Tourisme de mémoire

Onze sites samariens liés à la Première Guerre mondiale inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco

En septembre, 139 sites funéraires et mémoriels, dont onze dans la Somme et neuf dans l’Aisne, sont inscrits au Patrimoine mondial de l’Unesco. Un levier d’action pour la Somme qui veut redynamiser le tourisme de mémoire.

La Nécropole nationale française de Rancourt fait partie des sites classés. @René Hourdry
La Nécropole nationale française de Rancourt fait partie des sites classés. @René Hourdry

En septembre dernier, l’Unesco a annoncé l’inscription au patrimoine mondial de 139 sites funéraires mémoriels liés à la Première Guerre mondiale. Ceux-ci sont situés en Belgique et en France dont onze sont dans la Somme, neuf dans l’Aisne, trois dans l’Oise, 14 dans le Pas-de-Calais et six dans le Nord. 

On retrouve ainsi sur cette liste la nécropole nationale française de Rancourt, le cimetière chinois de Noyelles-sur-Mer, le mémorial national sud-africain de Longueval ou encore le monument franco-allemand de Saint-Quentin… « Tout est parti de la volonté de la Flandres, en 2002, de valoriser ses sites de mémoire à travers un classement à l’Unesco. Rapidement, il est apparu qu’il était nécessaire d’aller vers un travail collectif avec la Wallonie mais aussi des partenaires français », explique Florie Dournel, cheffe du service Patrimoines et marketing territorial culturel au Département de la Somme.

Travail départemental

« Il s’est avéré que les départements étaient le bon échelon pour mener cette mission. Nous n’avons cependant pas travaillé seuls : nous avons créé une association et sollicité des chercheurs, des historiens, des géographes… C’est cette réflexion collective qui a permis de trouver le bon angle pour construire ce dossier de candidature », ajoute-t-elle.

Une étape clé qui s’est centrée sur le tournant que représente la Première Guerre mondiale en ce qui concerne la prise en compte du coût humain d’un conflit. Avant 1914, seuls les officiers morts aux combats bénéficiaient d’une sépulture. « Pour la première fois, les pays engagés ont souhaité rendre hommage à tous les hommes tombés, y compris aux travailleurs étrangers. Des moyens considérables ont été alloués à l’édification de monuments funéraires », souligne Florie Dournel.

Le classement du cimetière chinois de Noyelles-sur-Mer permet aussi de mettre en avant les travailleurs étrangers. @Paul Hermans

Un enjeu mémoriel et touristique

« Ces lieux représentent notre mémoire collective : nous sommes sur une terre marquée à jamais par ce conflit et il est fondamental de ne pas l’oublier », pointe Guillaume Duflot, président de l'historial de la Grande Guerre et conseiller départemental de la Somme. « Nous constatons que les collégiens de notre département connaissent assez mal leur histoire, cette connaissance du passé est pourtant fondamentale. Cette reconnaissance de l’Unesco va permettre de réveiller les consciences », espère-t-il.

Cette inscription au Patrimoine mondial va également offrir la possibilité de redynamiser le tourisme de mémoire, en berne depuis 2019. « C’est un axe important pour le développement local. Si les Anglais et les Australiens commencent à revenir, il y a une réelle opportunité de faire d’attirer de nouveaux visiteurs », observe l’élu. Un travail avec le Comité régional du tourisme a d’ailleurs été engagé dans ce sens.

Un travail de longue haleine

Le monument franco-allemand de Saint-Quentin, dans l’Aisne fait partie des sites des Hauts-de-France retenus. (c)Aletheia Press/ LPéron


Pour parvenir à cette inscription au Patrimoine mondial de l’Unesco, le chemin a été long. En effet, 2017, la Belgique dépose officiellement au nom des États belges et français, un premier dossier technique auprès de l’Unesco baptisé "Sites funéraires et mémoriels de la Première Guerre Mondiale (front ouest)". « Cette demande a été très regardée puisque, pour la première fois, il s’agissait d’accepter ou non de classer des sites liés à une guerre, pointe Florie Dournel. Cela ouvrait la porte à une dizaine d’autres dossiers portant sur des conflits comme le génocide rwandais ou la bataille de Stalingrad. »

Devant les enjeux politiques, l’Unesco a tout simplement gelé sa décision, mettant en avant le risque de voir ces lieux instrumentalisés à des fins nationalistes. « Cet épisode nous a aussi fait prendre conscience de la vision occidentale que nous avions de la Première Guerre mondiale. Or, ce conflit a impliqué 130 nations, il devenait nécessaire d’ouvrir notre réflexion et d’impliquer des chercheurs à l’échelle mondiale », sourit Florie Dournel. En 2023, alors que l’Unesco décide de lever le moratoire, la Belgique représente le dossier initial. Et en septembre dernier, l’organisme a enfin reconnu la valeur « universelle exceptionnelle et unique au monde » de ces 139 sites.