"Peur d'une dictature": paroles d'électeurs dans le Nevada

A un peu plus de deux mois de l’élection présidentielle américaine, l’AFP est allée prendre le pouls de l’électorat dans des comtés de sept Etats « pivots »...

Josh Morris, directeur commercial et électeur qui craint une "dictature", le 9 mai 2024 à Reno, au Nevada © Robyn Beck
Josh Morris, directeur commercial et électeur qui craint une "dictature", le 9 mai 2024 à Reno, au Nevada © Robyn Beck

A un peu plus de deux mois de l’élection présidentielle américaine, l’AFP est allée prendre le pouls de l’électorat dans des comtés de sept Etats « pivots », susceptibles de faire basculer le scrutin.

Le comté de Washoe aura un rôle crucial dans l’attribution des 6 grands électeurs du Nevada (ouest). La démocrate Kamala Harris et le républicain Donald Trump auront besoin d’au moins 270 grands électeurs pour l’emporter le 5 novembre.

L'Etat n'a plus été remporté par un candidat républicain depuis 2004 et George W. Bush.

L'inflation, dans toutes les têtes

La priorité de Karen Miner, "c'est l'économie". Avec l'explosion de l'inflation après la pandémie, cette caviste de Reno a vu ses ventes décliner "d'environ 40%".

"C'est énorme", souffle la commerçante de 56 ans, dont les clients consomment moins de vin pour amortir la hausse des prix à la pompe ou au supermarché. "Les gens qui achetaient des bouteilles à 100 dollars me disent: +Montrez-moi quelque chose autour des 75+", témoigne-t-elle.

"Il faut que Trump revienne au pouvoir, sinon nous aurons de sérieux problèmes", estime cette républicaine.

Elle s'inquiète aussi de la flambée de l'immobilier à Reno et de l'augmentation du nombre de SDF.

"Autrefois en centre-ville, il fallait chercher et se promener pour voir un ou deux sans-abris", raconte-t-elle. "Aujourd'hui, on en voit à chaque instant, c'est choquant."

L'enjeu ? La démocratie

Josh Morris a lui aussi fait son choix pour le scrutin de novembre.

"L'enjeu de cette élection, plus que toute autre dans ma vie, c'est la démocratie", souffle ce directeur commercial de 40 ans, référence implicite à Donald Trump.

L'ex-président républicain n'a jamais reconnu sa défaite face à Joe Biden en 2020. 

Il a aussi plaisanté sur le fait qu'il n'agirait pas en "dictateur", à l'exception du "premier jour" de son mandat. Et a publiquement redouté "un bain de sang" s'il n'est pas victorieux.

"J'ai peur d'une dictature", reprend M. Morris. "La rhétorique parfois employée dans ce pays est extrêmement dangereuse."

Immigrés illégaux

Sous son chapeau de cowboy, Larry McCullough peste, lui, contre les "immigrés illégaux".

Pour cet avocat de 74 ans, Donald Trump est le seul capable d'endiguer leur venue.

"Il y aura des reconduites massives à la frontière, que les démocrates le veuillent ou non", lance-t-il, pendant que des Latino-américains lavent son pick-up en plein Reno. "Cela doit arriver, car nous n'avons jamais invité ces gens à venir ici."

Pour l'année fiscale 2023, 2,4 millions de personnes ont été interceptées à la frontière avec le Mexique, un record.

L'ancien "Marine" s'inquiète aussi de l'image de son pays à l'international. 

"Il n'y a aucun respect pour l'Amérique sous Biden dans le monde", estime-t-il. 

Pour lui, Donald Trump a eu raison de menacer d'encourager la Russie à envahir les alliés "mauvais payeurs" de l'Otan. "C'est le premier président depuis de nombreuses décennies à réaffirmer le nationalisme de l'Amérique".

Se concentrer sur l'Amérique

Andres Villa souhaite lui aussi un homme fort pour "éviter une troisième guerre mondiale". 

Au grand dam de certains membres de sa famille, venus du Mexique dans les années 1980, il songe fortement à voter Trump.

Employé d'une usine Tesla, ce fan des Lakers suit le basket de bien plus près que la politique. 

Mais il souhaite un candidat qui veuille "se concentrer sur l'Amérique, sur nos problèmes". 

A 32 ans, effaré par la flambée de l'immobilier, il va s'endetter pour acheter une maison.

"Quand Trump était au pouvoir, il a dit beaucoup de trucs dingues", concède-t-il. "Mais l'économie avait l'air d'aller un peu mieux."

Trump, candidat "antifemmes

Christina Pixton, elle, votera contre Donald Trump, qu'elle juge "antifemmes".

Depuis l'annulation de la garantie fédérale du droit l'avortement par la Cour suprême en 2022, dominée par une majorité conservatrice installée par l'ex-président républicain, cette mère de famille de 39 ans ne décolère pas.

"Trump et son parti sont ceux qui soutiennent toutes les interdictions de l'avortement", critique-t-elle, inquiète face aux restrictions imposées dans une vingtaine d'Etats.

Les témoignages de femmes victimes de complications et forcées d'attendre de frôler la mort pour être opérées l'indignent profondément.

"On prive les femmes du droit de pouvoir se soigner", s'étrangle-t-elle. "Une fois que notre autonomie pour disposer de notre corps aura disparu, quelle sera la prochaine étape ?"

Syndiquée, cette manutentionnaire estime également que Donald Trump "travaille pour le 1%" des Américains les plus riches, et va favoriser "la soif de profit des entreprises".

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