Création d'entreprises

Parrainage et marrainage : le besoin de transmission humaine

Donner toutes les chances au jeune créateur ou repreneur de réussir son aventure entrepreneuriale, c’est le principal enjeu de l’engagement des parrains et marraines qui se portent volontaires pour conseiller le dirigeant. Enrichissement mutuel garanti.

© Guillaume Ramon
© Guillaume Ramon

Cinq mille sept cent vingt-trois chefs d’entreprise, cadres dirigeants et experts de l’entrepreneuriat sont actuellement mobilisés en tant que marraines ou parrains pour accompagner un jeune créateur. Ce sont les chiffres communiqués par le réseau Initiative France. Un chiffre qui révèle avant tout une aventure humaine faite d’écoute et de bienveillance. À l’heure où la société se veut de plus en plus individualiste pour ne pas dire égoïste, des acteurs économiques jouent, au contraire, la carte du partage et de la transmission avec comme seule attente désintéressée : la réussite d’un créateur ou d’une créatrice qui se lance dans le défi d’entreprendre. Si cet échange entre un professionnel expérimenté et un porteur de projet n’est pas nouveau, il a fait ses preuves. Ainsi, une jeune entreprise accompagnée augmente statistiquement ses chances de survie à cinq ans, passant de 50 à 80 %. En France, l’accompagnement peut prendre plusieurs formes, mais les mentors sont le symbole de la lutte contre l’isolement des jeunes dirigeants. En Meuse, Jean-Marie Delafont faisait déjà du parrainage dans sa première vie de banquier, sans forcément mettre un mot sur ses actions de soutien qui prennent source dans son éducation et sa vision du monde du travail basé sur «une philosophie du partage.» En 2013, quand vient le temps de faire valoir ses droits à la retraite, il décide de poursuivre l’aventure en mettant à profit ses 43 années professionnelles et en devenant officiellement parrain pour le réseau Initiative Meuse.

Des droits et des devoirs pour chaque partie prenante

Certains créateurs sont de bons professionnels, mais n’ont aucune expérience de gestion, c’est donc à ce moment précis que le parrain est dépêché sur le terrain. Même constat en Moselle où les marraines ou parrains sont appelés en renfort quand un point de vigilance commerciale apparaît au grand jour. Le réseau se met donc en ordre de marche pour identifier quel chef d’entreprise expérimenté ou quel expert prendra contact avec le futur ou jeune patron. Les droits et les devoirs des deux parties prenantes sont, dès le début, connus : le créateur s’engage à ne rien cacher quand le parrain lui accepte de conseiller, mais jamais de prendre parti, de juger ou de décider à la place de la personne accompagnée. La ligne rouge est claire et ne devra jamais être franchie. C’est ainsi que pourra se développer une relation de confiance basée sur le respect et l’éthique. Si chaque situation est particulière, l’intervention peut se réduire à deux ou trois rencontres par an quand d’autres en nécessitent plus d’une dizaine. C’est le filleul qui sollicite son ainé quand il se sait confronté à une difficulté. Certains relancent le parrain, des années après leur création. C’est le cas d’un restaurateur qui a ressenti le besoin d’être de nouveau accompagné quand est venu le temps de changer sa carte, de faire appel à de nouveaux fournisseurs. «Le regard extérieur et neutre est apprécié», analyse l’animatrice d’un réseau lorrain. Certaines étapes importantes peuvent fragiliser l’entreprise. C’est le moment où certains décrochent leur téléphone. «Un ancien créateur m’a contacté cinq ans après car il envisageait à recruter pour faire face à un carnet de commandes trop chargé. Il avait besoin d’en parler», se rappelle Jean-Marie Delafont.

Soutenir l’entrepreneuriat féminin

En Moselle, le marrainage est systématisée uniquement pour les créatrices d’entreprise dans le cadre du programme «Vis ma vie d’entrepreneuse». Cette action vise à soutenir l’entrepreneuriat au féminin en levant les freins. Pour y parvenir, des binômes sont constitués entre une porteuse de projet et une dirigeante expérimentée qui travaille dans le même secteur d’activité. Cette stratégie, particulièrement appréciée, facilite l’installation de la jeune dirigeante qui bénéficie du soutien mais aussi du réseau de sa marraine. «L’entraide est au cœur de l’opération avec un échange de services apprécié», se rappelle Isabelle Hiff, ancienne marraine qui met en avant une relation humaine privilégiée où le feeling concourt à la réussite de la transmission. Si l’enrichissement est réciproque, le parrain devra aussi savoir se retirer si sa présence ou ses conseils ne sont pas les bienvenus. «Certains restent hermétiques à nos alertes. On sait que l’entreprise va droit dans le mur mais on n’est pas aux commandes. Il faut savoir l’accepter.» Des créateurs qui rencontrent des succès, d’autres en difficulté mais qui rebondissent, quand certains disparaissent. Finalement c’est le cycle de vie des entreprises. Les parrains et marraines ne sont pas là pour faire des miracles mais, par leur présence, ils restent disponibles. Une présence et des conseils qui peuvent faire la différence.

A.M.