Nouvelles incertitudes pour Noyon
Rester à une taille conséquente est-il possible dans l'industrie de la dentelle ? L'entêtement d'Olivier Noyon, dirigeant des dentelles éponymes, à rester au-dessus de 200 salariés finira peut-être par payer : certains confrères caudrésiens y parviennent bien... En crise quasi continue depuis une décennie, le dentellier phare de la place de Calais est en plein redressement judiciaire et attend beaucoup de l'année qui commence pour trouver un partenaire et relancer ses ventes.
Depuis septembre dernier, le dentellier de la rue des Salines est dans un nouveau tunnel avec la mise en redressement judiciaire. Cette procédure fait suite à une année noire (2015) consécutive à deux années positives pour le dentellier : 2014 et 2013 avaient en effet vu remonter l’activité de Noyon, au point que sa direction tentera la croissance externe avec le rachat d’un confrère espagnol (Central Encajera), spécialisé dans la mantille. Les convergences avec Darquer, sa marque dédiée à la robe, sont évidentes, mais le marché espagnol est tout petit… Plus globalement, l’objectif du dentellier réside dans la diversification. Si la lingerie-corseterie lui amène régulièrement une douzaine de millions d’euros d’activité, elle ne suffit pas à franchir son point mort qui reste bien au-delà de son seuil de rentabilité. Aussi, Olivier Noyon mise sur le prêt-à-porter : «de 2,5 millions aujourd’hui sur ce segment porteur, notre chiffre d’affaires pourrait grimper à 10 millions d’ici trois à cinq ans» indiquait-il, il y a quelques mois. Noyon a connu une embellie ces trois dernières années : en 2013, le chiffre d’affaires (17,7 millions) était en hausse ; l’année suivante, la hausse se poursuivait et engendrait même un résultat positif, le premier depuis près de quinze ans… Les dentelles Noyon atteignaient enfin leur objectif d’équilibre : 18,3 millions en 2015. Mais 2015 fut une mauvaise année (15,5 millions de chiffre d’affaires et 2 millions de pertes). Et l’an dernier était du même tonneau : 10% de baisse d’activité causée par une «diminution importante des volumes de commandes qui a commencé en 2015 et qui continue en 2016» déclarait son dirigeant.
Des pertes importantes et des dettes trop lourdes. Le bilan 2015 de Noyon n’affichait que 15,5 millions d’euros de production contre plus de 20 millions de charges totales. Ses pertes atteignaient ainsi près de 2 millions d’euros, à peine amortis par un crédit d’impôt de 323 000 euros. Après l’été dernier, les échéances ne pouvaient plus être assumées et le dentellier reprenait le chemin du tribunal de commerce de Boulogne-sur-Mer pour la troisième fois en moins de dix ans. Un retour dans un contexte que résume le commissaire aux comptes dans son rapport annuel : «À la suite d’une période de redressement judiciaire qui s’est achevée le 25 mars 2010, la société est désormais en plan de continuation. Ce plan de continuation a fait l’objet de cinq échéances de mars 2011 à mars 2015 pour un montant total de 3,9 millions d’euros. Il en est de même pour la société mère Société financière PBO. Le compte courant envers cette société a été provisionné à 2,6 millions d’euros.» Le site industriel a été vendu en 2014 à l’Etablissement public foncier. Il est désormais loué. En septembre 2016, Noyon ne parvenait toujours pas à faire face aux conditions de son plan de continuation de 2011. Au total, ses créances sont à 6,2 millions d’euros, un tiers du chiffre d’affaires. Les dettes, elles, s’envolent à plus de 10 millions d’euros, dont près de 7 devaient être remboursées en 2016. Les derniers actifs de Noyon se résument aujourd’hui à ses machines, ses dessins, ses cartons, 20% de la teinturerie Color Biotech (qui perd de l’argent) et 20% de son ex-filiale chinoise Suzhou Textile. La société employait, fin 2015, 247 personnes, dont 11 apprentis, 24 cadres et 148 ouvriers. Depuis, une dizaine de personnes ont quitté les effectifs.
Noyon, futur champ de bataille entre Chinois et Caudrésiens ? Dans le dernier trimestre 2016, le dentellier a dû se résoudre à préparer un plan de suppression de postes. «Nous sommes obligé de licencier. Attendre pourrait être dangereux pour l’avenir de la société», annonçait Olivier Noyon, le PDG, le 19 octobre dernier. Un comité d’entreprise en informait alors les salariés ; une cinquantaine de personnes seraient concernées. Le tribunal de commerce se prononcera dans les prochains mois sur l’avenir de Noyon en prenant en compte les efforts qu’il fournit pour faire face à ses échéances, mais aussi en considérant la volonté de la direction de s’appuyer sur des partenaires de la filière. À Caudry, le groupe Holesco attend. À Calais, Yongshen, le nouvel acquéreur chinois de Desseilles, a également retiré le dossier complet de l’entreprise. Tous deux s’étaient affrontés lors de la reprise de Desseilles et Codentel (remporté par Holesco). Noyon, futur champ de bataille ? À suivre…