Mondial-2023 de rugby: la Cour des comptes pointe des "défaillances majeures" de l'Etat

Ne pas faire aveuglément confiance aux organisateurs d'un grand évènement sportif: la Cour des comptes a demandé mardi plus de vigilance à l'Etat dans la préparation des compétitions sportives après avoir constaté des "défaillances majeures"...

Vue générale sur une tribune du stade de France avant le match France - Nouvelle-Zélande lors de la Coupe du monde de rugby, le 11 septembre 2023 © FRANCK FIFE
Vue générale sur une tribune du stade de France avant le match France - Nouvelle-Zélande lors de la Coupe du monde de rugby, le 11 septembre 2023 © FRANCK FIFE

Ne pas faire aveuglément confiance aux organisateurs d'un grand évènement sportif: la Cour des comptes a demandé mardi plus de vigilance à l'Etat dans la préparation des compétitions sportives après avoir constaté des "défaillances majeures" dans le contrôle du Mondial-2023 de rugby. 

Si le rapport de la Cour des comptes pointe la responsabilité du premier directeur général du comité d'organisation, Claude Atcher, celle de la fédération française de rugby (FFR) et de l'État est aussi engagée "en raison des défaillances majeures constatées dans le contrôle qu'ils auraient dû exercer sur le comité d'organisation", a affirmé la Cour des comptes dans un rapport publié mardi. 

Loin des promesses initiales, l'organisation du Mondial-2023 a engendré de lourdes pertes financières, notamment pour la FFR. "Tout le monde a gagné, sauf les organisateurs" français a résumé Pierre Moscovici, premier président de la Cour des comptes, lors d'une conférence de presse.

Derrière l'"incontestable succès populaire, médiatique et sportif" que reconnaît le rapport, le Mondial-2023 a un trou financier béant qui met en danger la fédération française de rugby.

Privatisation des profits

"Les objectifs financiers n'ont pas été atteints et les ressources laissées pour l'héritage du rugby sont quasi nulles", selon Pierre Moscovici, qui a souligné des "engagements excessifs de la FFR" pour obtenir "à tout prix" et à la surprise générale en novembre 2017 l'organisation du Mondial auprès de la fédération internationale, World Rugby.

La candidature de la France est marquée par l'augmentation substantielle de la redevance d'organisation versée par la FFR à World Rugby pour l'évènement (196 millions d'euros), les coûts des droits commerciaux et de partenaires domestiques ainsi que la prestation d'hospitalité et de voyage.   

Au final, World Rugby "a réalisé le meilleur résultat financier de son histoire" grâce à l'évènement alors que la FFR a enregistré "une perte sèche a minima de 19,2 millions d'euros et pouvant atteindre jusqu'à 28,9 millions d'euros" en fonction de l'issue des contentieux en cours, selon le rapport. "Une logique de privatisation des profits et socialisation des pertes", a résumé Pierre Moscovici. 

Cela a été rendu possible car "le soutien de l'État a été apporté sans expertise préalable sérieuse sur la soutenabilité et la cohérence du budget de candidature, qui finalement était très éloigné du budget de réalité. L'État a aussi accepté de porter son soutien en méconnaissance d'éléments essentiels à la candidature", selon Pierre Moscovici.

Elaborer une doctrine

Malgré des signaux avant-coureurs, l'Etat ne s'est réellement intéressé à l'organisation qu'après une crise de gouvernance à l'été 2022, en raison d'accusations de harcèlement contre M. Atcher, ayant mené à des enquêtes plus globales sur le comité d'organisation et à son départ en octobre 2022.

S'y ajoutent aussi des initiatives très coûteuses autour de la compétition comme Campus 2023, le programme de formation des apprentis lancé par le comité d'organisation avec un coût de 80 millions d'euros, soit près de 63.000 par apprenti formé. 

Les dépenses effectives ont été 31% supérieures à celles prévues, a estimé le rapport. 

La Cour recommande donc "d'élaborer une doctrine claire et étayée de l'État et d'outils fiables relatifs aux candidatures", mais aussi de "prévoir des procédures de nomination des candidats à la présidence et la direction générale des comités d’organisation des grands événements sportifs internationaux (...) fondées sur l’avis de comités des nominations indépendants". 

"Ces recommandations sont directement mobilisables dans la préparation des Jeux d'hiver Alpes 2030" a insisté Pierre Moscovici.

Le Mondial de rugby s'est tenu quelques mois avant les Jeux de Paris, un événement sur lequel la Cour des comptes a exercé un contrôle beaucoup plus étroit. Concernant ces JO, elle doit remettre un nouveau rapport en juin puis en octobre. 

Dans son droit de réponse au rapport, Claude Atcher a affirmé que "la gestion catastrophique de l'événement après (s)on départ a privé le rugby français d’environ 50 millions d'euros de résultat", en raison du "manque de compétence et d'expérience" de la direction qui lui a succédé.

La FFR, également épinglée par le rapport, a changé de direction à l'été 2023 avec l'arrivée de Florian Grill à sa tête, jusqu'ici dans l'opposition à Bernard Laporte qui soutenait Claude Atcher. 

"Nous sommes satisfaits que toute la lumière soit faite sur les réelles responsabilités et le manque de contrôle qui ont amené aux difficultés financières auxquelles nous faisons face aujourd'hui", a écrit Florian Grill dans sa réponse à la Cour.

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