du Covid, octroyé majoritairement entre avril 2020 et janvier 2021 (pour un total d’environ 135 milliards d'euros, selon la Direction générale du Trésor), avec pour échéance 2026. Le second, le PGE résilience, octroyé entre février 2021 et juin 2022.

Aujourd'hui, selon l'étude, près de 40 % des TPE et PME ont souscrit à des PGE qu’elles doivent rembourser. Mais, à en suivre les déclarations des entreprises emprunteuses, lors de la dernière enquête de conjoncture de Bpifrance, tout semble aller pour le mieux : 4% d'entre elles seulement craignent de ne pas parvenir à rembourser. Les données de Crédit Mutuel Alliance Fédérale apportent un éclairage sur la complexité de la situation. Tout d'abord, les entreprises ayant souscrit un ou des PGE avaient initialement (avant le déclenchement de la crise Covid) des niveaux de trésorerie nettement inférieurs à ceux des entreprises sans PGE. Deuxième constat, les dynamiques de remboursement du PGE sont très hétérogènes. Par exemple, le quart des entreprises ayant souscrit un seul PGE (entre avril 2020 et janvier 2021) ont remboursé la totalité en juin dernier, 19 % d'entre elles moins de la moitié. Les entreprises qui ont le plus étalé leurs remboursements ont généralement souscrit des PGE plus élevés relativement à leur chiffre d’affaires.

Hypothèse : jusqu'à 17% de non-remboursement

Mais combien, parmi ces entreprises, risquent de ne pas pouvoir rembourser ? « La capacité d’une entreprise à rembourser peut s’apprécier, d’une part, par le niveau de trésorerie dont elle dispose à une date donnée et, d’autre part, par les flux de trésorerie qu’elle sera capable de générer à l’avenir (soit sa capacité d’autofinancement — CAF) » rappellent les analystes. Or, la situation financière des PME et des TPE se détériore. C'est le cas de la trésorerie pour l'ensemble de ces entreprises, selon le bulletin de juillet-août 2024 de la Banque de France. Et l'étude de CMAF montre qu'après s'être améliorée, la situation de la trésorerie des PME et des TPE qui ont souscrit à un PGE s'est ensuite dégradée (pour couvrir les frais courants et rembourser le prêt).

Autre évolution inquiétante, selon les experts du Conseil d'analyse économique, celle du ratio CAF/ chiffre d'affaires des TPE et PME . D'après la Banque de France, il était de 7,1 % en 2018, comme en 2019. En 2023, la médiane est de 6,65 %. Avec une répartition très étalée : 25 % des TPE-PME ont un ratio de CAF/CA inférieur à 2,8 %, les 25 % les plus prospères, un ratio de plus de 13,5 %. Sur la base de ce ratio CAF/ chiffre d'affaires auxquels ils ont ajouté le poids du remboursement annuel du PGE, les experts ont défini deux seuils de soutenabilité possible (en intégrant ou pas d'autres dépenses). Dans la première hypothèse basse, 7,3 % des entreprises ayant souscrit un PGE seraient ainsi en difficulté pour le rembourser. Cela représenterait un risque de défaut sur le stock total de PGE de l’ordre de 4 %. Selon la seconde hypothèse haute, 17 % des entreprises dépasseraient le seuil. L'étude, réalisée sur la base du premier PGE donne des résultats comparables pour le second.