Pas de croissance verte... sans emplois «verdis»
La croissance verte promet des créations d’emplois, mais les projections sont très variables. Et surtout, elle pose le défi du verdissement des métiers, montre un webinaire organisé récemment par France Stratégie.
Le plan de relance mise officiellement sur la transition écologique. Celle-ci tiendra-t-elle ses promesses en matière de création d’emplois ? À quoi ressembleront ces nouveaux métiers ? Fin septembre, France Stratégie, organe de veille rattaché au Premier ministre, organisait un webinaire consacré à «Regards croisés : mieux comprendre les enjeux emplois et compétences de la transition écologique». Tout d’abord, ont rappelé plusieurs des intervenants, les perspectives en matière d’emploi sont très diverses selon les projections. Suivant la manière dont le pays suit la Stratégie nationale bas–carbone (SNBC), la feuille de route de la France pour réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES), le nombre d’emplois créés peut être très différent : il peut aller de 300 000 à 500 000 emplois supplémentaires, à l’horizon 2030 et de 700 000 à 800 000 emplois, à l’horizon 2050. Dans un secteur précis, celui des énergies renouvelables, le nombre d’emplois pourrait atteindre 264 000 en Équivalent temps plein (ETP), en 2028, si la France respecte la PPE, programmation pluriannuelle de l’énergie. Ce secteur compte actuellement moins de 100 000 emplois. Mais les créations d’emplois ne sont pas toujours au rendez-vous, là où elles sont attendues. En 2015, une étude a été menée sur la manière dont les entreprises de recyclage allaient voir leur emploi évoluer, dans le cadre du Grand Paris. Loin de conclure à une augmentation du nombre de salariés de ces entreprises, l’analyse a montré que celui-ci devrait rester numériquement stable. En effet, rappelait Dominique Méda, professeure de sociologie à Paris-Dauphine, une transition écologique peut avoir des effets très divers selon les secteurs. Par exemple, dans l’agriculture, le développement du bio, qui implique moins d’intrants (énergie, engrais, matériel) et plus de main-d’œuvre, peut contribuer à ralentir la baisse de l’emploi dans le secteur. A contrario, dans la construction automobile, le passage du moteur thermique à celui électrique, qui demande moins de main-d’œuvre et de maintenance, pourrait avoir un impact potentiellement négatif sur l’emploi.
«Valoriste» et chef de projet
Par ailleurs, au-delà de l’aspect quantitatif, quels seront les nouveaux emplois verts, et sont-ils si nouveaux que cela ? Suite à la loi sur l’Économie circulaire, par exemple, des métiers nouveaux ont été définis : «valoriste» (qui valorise des objets déjà utilisés) et «agenceur d’espaces de vente de seconde main» (par exemple, dans les ressourceries). Dans le secteur des énergies renouvelables, explique Jean-Louis Bal, président du SER, syndicat des énergies renouvelables, «il y a un métier nouveau, le chef de projet qui rassemble de multiples compétences» en financement, écologie, art de mener un débat public… Pour l’essentiel, toutefois, «la transition écologique irrigue tous les métiers», estime Thomas Lesueur, Commissaire général au développement durable. «Il ne s’agit pas seulement de créer de nouveaux métiers verts, mais de reconfigurer un grand nombre de métiers», analyse Dominique Meda. Pour elle, il s’agit d’anticiper, afin de fournir des compétences additionnelles à des emplois existants, et de donner à d’autres les moyens de rebondir vers d’autres emplois. L’enjeu est de taille pour la formation professionnelle et les dispositifs de reconversion. Et le chemin à parcourir reste long. Un indice est fourni par les EDEC, Engagement développement et compétences, ces accords noués entre l’État et les branches professionnelles, pour développer des stratégies d’anticipation des mutations auxquelles font face les entreprises. «On observe que les entreprises se sont appropriées la transition numérique. Il y a un outil à utiliser concrètement. Mais pour la transition écologique, elles ne se sont pas encore approprié le sujet qui reste relativement conceptuel. Les entreprises n’arrivent pas à se projeter», analyse Régine Chevalier, chargée de mission Anticipation et développement de l’emploi et des compétences à la DGEFP, Délégation générale à l’emploi et à la formation professionnelle (ministère du Travail).