Pourquoi les aéroports européens veulent aussi s'agrandir
De nouveaux terminaux et de nouvelles pistes d'atterrissage vont devoir être construits en Europe pour répondre à la croissance prévue du trafic aérien, même si l'Asie en prévoit encore davantage, plaident des...
De nouveaux terminaux et de nouvelles pistes d'atterrissage vont devoir être construits en Europe pour répondre à la croissance prévue du trafic aérien, même si l'Asie en prévoit encore davantage, plaident des professionnels de l'aérien malgré le réchauffement climatique.
Le gouvernement britannique a donné son soutien mercredi à la construction d'une troisième piste à l'aéroport londonien d'Heathrow, le plus fréquenté du Vieux Continent, au nom de la relance de l'économie.
Une annonce rare pour une plateforme de correspondance ("hub") dans une Europe tiraillée entre ses objectifs de réduction des rejets de gaz à effet de serre et les besoins d'un secteur stratégique qui ne voit pas la demande faiblir.
L'Association internationale du transport aérien (Iata), porte-voix des compagnies, et le duopole d'avionneurs Boeing et Airbus prévoient toujours un doublement du nombre de voyages aériens dans les 25 prochaines années, de 5 à 10 milliards par an dans le monde.
Ce dynamisme sera surtout nourri par l'Asie, selon l'Iata, qui promet néanmoins à l'Europe une croissance annuelle de 2,3% dans les 20 prochaines années, soit 656 millions de passagers aériens supplémentaires en 2043.
Défenseurs de l'environnement et autres ONG préviennent que seule la sobriété permettra d'atteindre le "zéro émission nette" à l'horizon 2050.
La hausse prévue du trafic aérien en Europe devrait même annuler les bénéfices de l'obligation du recours croissant à des carburants d'origine non-fossile, selon une récente étude de Transport & Environment (T&E). Et le secteur y émettra en 2049 presque autant de CO2 qu'en 2019.
"Les plans de croissance de l'industrie aéronautique sont en totale contradiction avec les objectifs climatiques de l'Europe et ne répondent pas à l'ampleur de la crise climatique", selon Jérôme du Boucher, de T&E France.
En Europe occidentale, peu de hubs ont annoncé des extensions, tandis que se multiplient les mesures politiques incitant à moins emprunter l'avion.
Absence de soutien politique
Le gouvernement français a renoncé en 2021 à l'agrandissement de Paris-Charles-de-Gaulle et s'apprête à alourdir la fiscalité sur les billets d'avion après avoir interdit les vols intérieurs pouvant être remplacés par des trajets en train de moins de 2h30.
Plus au nord, les autorités néerlandaises veulent plafonner le nombre de vols annuels à l'aéroport d'Amsterdam-Schiphol pour lutter contre les nuisances sonores, tandis qu'une mesure identique est prévue à l'horizon 2032 à Bruxelles.
A Paris-Orly, où les vols sont déjà plafonnés, le gestionnaire ADP voit le nombre de passagers augmenter de 16% entre 2023 et 2035, mais pense que le volume de vols restera stable, grâce à des avions plus grands et mieux remplis.
Cela n'empêche pas de grands travaux d'avoir lieu ailleurs, dans des destinations ensoleillées prisées par les compagnies "low-cost", comme Heraklion en Crète. Lisbonne prévoit aussi un nouvel aéroport géant à l'horizon 2034.
Les professionnels du secteur, déjà en butte à un contrôle aérien européen saturé, s'inquiètent de la perspective d'aéroports trop étriqués.
L'organisme de surveillance du trafic aérien Eurocontrol estime que dès 2030, 1% de la demande de voyages ne pourra pas être satisfaite en raison de l'insuffisance des infrastructures au sol.
"Clairement, les infrastructures aéroportuaires, en Europe en particulier, ne suivent pas le rythme de la croissance prévue, cela contraste avec ce que nous observons dans la région Asie-Pacifique", a déploré en décembre le directeur général de l'Iata, Willie Walsh.
D'immenses hubs capables d'accueillir plus de 100 voire 200 millions de passagers par an y ont été inaugurés ou planifiés, notamment Istanbul, Ryad et Dubaï. En Inde, le nombre d'aéroports a doublé en dix ans à 157 et les autorités en visent jusqu'à 400 en 2047.
Pour Olivier Jankovec, directeur général de l'association ACI Europe qui fédère plus de 500 aéroports du continent, "il est indubitable que nous risquons une insuffisance de capacités dans les prochaines décennies".
Ne pas satisfaire ces besoins futurs "coûtera très cher à l'économie et à la compétitivité européennes", a-t-il affirmé à l'AFP, en invoquant le récent rapport Draghi. Il a regretté que l'extension des aéroports devienne "de plus en plus difficile, en raison de l'absence de soutien politique".
Celle-ci reflète "l'augmentation de la pression environnementale", mais aussi "plus généralement un défaut de vision stratégique à long terme", selon M. Jankovec.
36WB8P9