Nicolas Pérotin, président de la chambre d’agriculture de la Meuse.

«On est loin du compte»

En pleine mobilisation des agriculteurs et à l’heure où les accords du Mercosur sont au cœur de l’actualité, rencontre avec Nicolas Pérotin, le président de la chambre d’agriculture de la Meuse.

© Chambre d'agriculture de la Meuse.
© Chambre d'agriculture de la Meuse.

Quel est votre constat face à la crise actuelle traversée par l’agriculture ?

Nicolas Pérotin : La situation est extrêmement tendue pour les agriculteurs. On a eu cette année des rendements qui n’ont pas été à la hauteur des attentes ; ils sont plutôt catastrophiques. On subit la crise sanitaire avec la mortalité mais aussi des effets indirects sur la reproduction, la qualité de production, sans parler de l’implantation des cultures pour 2025 qui a été difficile compte tenu des conditions climatiques. Dans ce contexte, toutes les promesses n’ont pas été tenues du Gouvernement même si certains points ont avancé comme la fin de la jachère obligatoire ou l’exonération des taxes sur le GNR mais pas tous. La directive nitrate (volet 7) est inaudible et incompréhensible. À tout cela, il faut rajouter le Mercosur qui est avant tout une question de principe. L’Europe par son Green Deal amène les agriculteurs vers des orientations toujours plus vertueuses mais ouvre dans le même temps ses portes à des exploitations qui ne respectent pas les mêmes règles. Est-ce qu’en Europe la souveraineté alimentaire et ainsi notre indépendance parlent à tous les membres ? In fine est-ce que l’agriculture doit toujours être la variable d’ajustement ? Ne doit-on pas sortir l’agriculture de ces négociations ?

Est-ce que vous diriez que la situation s’est dégradée par rapport au début d’année ?

Complètement, c’est sans comparaison possible par rapport à ce que nous avons connu au cours des 40 dernières années. Nous sommes dans une situation complexe. Nous ne pouvons pas jouer sur le climat, mais nous pouvons jouer sur le contexte en termes de simplification ou de compétitivité de façon à ce que nos exploitations soient plus résilientes et qu’elles puissent passer les caps difficiles.

La Région Grand Est a annoncé récemment un plan exceptionnel de 9,5 millions d’euros, est-ce suffisant ?

Ce ne sera jamais suffisant. On a fait un chiffrage uniquement pour le département de la Meuse en termes de perte sur le volet sanitaire (mortalité, reproduction et diminution de production laitière). Ces pertes sont évaluées à près de 12 millions d’euros, uniquement sur notre territoire. La Région a annoncé 9,5 millions d’euros pour les dix départements, ce qui correspond à 900 000 euros pour la Meuse. On est loin du compte, je n’accuse pas la région qui fait en fonction de ses moyens mais ça veut bien dire qu’on doit jouer sur tous les tableaux avec notamment les prêts garantis qui vont permettre de reconstituer les trésoreries en étalant les dettes de manière individualisée. Je tiens à préciser que le département de la Meuse a mis sur la table 100 000 euros en complément.

Ce plan régional a ciblé en Meuse 137 jeunes agriculteurs et 25 exploitations en grande difficulté. Pour éviter un saupoudrage, chacun touchera entre 5 et 9 000 euros d’aide. La MSA a également mis en place une aide dont on ne connait pas encore précisément le montant auquel s’ajouteront les aides de l’État pour la mortalité. Je rappelle toutefois que nous sommes 2 000 exploitations en Meuse ; la grande majorité ne touchera rien. Chaque agriculteur va donc s’organiser dans son entreprise et discuter avec sa banque de manière individuelle selon sa situation.

A.M.