Noces glamour dans le luxe milanais entre Prada et Versace

Rarement un mariage aura été tant attendu dans le monde du luxe: la maison de couture italienne Prada a conclu jeudi un accord avec le groupe américain Capri Holdings afin d'acquérir sa...

La styliste italienne Miuccia Prada à la fin du défilé de la maison Miu Miu à Paris le 11 mars 2025 © ALAIN JOCARD
La styliste italienne Miuccia Prada à la fin du défilé de la maison Miu Miu à Paris le 11 mars 2025 © ALAIN JOCARD

Rarement un mariage aura été tant attendu dans le monde du luxe: la maison de couture italienne Prada a conclu jeudi un accord avec le groupe américain Capri Holdings afin d'acquérir sa rivale Versace pour 1,25 milliard d'euros.

Les noces entre les deux marques légendaires donneront naissance à un groupe de luxe italien doté d'un chiffre d'affaires de plus de 6 milliards d'euros qui pourrait mieux concurrencer les géants du secteur comme LVMH et Kering.

"Nous sommes ravis d'accueillir Versace au sein du groupe Prada et de construire un nouveau chapitre pour une marque avec laquelle nous partageons un engagement fort en matière de créativité, d'artisanat et d'héritage", a commenté son président et directeur exécutif Patrizio Bertelli.

Cet accord est à contre-courant de la tendance de ces dernières années qui a vu de grands noms de la mode italienne comme Gucci, Fendi ou encore Bottega Veneta passer dans le giron de leurs concurrents français.

Le futur pôle de luxe italien est cependant encore loin d'atteindre les dimensions des deux géants français: les recettes de LVMH ont atteint près de 85 milliards d'euros en 2024 et celles de Kering 17 milliards.

Capri Holdings, qui avait racheté Versace en 2018 pour 1,83 milliard d'euros, a dû accepter une importante décote dans un contexte économique assombri par la crise du marché du luxe et la guerre commerciale. 

"Nous sommes convaincus que le groupe Prada est la société idéale pour guider Versace vers sa prochaine ère de croissance et de succès", a assuré le PDG de Capri Holdings, John Idol.

Après de longues semaines de négociations, Prada est ainsi passé à l'acte, malgré les turbulences provoquées sur les marchés par l'avalanche de hausses de droits de douane annoncée par Donald Trump, pour tenter de relancer Versace dont les ventes sont en berne.

Fondée en 1978 par le styliste Gianni Versace et son frère Santo, Versace est une icône de la mode italienne, réputée pour ses tenues ostentatoires et dénudées prisées par la jet-set.

- Les adieux de Donatella -  

Signe avant-coureur du rachat de la griffe par son rival milanais, Versace a recruté en mars comme nouveau directeur de la création Dario Vitale, provenant de chez Miu Miu, la marque jeune et frondeuse de Prada.

Dario Vitale a pris le relais de la flamboyante Donatella Versace, catapultée en 1997 à la tête de la création après le meurtre par un déséquilibré de son frère Gianni, fondateur de la marque, avant de tirer sa révérence le 1er avril.

Promu directeur du design de Miu Miu en 2023, Dario Vitale a fait exploser l'an dernier les ventes de cette marque, fondée en 1993 par la styliste Miuccia Prada, petite-fille du fondateur du groupe.

Une recette gagnante qu'il pourrait appliquer à Versace, dont le chiffre d'affaires devrait tomber à 810 millions de dollars pendant son exercice décalé 2025, contre 1,03 milliard un an auparavant.

"Nous n'avons pas besoin de révolutionner Versace", a assuré le directeur du marketing Lorenzo Bertelli, fils de Miuccia Prada et Patrizio Bertelli, lors d'une conférence avec des analystes.

"Nous devons simplement faire évoluer" la marque et attendre qu'"une énorme étincelle ramène Versace à un énorme succès", a-t-il expliqué.

Lorenzo Bertelli, qui prendra à terme les commandes du groupe, a précisé que sa mère ne comptait pas s'impliquer dans la direction créative de la marque à la tête de Méduse.

Styles aux antipodes

Depuis la reprise de la griffe par Capri Holdings, l'aura de Versace a perdu quelque peu de son éclat et les ventes s'en sont nettement ressenties.

Le rachat de Versace par Prada, un groupe à la santé financière insolente, pourrait lui permettre de redécoller et renouer avec son ADN de glamour.

Malgré la crise mondiale du marché du luxe, Prada a conservé tout son éclat: son bénéfice net a bondi de 25% à 839 millions d'euros en 2024 et son chiffre d'affaires a grimpé de 15% à 5,4 milliards d'euros.

Si leurs styles sont aux antipodes, avec l'exubérance baroque de Versace qui s'oppose au minimalisme sophistiqué de Prada, une union des deux marques emblématiques de la mode pourrait s'avérer fructueuse.

"Prada sera en mesure de ressusciter une marque qui était en train de mourir et lui insuffler une nouvelle vie, une nouvelle lumière", a estimé auprès de l'AFP Antonio Bandini Conti, designer consultant.

Une première tentative d'élargir l'empire Prada s'est soldée par un échec: le groupe familial rachète en 1999 la marque allemande Jil Sander et la griffe autrichienne Helmut Lang avant de s'en défaire en 2006 alors qu'elles plombaient ses comptes.

En 2000, Prada acquiert, conjointement avec LVMH, 51% du capital de la griffe romaine Fendi, mais revend un an après sa part de 25,5% au géant français du luxe.

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