Outils et méthodes pour évaluer et préserver la fraîcheur

Comment évaluer la fraîcheur et, a contrario, l'altération d'un produit de la mer ? Comment préserver cette fraîcheur ? Comment détecter un poisson décongelé ou double congelé ? Le pôle de compétitivité Aquimer a donné bien des réponses lors d'une journée d'information qu'il a organisée à Boulogne-sur-Mer.

Comment évaluer la fraîcheur d'un poisson ? Une question que se posent beaucoup de consommateurs, à l'heure où la filière viande connaît des problèmes de traçabilité.
Comment évaluer la fraîcheur d'un poisson ? Une question que se posent beaucoup de consommateurs, à l'heure où la filière viande connaît des problèmes de traçabilité.

Pour pallier l’insuffisance et l’irrégularité des approvisionnements en poisson frais et répondre aux attentes des consommateurs, qui ont globalement une préférence pour le frais, on assiste depuis peu à l’apparition croissante d’un mouvement visant à approvisionner les rayons de poissons frais en produits décongelés (panga, tilapia, perche du Nil, espadon, crevettes, noix de pétoncle). On estime que la moitié des espèces importées en France ont subi une double décongélation à bord : à l’image du poisson surgelé entier à bord, décongelé, fileté et paré en Chine et recongelé pour être expédié en Europe.

«Le consommateur a une attente forte de lisibilité», affirme Bruno le Fur, directeur technique de la plate-forme d’innovations Nouvelles Vagues à Boulogne, lors de la journée d’information nationale organisée par le pôle de compétitivité Aquimer dans l’amphithéâtre de la communauté d’agglomération du Boulonnais. A l’heure du «refresh», le consommateur souhaite être rassuré sur l’authenticité du produit et la sécurité alimentaire. De même, la profession souhaite différencier le frais du congelé, ne serait-ce que pour assurer la loyauté des transactions commerciales. «Nous ne condamnons pas le décongelé, car il nous procure des opportunités d’approvisionnement, de développement commercial et de découverte de nouveaux produits, affirme Aymeric Chrzan, secrétaire du Syndicat général des mareyeurs, mais nous faisons attention aux menaces qu’il peut générer : concurrence, fraude, image. On a besoin de nouveaux outils pour caractériser la fraîcheur, apprécier le niveau de dégradation, identifier les technologies

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De gauche à droite, Guillaume Duflos (ANSES), Bruno Le Fur (plate-forme d'innovation Nouvelles Vagues) et Aymeric Chrzan (Mareyage boulonnais).

 Des empreintes olfactives. Si la plus utilisée par les opérateurs de la filière reste la méthode sensorielle, d’autres méthodes existent : physiques (en analysant la texture à l’aide d’un texturomètre), microbiologiques (en quantifiant la microflore) ou chimiques (en recherchant des marqueurs précoces pour caractériser la fraîcheur. «A l’ANSES, explique Guillaume Duflos, on se base sur les méthodes sensorielles en ciblant la composante odeur. Nous faisons une photographie des composés volatiles aromatiques, à différents stades de la dégradation du produit. Sur 116 composés identifiés, nous avons repéré 15 marqueurs de qualité. Nous proposons notre méthode, expérimentée sur le saumon, le cabillaud, le bar commun et la dorade royale, aux différents opérateurs. A moyen terme, avec une approche multidisciplinaire, nous aurons des applications pour les produits cuits ou transformés (dont les fumés).» Spécialiste de la digitalisation des sens humains, Alpha MOS (Toulouse) a expérimenté son nez électronique (fish nose) dans l’industrie des produits de la mer (crevette, cabillaud) : il s’agit d’un système clés en main (logiciel inclus), pratique, rapide et transportable, mais qui n’est pas encore commercialisé. Pour Larissa Balakireva, biochimiste qui dirige NovoCIB (Lyon), les nucléotides peuvent également servir de marqueurs. Elle a mis au point un kit (Precice Freshness Assay Kit) qui permet de mesurer la fraîcheur des produits, qu’ils soient congelés, transformés, cuits, cuisinés, fumés ou en conserve. L’appareillage et les consommables sont peu coûteux.

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De gauche à droite, Linda Delplace (Nouvelles Vagues), Moïse Durandeau (Geneglace) et Mathilde Coquelle (pôle de compétitivité Aquimer).

D’autres chercheurs ont aussi mis au point des outils pour déceler un poisson décongelé ou double congelé. «On peut le détecter par électrophorèse”, explique Sylvain Marlard (université du Littoral Côte d’Opale), ou, selon Romdhane Karoui (ingénierie de formulation des aliments et altérations à l’université d’Artois), par fluorescence, tandis que Magali Martin-Biran (codirectrice du Centre de recherche, de valorisation et application à Bordeaux) préfère appliquer des méthodes de résonance magnétique nucléaire (RMN).

 De la mer au libre-service. Parallèlement, il est important pour tout professionnel de préserver la fraîcheur de ses produits. «La réfrigération immédiate garde le poisson plus longtemps, d’où l’importance du pouvoir frigorifique de la glace liquide», insiste Moïse Durandeau (Geneglace). Ludovic Daniel (MAREL) plaide en faveur du Superchiller, qui vise à abaisser la température d’un produit de manière rapide et maîtrisée. «Le superchilling, assure-t-il, augmente la durée de vie du produit (deux à quatre jours), le rendement au pelage et au parage.» Françoise Leroi (Ifremer), quant à elle, privilégie une technologie douce − la biopréservation − et utilise des micro-organismes (bactéries lactiques) pour empêcher le développement de bactéries d’altération et de germes indésirables résiduels.

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La journée d'information organisée par Aquimer a réuni plus de 50 participants de toute la France.

La mise sous atmosphère protectrice ou contrôlée n’est pas récente mais toujours en évolution. «Sept gaz aux qualités différentes sont autorisés, rappelle Marc Van Niekerk (Air liquide). Il faut déterminer le bon mélange selon chaque usage : un oxygène résiduel si le produit a besoin de respiration, comme les coquillages vivants, ou l’argon pour préserver les pigments des truites…»

 Quelle congélation ? Lors de cette journée dédiée à la fraîcheur des produits de la mer a été également abordée la congélation. Achevée en 2012, l’étude Decongelaqua, portée par le pôle Aquimer, compare les différentes technologies de décongélation appliquées aux produits aquatiques, dans le but d’orienter les entreprises et de diffuser les bonnes pratiques. La chambre froide est une méthode de grande qualité et de faible coût, mais lente (de 8 à 48 heures). L’immersion est plus rapide mais coûteuse en eau et peu satisfaisante pour la saveur et la couleur. La cellule de décongélation est un bon compromis, mais, estime Jean-Charles Briand (de Nouvelles Vagues), le couplage d’autres technologies (micro-ondes ou tunnel hautes fréquences) avec une immersion réduite est à retenir pour de gros volumes.

 En savoir plus. Dans le cadre du centre de veille du pôle Aquimer, la plate-forme d’innovation Nouvelles Vagues a rédigé des dossiers de synthèse et des fiches techniques sur tous ces sujets : congélation et décongélation des produits aquatiques, le superchilling, le conditionnement sous atmosphère modifiée, le paquet hygiène, les additifs alimentaires… Ils sont téléchargeables sur le site www.pfinouvellesvagues.com 
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Comment évaluer la fraîcheur d'un poisson ? Une question que se posent beaucoup de consommateurs à l'heure où la filière viande connaît des problèmes de traçabilité.

 

Aquimer, le pôle français des produits aquatiques

Créé en 1999 et labellisé pôle de compétitivité par l’Etat en 2005, Aquimer, le seul en France dédié aux produits de la mer et de l’aquaculture, est un outil au service des entreprises, des scientifiques et des centres de formation. Présidé par Jean-Baptiste Delpierre et dirigé par Thierry Missonnier, il facilite le développement des entreprises et mobilise les crédits pour leurs projets de recherche et de formation. Il a l’ambition de concilier raréfaction des ressources aquatiques et croissance des besoins alimentaires en répondant aux impératifs du développement durable.

Contact : 16, rue du Commandant-Charcot, 62200 Boulogne-sur-Mer. Tél. : 03 21 10 78 98 − www.poleaquimer.com