Ouverture dominicale des magasins de bricolage : le oui du conseil d’etat

Par une décision du 24 février 2015 (req. n°374726), le Conseil d’Etat a clos définitivement une longue bataille judiciaire opposant syndicats et enseignes de bricolage, rejetant les différents recours contre leur ouverture le dimanche. Explications.

L’article L.3132-12 du Code du travail autorise le gouvernement à déterminer par décret les catégories d’établissements qui peuvent déroger à la règle du repos dominical en attribuant à leurs salariés le repos hebdomadaire par roulement (le jour de repos hebdomadaire étant alors, pour certains salariés, un jour autre que le dimanche).

Les établissements concernés sont, selon ce même article, “ceux dont le fonctionnement ou l’ouverture est rendu nécessaire par les contraintes de la production, de l’activité ou les besoins du public”. Par deux décrets du 30 décembre 2013 et du 7 mars 2014, le gouvernement avait ainsi autorisé l’ouverture le dimanche des établissements de commerce au détail d’articles de bricolage.

Plusieurs organisations syndicales (CGT, FO, Sud) en avaient demandé l’annulation au Conseil d’Etat. Ce dernier s’y est finalement refusé, en estimant que les conditions auxquelles l’article L.3132-12 du Code du travail subordonne les dérogations au repos dominical étaient, en l’occurrence, satisfaites.

Les juges ont raisonné en deux temps. D’abord, ils ont précisé comment la loi devait être interprétée.

Selon eux, l’ouverture dominicale d’une catégorie d’établissements est “nécessaire” à la satisfaction des besoins du public dans deux cas de figure : “lorsque ces établissements répondent à des besoins de première nécessité, et lorsqu’ils permettent la réalisation d’activités de loisirs correspondant à la vocation du dimanche, jour traditionnel de repos”.

Puis, faisant application de ces principes, les juges du Palais-Royal ont considéré que la vente au détail d’articles de bricolage correspondait à ce deuxième cas de figure, id est à “une activité de loisir pratiquée plus particulièrement le dimanche (…) par un grand nombre de personnes”. Les juges en déduisent logiquement que “la faculté de procéder, le jour même, aux achats des fournitures indispensables ou manquantes est nécessaire à la satisfaction de ce besoin”.

Les organisations syndicales requérantes invoquaient encore, à l’encontre de ces décrets, les stipulations de la convention internationale du travail (OIT) n°106, aux termes de laquelle “la période de repos hebdomadaire coïncidera autant que possible avec le jour de la semaine reconnu comme jour de repos par la tradition ou les usages du pays ou de la région”.

Cette convention prévoit cependant des exceptions, “compte tenu de toute considération sociale et économique pertinente”.

Or, précisément, aux yeux du Conseil d’Etat, “la satisfaction du besoin de procéder le dimanche aux achats de fournitures nécessaires à l’activité de bricolage constitue une considération sociale pertinente au regard des stipulations de l’article 7 de la convention internationale du travail n°106”. Sur le fond, les décrets attaqués ont donc été validés par la haute juridiction administrative. La forme de ces deux textes ne lui a pas semblé plus critiquable. Ainsi, les conditions de procédure exigées par l’article 7 de la convention internationale du travail n°106 (obligation de consultation des organisations représentatives des employeurs et des travailleurs intéressés avant toute mesure nationale introduisant des régimes spéciaux hebdomadaires) sont jugées, elles aussi, comme remplies. L’arrêt indique à cet égard “qu’organisations syndicales et patronales représentatives avaient, en effet, été consultées par le ministre chargé du Travail ; une personnalité qualifiée avait été spécialement missionnée par le gouvernement sur la question des exceptions au principe du repos dominical dans les commerces et avait conduit au cours de l’automne 2013 de nombreuses auditions des organisations syndicales et patronales concernées”.

Dans ces conditions, la Haute Assemblée ne pouvait que rejeter les recours dont elle était saisie.

Les nombreux bricoleurs du dimanche s’en félicitent déjà. Tonalité tout autre, on s’en doute, de l’autre côté du prétoire. À lire, par exemple, le communiqué de la section fédérale du commerce du syndicat Force Ouvrière du 24 février 2015 (www.force-ouvriere. fr), le Conseil d’Etat, par sa décision, marque “son positionnement politique” et “soutient le gouvernement qui bafoue la démocratie”…

Etienne COLSON,
avocat au barreau de Lille
(contact@colson-avocat.fr)