Pour les législatives, LFI veut que les quartiers parlent pour les quartiers
Forte de ses très bons résultats dans les quartiers populaires aux dernières européennes, La France insoumise intensifie pour les législatives ses efforts dans les zones urbaines appauvries, en donnant la priorité à ceux qui en sont issus. Une stratégie...
Forte de ses très bons résultats dans les quartiers populaires aux dernières européennes, La France insoumise intensifie pour les législatives ses efforts dans les zones urbaines appauvries, en donnant la priorité à ceux qui en sont issus. Une stratégie qui ne fait pas que des convaincus.
Quelques jours avant le scrutin du 9 juin, qui a vu le Rassemblement national finir largement en tête, Jean-Luc Mélenchon disait qu'il allait dorénavant "plaider la nouvelle France".
"Si on était courageux, on dirait qu'on a besoin d'immigrés", lançait également ce grand défenseur du concept de "créolisation", le mélange des cultures et des peuples.
Une idée appliqué aux investitures de LFI aux élections législatives.
Le mouvement de gauche radicale s'est ainsi félicité de présenter Adel Amara, Abdelkader Lahmar, Amal Bentounsi, Lyes Louffok, Sabrina Ali Benali, Aly Diouara ou Mohamed Awad dans des circonscriptions de banlieue parisienne où vivent souvent des populations pauvres et issues de l'immigration.
Au passage, LFI a écarté des figures historiques du mouvement, comme Raquel Garrido ou Alexis Corbière, jugées plus assez représentatives de la réalité de leur territoire (en plus d'être des opposants de Jean-Luc Mélenchon).
"C’est important de prendre votre avenir entre vos mains (…). Les seuls qui peuvent le changer c’est nous (…) donc il faut voter pour des gens qui nous ressemblent", a déclaré vendredi soir l'égérie des quartiers populaires Assa Traoré, venue soutenir Sabrina Ali Benali dans un bar bobo de Montreuil (Seine-Saint-Denis).
Lundi, pour le premier meeting du Nouveau Front populaire, déjà à Montreuil, Sabrina Ali Benali, qui est opposée à Alexis Corbière, a dit vouloir "montrer que l'on peut emmener des patronymes comme Ali Benali à l'Assemblée".
Sur scène, l'eurodéputée fraichement élue Rima Hassan, qui fustige régulièrement la gauche "coloniale", celle qui ne parle pas de "racisme d’État", a appuyé: "L'antiracisme a besoin de voix et de visages incarnés et non pas de porte-parole éloignés de ses réalités. Tout ce qui est fait sans nous est fait contre nous".
Comprendre: c'est aux militants issus de l'immigration et/ou des quartiers populaires de représenter ces derniers à gauche.
Critère décisif
"Ces circonscriptions-là ne peuvent pas, à partir du moment où une génération de militants est née, recevoir des militants de classe moyenne pour se faire élire", appuie auprès de l'AFP le député LFI de Seine-Saint-Denis, Éric Coquerel.
Ce proche de Jean-Luc Mélenchon, qui a impulsé en 2017 le tournant de LFI vers les cités et les banlieues, est lui-même élu dans des villes du 93 dont il n'est pas originaire.
"Ma greffe a pris dans ma circonscription depuis sept ans", se défend-il, en disant que dorénavant, La France insoumise "devrait tendre à présenter en banlieue, dans la majorité des cas, des candidats issus de banlieue".
"A partir du moment où vous incarnez les nouvelles classes populaires, ça va se voir au niveau de la couleur de la peau", explique également M. Coquerel, se défendant de toute "essentialisation" par les Insoumis de leurs candidats.
Il n'empêche que ce mode de fonctionnement, porté notamment par les militants décoloniaux et éloigné de l'idéal universaliste républicain de gauche, divise au sein du Nouveau Front populaire.
"Ils expliquent en gros qu'il faut des Arabes à l'Assemblée nationale, c'est le discours des Indigènes de la République", soupire un élu insoumis, en référence au mouvement fondé par Houria Bouteldja, régulièrement accusée d'antisémitisme.
Pendant la campagne des européennes, cette dernière avait applaudi l'action de La France insoumise, qui avait mis la situation à Gaza, qualifiée de "génocide", au cœur de son discours.
"Si on se dit +le parti des Arabes+ ça veut dire quoi pour ceux qui sont pas arabes?", poursuit l'élu insoumis, qui explique que pour les législatives anticipées, "il ne s'agit pas de faire 9% comme aux européennes, mais d'être majoritaire, et donc rassembleur".
"C'est un jeu dangereux de jouer avec une forme de fracturation de la population", grimace un cadre socialiste, alors qu'un autre assure que pendant les élections européennes, "dans certains coins, le vote communautaire a joué à fond pour LFI".
Mais Éric Coquerel n'en démord pas. Pour lui, "les gens les plus aptes à porter les discours antiracistes sont ceux qui en sont les victimes".
Et aux municipales 2026, le fait d'avoir des candidats issus des villes où ils se présenteront, "devra être un critère décisif", prévient-il.
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