Moyens de la justice: le Parlement adopte la loi Dupond-Moretti
Le Parlement a définitivement adopté mercredi le projet de loi de programmation de la Justice d'Eric Dupond-Moretti par un ultime vote du Sénat: une hausse des moyens associée à un accord avec la...
Le Parlement a définitivement adopté mercredi le projet de loi de programmation de la Justice d'Eric Dupond-Moretti par un ultime vote du Sénat: une hausse des moyens associée à un accord avec la droite pour des places de prison supplémentaires.
Le garde des Sceaux a salué "un vote décisif pour l'avenir de la justice" et "un message de reconnaissance et d'espérance" envoyé au corps judiciaire, alors qu'il s'apprête à batailler sur un tout autre front, son procès devant la Cour de justice de la République prévu du 6 au 17 novembre pour des soupçons de prise illégale d'intérêts, qu'il conteste.
Les sénateurs ont largement adopté ce texte à 233 voix contre 18, au lendemain de son adoption par l'Assemblée nationale. Dans les deux chambres, le gouvernement a reçu le soutien des Républicains et du Rassemblement national, tandis que les socialistes se sont abstenus.
Pour "réduire par deux" les délais judiciaires, cette loi promet un budget de la Justice de près de 11 milliards d'euros en 2027, contre 9,6 en 2023, et l'embauche en cinq ans de 10.000 personnes, dont 1.500 magistrats et 1.800 greffiers.
Avec les greffiers, mobilisés pour une revalorisation de leur statut, "le dialogue social se poursuit encore de manière constructive", a affirmé Eric Dupond-Moretti. Il "devrait aboutir très prochainement avec la création de greffiers de catégorie A qui représenteront une part très significative du corps et une revalorisation salariale des greffiers de catégorie B", a-t-il assuré.
Plutôt consensuel, ce projet de loi avait pris un tour plus polémique au Palais Bourbon début juillet, dans le contexte des émeutes consécutives à la mort du jeune Nahel, tué par un tir policier.
La droite LR avait affiché de plus belle sa fermeté sur les questions régaliennes et obtenu la promesse d'un ajout de 3.000 places de prison, aux 15.000 qu'ambitionne de créer le gouvernement d'ici la fin du quinquennat. "Sous réserve" toutefois d'autorisations d'urbanisme des collectivités.
Car l'objectif - un total de 78.000 places en 2027 - paraît fort ambitieux au vu des difficultés pour construire de nouveaux lieux de détention. Selon la Chancellerie, 4.300 places seront opérationnelles fin 2023.
Pas +1984+
La gauche dénonce pour sa part "une obsession du tout carcéral", et le député écologiste Jérémie Iordanoff critique les négociations des macronistes "avec la droite réactionnaire". Sa collègue sénatrice socialiste Marie-Pierre de la Gontrie a dénoncé un texte "entaché de manques", notamment sur la "régulation carcérale".
Les émeutes ont relégué au second plan un sujet pourtant sensible du projet de loi: la possibilité d'activer à distance des téléphones portables "mouchards" dans certaines enquêtes.
Le texte prévoit notamment de pouvoir filmer ou enregistrer à leur insu, grâce à leurs appareils connectés (téléphones, ordinateurs...), des personnes visées par des enquêtes pour terrorisme, grande délinquance et criminalité organisée. Cela concerne des "dizaines d'affaires par an". "On est loin du totalitarisme de +1984+", le roman de George Orwell, assure le garde des Sceaux, ancien avocat pénaliste.
La technique est déjà utilisée par les services de renseignement, et sans l'approbation d'un juge, qui sera, ici, indispensable, martèle le ministre. Elle sera en outre interdite pour certaines professions: magistrats, avocats, parlementaires, journalistes, médecins.
Mais la gauche et des défenseurs des libertés publiques s'inquiètent d'une "pente très dangereuse", une "intrusion dans la vie privée"; une "surveillance généralisée", s'est alarmée Andrée Taurinya (LFI).
Le 5 octobre, les députés et sénateurs de la commission mixte paritaire ont par ailleurs réintroduit dans la loi une mesure qui avait été rejetée par l'Assemblée nationale.
Elle prévoit de réformer la procédure prévue en cas de saisie sur rémunérations (le prélèvement d'une partie du salaire pour rembourser une dette à un créancier), avec une suppression de l'autorisation préalable du juge de l'exécution. Et confie l'application de la saisie aux commissaires de justice, à la place du greffe du tribunal judiciaire.
A l'Assemblée, gauche et RN avaient protesté contre une déjudiciarisation de ce dispositif, qui pénaliserait selon eux les plus vulnérables face à leurs créanciers.
"Le juge intervient bien en cas de contestation par le débiteur", répond le député Renaissance Jean Terlier, rapporteur du texte.
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