Pour une fiscalité verte
Attention, la fiscalité encourage les comportements polluants : une trentaine d’associations environnementales ont lancé l’alerte fin juin. La conférence environnementale du gouvernement, qui se tiendra à la mi-septembre, devrait se saisir de l’enjeu.
Mi-septembre, le gouvernement ouvrira une conférence environnementale pour fixer les objectifs et l’agenda dans ce domaine. La fiscalité verte, déjà évoquée par François Hollande durant sa campagne, fera partie des enjeux a promis Delphine Batho, ministre de l’Ecologie, du Développement durable et de l’Energie. A sa façon, elle répond à l’appel “Stop subvention à la pollution” – lancé par le Réseau action climat France (RAC-F) et la fondation Nicolas Hulot pour l’homme et la nature, représentant un réseau d’une trentaine d’ONG – et auquel ont souscrit une cinquantaine d’économistes. La pétition est accessible sur le site stopsubventionspollution. fr. L’appel a été présenté le 27 juin dernier au Conseil économique et social. “Nous avons besoin d’un outil de régulation pour faire jaillir un nouveau modèle économique”, a proclamé Nicolas Hulot. Pour lui, c’est une politique cohérente qu’il faut mettre en place et non des mesures de “saupoudrage” comme le bonus-malus. Précision : “pour les classes moyennes et les plus démunies, au pire, les changements doivent se faire à pression fiscale égale”, a-t-il ajouté. Pour Guillaume Sainteny, directeur de la chaire du développement durable à l’Ecole polytechnique et auteur du récent Plaidoyer pour l’écofiscalité, c’est le moment : “le timing est favorable. (…) Les grandes réformes fiscales se font en début de mandat”, estime-t-il. Par ailleurs, le 30 mai dernier, la Commission européenne a émis une recommandation rappelant que pour “la part de fiscalité verte dans les recettes fiscales, la France occupe l’avant-dernière place dans l’Union européenne, ce qui lui laisse une sérieuse marge pour augmenter ce type de taxes”. A bon entendeur…
Subvention aux particules fines. Guillaume Sainteny s’est fait connaître pour avoir décortiqué les finances publiques à la recherche de toutes les mesures de politique publique qui encouragent la pollution de la part des ménages et des entreprises, comme des subventions, des aides, mais aussi des exemptions fiscales. La subvention à la pollution n’est pas une exclusivité hexagonale. “C’est un phénomène mondial, que l’on estime à 1 500 milliards de dollars par an. Les grandes masses sont dans les pays émergents et les pays en voie de développement, plus que dans l’OCDE”, note Guillaume Sainteny. En France, une trentaine de milliards d’euros qui sont versés en subventions ont un impact négatif sur l’environnement, en matière d’énergie, de transport, de BTP, d’agriculture… “L’administration présente des chiffres différents”, précise l’expert, pour qui les données officielles sont sousévaluées. Dans la trentaine de milliards d’euros pointés par Guillaume Sainteny figurent par exemple près de 9 milliards d’euros d’aides directes aux transports qui utilisent l’énergie fossile. Mais les exonérations fiscales ne doivent pas être oubliées, qui peuvent encourager des comportements nocifs pour l’environnement. Le taux fiscal réduit sur le gasoil et le fuel domestique, par exemple, représentent près de 9 milliards d’euros de manque à gagner. “On dit que le gasoil consomme moins de CO2 au km (…). Mais on ne tient pas compte des particules fines qu’il émet”, fait remarquer Guillaume Sainteny. Résultat : un parc automobile français qui comporte plus de diesels que ses voisins. D’autres pans de la politique publique peuvent être remis en cause. Ainsi dans le domaine du logement, par exemple, certaines mesures favorisent l’étalement urbain et donc les transports et la pollution. “En Allemagne, ils considèrent toutes les dépenses publiques allant vers le neuf comme défavorables à l’environnement”, souligne Guillaume Sainteny.
Pistes de progrès. Pour ces associations, une fiscalité environnementale aurait également des impacts économiques positifs. “Le redesign des subventions publiques est aussi important pour des raisons économiques, car elles encouragent souvent des secteurs anciens par rapport aux technologies nouvelles. Les énergies fossiles reçoivent beaucoup plus de subventions que les énergies renouvelables. (…) Cela constitue une subvention à l’importation qui freine les économie d’énergie et la transition énergétique”, pointe Guillaume Sainteny. Les mesures proposées sont nombreuses et touchent tous les domaines. Exemple : subventionner l’amélioration des infrastructures ferroviaires existantes, comme les lignes secondaires, plutôt que de créer de nouvelles lignes TGV. “Si elles apparaissent favorables au développement durable, avec l’utilisation de l’électricité qui émet peu de CO2, elles détruisent la biodiversité”, explique Guillaume Sainteny. Dans l’immobilier, il faudrait “focaliser l’aide sur l’infraurbain plutôt que sur l’étalement urbain”.