Philippe Lorban, président du Medef Hauts-de-France : «Ce que je souhaite, c'est faire prospérer notre territoire»
L'ex-patron des patrons de Sambre-Avesnois a pris en juillet les rênes du Medef régional. Il dirige également la société Lorban TP à Maubeuge (400 salariés). Philippe Lorban nous livre sa feuille de route, et sa vision de ce que signifie, pour lui, être un «décideur». Interview.
Vous avez pris la tête du Medef Hauts-de-France en juillet. Quels sont vos projets ?
PL. J'étais déjà président du Medef Sambre-Avesnois, donc j'avais quelques clés. La feuille de route suit l'actualité, que ce soit dans le monde du travail, au niveau national, européen voire mondial : la transition énergétique, écologique, les nouvelles technologies. Il y a beaucoup de choses qui bougent donc il faut que l'on puisse informer les entreprises et surtout les accompagner pour qu'elles puissent se mettre à jour sur toutes ces obligations, ces projets.
Il y a donc un grand accent mis sur la transition écologique…
C'est très important, tout comme l'intelligence artificielle. Il faut que ça aille vite et bien ! Et puis par ailleurs, le souhait des entreprises est très porté sur les ressources humaines. Il faut également que l'on continue à ressourcer, à former nos jeunes et nos moins jeunes, les bras et les cerveaux pour faire continuer à faire tourner nos sociétés. Dans les secteurs en pénurie bien sûr. Mais il y a également 50 milliards d'euros d'euros qui vont être investis dans les dix ou quinze années prochaines dans les Hauts-de-France - je pense bien sûr aux gigafoctories, au Canal Seine Nord… il faut que l'on puisse anticiper et former. Après, il y a tout ce qui est accompagnement social, sociétal.
Quel est votre moteur pour avoir pris la tête du Medef régional ?
On me l'a proposé, j'ai été flatté. J'aime les gens, les mettre en relation, aider. Cela m'a convaincu. Et puis ça me fait grandir.
En quel sens êtes-vous attaché au territoire des Hauts-de-France ?
Mon territoire, c'est le bassin de la Sambre depuis plusieurs générations. On est très attachés à ce territoire, et plus largement à la région. Je n'ai jamais eu envie de voir ailleurs. Ce que je souhaite, c'est faire prospérer notre territoire.
Quels sont les défis que devront relever les entreprises de la région au vu du contexte économique actuel (inflation, baisse du pouvoir d'achat...).
Le défi du pouvoir d'achat, on en est bien sûr conscients. Les sociétés ne demandent pas mieux que les salariés obtiennent du pouvoir d'achat. Mais il ne faut pas que ce soit à la charge de l'entreprise. Le coût du travail serait beaucoup plus important, et pour celles qui exportent cela va générer un déficit. Ce serait contre-productif. Il faut que l'État fasse des économies. Or il y a des pistes qui ont été avancées.
Pouvez-vous revenir sur votre parcours ?
J'ai fait mes études à Maubeuge, puis Valenciennes, et je suis allé me professionnaliser dans un lycée spécialisé dans les travaux publics à Egletons (Corrèze). La société Lorban TP a été créée en 1972 et je suis arrivé en 1982. Mon père m'a passé la main en 2000, et de fil en aiguille le groupe Lorban, TPE qui comptait 90 salariés, a grandi : aujourd'hui nous sommes 400. Sur une dizaine d'années, on a multiplié par cinq notre chiffre d'affaires. Mais ce qui est intéressant, c'est la transmission. J'ai trois enfants et ils travaillent tous dans la société. On s'est beaucoup diversifiés. Au départ, c'était une entreprise de travaux publics avec un coeur de métier dans l'assainissement et l'eau potable. Aujourd'hui on a notamment un centre de tri de valorisation des déchets du BTP, on fait de l'entretien d'espaces verts, on fait de la rénovation pour les bailleurs sociaux, on a créé une entreprise d'insertion… tout cela nous occupe beaucoup.
Quelles sont les éventuelles épreuves que vous ressentez en tant que dirigeant ?
Les épreuves, et il y en a souvent - par exemple des départs des collaborateurs, ou un problème sur un chantier. Il faut vite oublier tout cela. Et c'est peut-être un bien, parce qu'on va se remettre en question et grandir. Après, on est souvent seul, mais c'est aussi parce qu'on le veut. C'est un peu un projet personnel, dans un sens. Je fais partie de la Fédération des travaux publics, on va gérer ensemble quelques problématiques. Mais j'ai aussi appris que les conseilleurs ne sont pas les payeurs. On est inondés de personnes qui viennent nous dire ce qu'il faut faire. Mais au final, l'entrepreneur est celui qui doit garder la main. Je suis curieux, je vais voir ce qui se passe à l'étranger, et puis je fais ma petite recette !
Qu'est-ce pour vous qu'un "décideur" ?
C'est nous qui tranchons. Éthiquement, commercialement… Au final, il faut bien que la décision soit prise. Dans un sens, on a les pleins-pouvoirs.
Quelles sont les responsabilités qui lui incombent ?
On est responsables, mais on a l'étiquette Medef qui nous conduit. On informe les hautes sphères et on applique la ligne qui nous est donnée par Paris. Cela va de l'URSSAF à l'Éducation nationale. On a de l'influence, c'est certain.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune décideur/dirigeant ?
Un entrepreneur, un décideur, il faut qu'il ait envie. S'entourer de conseils, mais être aussi responsable de ses actes. Faire un peu à son goût, à sa manière. Il faut le goût de l'effort, le goût du risque. Ce que je vois surtout sur les petites entreprises, c'est que les gens se lancent mais ne sont pas assez armés, préparés. Ils se lancent, mais il y a souvent beaucoup de défaillances, de dépôts de bilan. Le problème reste toujours l'argent. Donc si on n'a pas un bon plan, ce ne sont pas les banquiers qui vont venir aider. C'est bien de se lancer, mais il faut aujourd'hui avoir des moyens. La fin du mois arrive très vite, il faut payer ses charges, ses salaires, les fournisseurs. Il faut faire rentrer l'argent. Et se mobiliser pour faire rentrer ce que l'on a facturé. Il faut bien s'entourer au niveau administratif et financier. C'est quelque chose de très concret, en fait.