Natation: à Mulhouse, la famille Horter face à ses errements comptables
"Ça laisse pantois": au tribunal de Mulhouse (Haut-Rhin) mercredi, les juges se sont longuement penchés sur le fonctionnement du Mulhouse Olympic Natation (MON) et sa gestion par la famille Horter, soupçonnée...
"Ça laisse pantois": au tribunal de Mulhouse (Haut-Rhin) mercredi, les juges se sont longuement penchés sur le fonctionnement du Mulhouse Olympic Natation (MON) et sa gestion par la famille Horter, soupçonnée d'avoir détourné plus de 764.000 euros.
Il a fallu plus de 30 minutes à la présidente, Tiffany Gamain, pour citer méthodiquement les 64 infractions reprochées à Marie-Octavie Lescot-Horter (80 ans), ses fils Franck et Lionel (56 et 58 ans), et l'épouse de ce dernier, Marjorie Hauswirth-Horter (49 ans) : "refacturations de services fictifs", paiements "d'honoraires injustifiés" ou de "salaires indus", "manœuvres frauduleuses", "escroqueries", ou encore présentation de bilans comptables "infidèles", entre 2015 et 2019.
Après cette longue énumération, la juge a rapidement posé les bases du problème : en 2013 est signée une convention tripartite entre l'agglomération de Mulhouse (M2A), présidée par Jean-Marie Bockel, le club, qui a formé plusieurs champions, et une société commerciale (baptisée "M.O.N. Club"), ces deux entités étant dirigés par les Horter : l'agglomération leur met à disposition exclusive une piscine publique, le Centre d'entraînement à la natation.
En retour, le club, qui gère le haut niveau sportif, doit payer une redevance d'occupation de 140.000 euros annuelle, largement couverte par les 270.000 euros de subventions apportés par M2A.
Frais de fluide
Pour la société commerciale, chargée des activités de loisirs, l'arithmétique n'est pas la même : elle doit payer une redevance de 60.000 euros - plus de 5% de son chiffre d'affaires -, ainsi que les "frais de fluides" (notamment l'eau et le chauffage, conséquents pour une piscine extérieure chauffée toute l'année), soit environ 130.000 euros au total, et ne dispose évidemment pas de subventions publiques.
Pour régler cette somme, Lionel Horter et son épouse vont facturer des prestations à l'association sportive, largement subventionnée, comme l'autorise d'ailleurs la convention.
"J'aimerais savoir ce qu'une société qui exploite un centre de loisirs nautiques peut avoir à apporter comme prestations à une association qui promeut le sport olympique", s'interroge cependant la présidente. La société "n'était en mesure de fournir aucune prestation réelle à hauteur de 130.000 euros à l'association MON, on est d'accord avec ça ?".
"Oui", concède Franck Horter, appelé à la barre en sa qualité de président de l'association à partir de 2017. Pour sa défense, il remet en cause la convention signée avec M2A, mal calculée selon lui, mais que la famille n'aurait pas eu d'autre choix que d'accepter pour accéder aux installations. "C'était le pot de terre contre le pot de fer", a-t-il répété, bien que le loyer demandé soit exactement celui préconisé par France Domaine.
Le tribunal a ensuite étudié d'autres infractions reprochées aux différents membres de la famille. Il y a par exemple ces véhicules Land Rover payés et assurés par le club mulhousien, mais utilisés pas Lionel Horter dans sa résidence secondaire en... Martinique.
"C'était systématiquement déduit des notes de frais", assure-t-il. "Vous le dites, mais rien ne vient le justifier", rétorque Tiffany Gamain, pointant également ses généreux frais kilométriques, 14.138 euros en 2016, et encore 14.090 en 2017, soit plus de 35.000 kilomètres chaque année, dont il ne reste pas un ticket de péage.
Payés "deux fois
Passant sur cette gestion "à la bonne franquette", elle aborde ensuite la réalité du travail effectué par Franck et Lionel Horter, estimant qu'ils étaient payés "deux fois": déjà salariés de M.O.N. Club, ils facturaient également à cette société des prestations similaires, réalisées avec leur propres entreprises (Eminos Conseil pour Franck Horter, Noumi Conseil pour Lionel).
"Il y avait bien des missions différentes", assure Marjorie Horter, gérante de la SARL à partir de 2015, assurant que les prestations réglées à son mari et son beau-frère étaient "réelles". "Il est vrai que la rédaction des contrats était mauvaise", concède-t-elle seulement, regrettant des intitulés très proches entre contrats de travail et contrats de prestations.
Jeudi, le tribunal se penchera sur d'autres factures suspectes émises par la société M.O.N. Club, qui, placée en liquidation judiciaire en mars 2022, a laissé une ardoise de 371.000 euros envers M2A.
Le MON a accueilli de grands noms de la natation française, comme la championne du monde Roxana Maracineanu et les champions olympiques Laure Manaudou, Amaury Leveaux et Yannick Agnel. Ce dernier est par ailleurs mis en examen pour "viol et agression sexuelle sur mineure de 15 ans" après une plainte déposée par la fille de son ancien entraîneur Lionel Horter, pour des faits remontant à 2016.
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