Entretien

« On sent une vraie inquiétude monter chez les chefs d’entreprises », Érick Maillet, président de l’UIMM Picardie

Rassurée par une très forte reprise post-Covid, la métallurgie et plus globalement l’industrie, font aujourd’hui face à une nouvelle crise liée à la flambée des coûts de l’énergie. Si cette situation incertaine inquiète Érick Maillet, le président de l’Union des industries et métiers de la métallurgie (UIMM) Picardie, syndicat qui représente 80% des entreprises du secteur, met cependant en avant les atouts des Hauts-de-France.

Érick Maillet, président de l’UIMM Picardie. ©Teddy Henin
Érick Maillet, président de l’UIMM Picardie. ©Teddy Henin

Picardie La Gazette : Quel bilan feriez-vous de l’année 2022 ?

Érick Maillet : 2022 a été un grand soulagement après deux années marquées par la crise sanitaire qui a été une période très complexe pour les entreprises, même si elles ont pu compter sur l’aide du Gouvernement. Ce soulagement a été toutefois de courte durée puisque nous avons dû faire face très vite à des difficultés d’approvisionnement, notamment des composants électroniques, ce qui a entraîné un blocage de certaines industries. Nous avons également eu du mal à retrouver nos effectifs et certains ont eu quelques inquiétudes pour le remboursement du PGE, mais globalement la situation était bonne et le rebond d’activité encourageant.

Cette bonne dynamique a été mise à mal par la crise ukrainienne ?

Dans un premier temps, la guerre en Ukraine n’a pas été une source d’inquiétude pour les industriels puisqu’il n’y a pas eu d’impact direct sur l’activité. C’est lorsque l’on a vu que nous allions vers une flambée des coûts de l’énergie que nous avons compris que nous allions entrer dans une période de grande incertitude. 

Aujourd’hui, les chefs d’entreprises sont très inquiets. Cela se traduit par un arrêt des investissements, mais aussi un arrêt de la relocalisation encouragée par l’État : beaucoup se demandent s’il est judicieux de réimplanter une activité industrielle en Europe. Le coût de l'énergie nous rend peu compétitifs et cette problématique va perdurer en 2023. Je fais plutôt partie des gens optimistes, mais je sens une vraie inquiétude qui monte et elle dépasse le milieu de la métallurgie et de l’industrie en général.

Cette crise va-t-elle aussi remettre en cause les -nombreux- projets de recrutements ?

Malgré cette morosité et cette grande incertitude sur l’avenir, le manque de main d’œuvre est quand même problématique : il y a encore malgré tout des projets de recrutement dans le secteur. Actuellement, 70 000 emplois dans la métallurgie ne sont pas pourvus. Nous continuons à faire la promotion de nos métiers, les industriels ouvrent leurs portes pour montrer la diversité et la richesse des postes. 

L’usine mobile la Fabrique 4.0 qui sillonne les Hauts-de-France rencontre un très grand succès. Il y a un véritable engouement de la part des établissements scolaires et des collectivités territoriales pour accueillir cet outil pédagogique qui montre la modernité de nos métiers. Nous travaillons aussi beaucoup avec Pôle emploi sur la reconversion professionnelle avec des outils innovants. L’IUMM va aussi à la rencontre des élus pour évoquer l’avenir de l’industrie et les besoins d’investissement pour s’ancrer sur le long terme.

Malgré ce contexte économique incertain, reste-t-il un avenir pour l’industrie, notamment en Hauts-de-France ?

Nous sommes dans un pays extraordinaire, évidemment il faut regarder ce qu’il se passe ailleurs, mais oui, nous avons des atouts indéniables ! Localement nous avons la chance d’avoir une véritable culture du travail : nous pouvons construire avec des gens fidèles et qui malgré de mauvaises années gardent espoir. 

Nous avons aussi la chance d’avoir des acteurs qui se mobilisent pour faire avancer les choses. La région a la chance de pouvoir compter sur de grands projets industriels dans le ferroviaire ou l’automobile : il y a ici de véritables savoir-faire. Enfin, il y a aussi un réel atout géographique. Les Hauts-de-France ont un positionnement exceptionnel. Tout cela va nous permettre de tirer notre épingle du jeu.