Entretien avec Alain Asquin coordonnateur du «Plan Esprit d’Entreprendre»

«Nous aidons les jeunes à se révéler à eux-mêmes grâce à l’entrepreneuriat»

Grâce au statut national d’étudiant-entrepreneur (SNEE), créé en 2014, le réseau national des étudiants-entrepreneurs Pépite France accompagne des porteurs de projets. Entretien avec Alain Asquin coordonne depuis trois ans le «Plan Esprit d’Entreprendre», au ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

«Nous devons travailler main dans la main avec les collectivités territoriales» souligne Alain Asquin. © David Venier
«Nous devons travailler main dans la main avec les collectivités territoriales» souligne Alain Asquin. © David Venier

Pourquoi avoir créé le Statut national d’étudiant-entrepreneur ?
A l’issue de leur diplôme, beaucoup de jeunes, n’étant plus couverts par le régime général des étudiants, n’avaient d’autre choix que de se tourner vers le salariat pour avoir un statut. Pour ceux qui étaient encore en études, le système et le contexte organisationnel (horaires, stages…) ne favorisaient pas l’entrepreneuriat. En 2013, le ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche s’est interrogé, lors des assises de l’entrepreneuriat, sur la question de savoir comment accompagner les étudiants qui souhaitaient entreprendre. L'objectif du gouvernement était de stimuler l'intention entrepreneuriale des jeunes et d’éviter les abandons de projet pour de mauvaises raisons, qu’elles soient d’ordre pratique ou financière. Nous aidons les jeunes à se révéler à eux-mêmes grâce à l’entrepreneuriat. Aujourd’hui, 5 600 jeunes bénéficient du SNEE, chaque année.

Quels sont les avantages de ce statut ?
Notre métier est de sécuriser le parcours de ces jeunes en les aidant à faire émerger leur projet entrepreneurial, en leur offrant un accompagnement et les faisant rencontrer l’écosystème entrepreneurial. Les jeunes sont souvent un public qui n’a ni le réseau, ni les contacts, ni l’assise financière pour se lancer. Ce statut national, régi par une circulaire du ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, donne droit à plusieurs prérogatives, comme la possibilité de rester boursier pour les jeunes diplômés qui l'étaient, de pouvoir aménager leurs horaires pour ceux qui sont encore en études, de travailler sur leur propre projet, lors de leur stage, à condition toutefois que la thématique soit cohérente au niveau pédagogique avec leur formation. 
Ce statut permet simplement de reconnaître un étudiant, de lui permettre de travailler à son projet entrepreneurial et d’être accompagné pour acquérir les compétences nécessaires, pendant un an, renouvelable. Les étudiants sont sélectionnés pour leur potentiel et leur conviction par un comité d’engagement constitué d’universitaires et d’acteurs du monde socio-économique. Nous ne sommes pas là d'abord pour évaluer un projet, mais avant tout pour reconnaître la personne qui veut s’engager.

Comment sont-ils accompagnés ?
Suite à l’appel à projets lancé par le ministère, 33 pôles Pépite (Pôle étudiant pour l’innovation, le transfert et l’entrepreneuriat) ont été créés sur l’ensemble du territoire, y compris en outre-mer, avec pour mission principale d’accompagner les étudiants porteurs d’un projet entrepreneurial. Les équipes de ces pôles ont des spécialistes de l'accompagnement. Mais pour assurer la cohérence avec leur parcours académique, les jeunes sont également suivis par un référent entrepreneuriat au sein de l’université ou de leur école. Le dispositif est complété par un mentor, un dirigeant ou un cadre dirigeant. A date, le dispositif Pépite compte 800 mentors référencés, engagés à l’année auprès des jeunes. 
Objectif ? Leur permettre de discuter de pair à pair, partager les difficultés et les joies de l'aventure entrepreneuriale. On ne naît pas entrepreneur, on le devient : l’entrepreneuriat est une histoire faite d’essais et d’erreurs. Il faut être capable de créer et de transformer une idée en valeur et de la faire rencontrer un marché. C'est particulièrement complexe et, parfois, peu de choses séparent la réussite ou l'arrêt d'un projet. C'est pour cela que notre mission est avant tout de les aider à acquérir le référentiel de compétences que nous avons identifiées, dont beaucoup sont comportementales. 
Ce référentiel est désormais inscrit au registre spécifique du répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). Cela nous permet d'attribuer un certificat de compétences professionnelles aux étudiants qui ont montré leurs aptitudes, que le projet ait pu aboutir ou non. Le fait que ce certificat ait été validé par le Medef et la CPME permet à ces jeunes de valoriser ces compétences lorsqu'ils recherchent un emploi salarié. On sait combien les dirigeants sont à la recherche de ces compétences entrepreneuriales.
Concrètement, le réseau compte 200 collaborateurs directs répartis dans les 33 pôles Pépite en charge d'animer la sensibilisation, l'initiation et l'accompagnement des étudiants entrepreneurs. A ces équipes s'ajoutent une centaine de personnes en soutien administratif par les établissements, mais aussi les référents évoqués précédemment, des mentors et des partenaires experts – juristes, avocats, fiscalistes… – pour aider les jeunes sur des questions très concrètes. Nous leur proposons plusieurs prestations, par exemple au niveau communication, avec le prix national Pépite qui permet de valoriser les projets en local et au national, ou pour trouver des dispositifs de prototypage, via à des laboratoires, mais aussi des lycées professionnels. Par la suite, pour assurer une continuité de prise en charge, nous pouvons également les accompagner vers d’autres structures.

Quels sont les types de projets accompagnés ?
Nous accompagnons toutes formes d’entrepreneuriat et donc différents types de projets en création. Ce peut-être pour créer des associations ou des entreprises. Tous les secteurs sont concernés, que ce soit pour du service aux entreprises ou aux personnes. Ils peuvent poursuivre des engagements social ou environnemental ou avoir pour finalité principale une dimension stratégique. L'innovation est toujours présente, mais elle n'est pas systématiquement technologique et notre Ministère veut valoriser la pluralité des formes d'innovation. Nous accompagnons également des intrapreneurs, soit des salariés entrepreneurs. Certains étudiants peuvent enfin ne pas avoir de projet ficelé ou pas de proposition claire, mais simplement l’envie de vivre l’expérience d’essayer de créer une activité qui répond à leur passion ou de travailler pour une cause ou un engagement. C’est la posture entrepreneuriale qui nous intéresse.

Quels sont les grands défis à relever pour demain ?
Notre premier défi est de soutenir les efforts d’inclusion que nous devons tous faire. Nous devons travailler sur les freins que peuvent subir ou se donner les jeunes eux-mêmes et convaincre de nouveaux publics, comme certains étudiants qui se sentiraient «empêchés» d’entreprendre, notamment à cause de leur origine sociale ou de leur genre. Nous comptons, par exemple, seulement 39% de femmes qui bénéficient du SNEE (contre 31%, il y a trois ans). Nous devons également sensibiliser plus de jeunes chercheurs, et notamment des doctorants, sur les enjeux de l'entrepreneuriat. Il nous faut aussi renforcer notre maillage territorial. 
Notre volonté est d’être au plus près des territoires. Si aujourd’hui les grandes métropoles sont bien couvertes, nous ne sommes pas assez présents dans beaucoup de villes. En ce sens, nous devons déplacer nos équipes et travailler main dans la main avec les collectivités territoriales. Nous devons, enfin, créer une communauté d’alumnis pour qu’ils deviennent les mentors de demain.

«Notre métier est d'aider ces jeunes à faire émerger leur projet entrepreneurial, en leur offrant un accompagnement et les faisant rencontrer l’écosystème entrepreneurial». © Mikolette Moller-peopleimages.com