Modernisation pour les décisions d’associés dans les SARL
Près de cinq ans après la loi PACTE de 2019 relative à la croissance et la transformation des entreprises, la loi n° 2024-537 du 13 juin 2024* marque une nouvelle étape dans l’ambition du législateur de poursuivre l’amélioration de la compétitivité du droit français et des entreprises hexagonales. La loi apporte ainsi des innovations notables et pratiques en droit des sociétés, et consacre quelques modifications bienvenues des modes de consultation des associés dans les SARL. Tour d’horizon des principaux changements.
Une
consultation des associés facilitée : l’acte unanime et la
consultation écrite en matière d’approbation des comptes dans les
SARL
Sous l’ancien régime, et en vertu de la combinaison des articles L. 223-26 et L.223-27 du Code de commerce dans leur ancienne rédaction, les SARL étaient soumises à une stricte obligation de tenue de l’assemblée générale pour l’approbation annuelle des comptes, une démarche souvent perçue comme lourde et contraignante, tant en termes de temps que de coûts pour les dirigeants, les associés et les entreprises. Désormais, il est possible que les décisions annuelles d’approbation des comptes d’une SARL soient prises par consultation écrite ou acte unanime des associés, facilitant le déroulement des opérations administratives courantes.
En effet, les décisions unanimes des associés offrent une alternative simplifiée à la tenue d’une assemblée générale : elles permettent aux associés de prendre des décisions collectivement, sans convoquer une assemblée, à condition que tous les associés expriment leur accord dans un même acte. Ce mode opératoire, à la fois flexible et simple à mettre en place, s’impose aujourd’hui comme un outil privilégié pour les praticiens, mais qu’ils ne pouvaient mettre en œuvre pour les décisions annuelles d’approbation des comptes.
Pour
que ces nouvelles dispositions soient applicables, les statuts de la
société concernée doivent prévoir explicitement cette
possibilité. L’article L. 223-7 du Code de commerce (nouvelle
rédaction), dispose en effet que les décisions peuvent être prises
par consultation écrite ou par consentement unanime, lorsque les
statuts le permettent. Ce changement implique donc, pour les SARL
intéressées, de modifier leurs statuts pour y introduire cette
souplesse législative.
Dématérialisation
des consultations d’associés en SARL : une gouvernance à l’ère
numérique
La loi s’inscrit également dans le mouvement de digitalisation des pratiques de gouvernance, accéléré suite à la pandémie de Covid-19. Le texte autorise en effet, là encore sous réserve que les statuts le prévoient, les consultations écrites et les décisions unanimes par voie électronique. Cette innovation permet désormais aux associés de participer aux décisions de l’entreprise à distance, dans les conditions fixées par les statuts de la société. En pratique, cette nouvelle disposition ouvre la voie à la possibilité pour les associés de SARL de signer de manière dématérialisée les décisions collectives.
Cette
initiative s’inscrit dans une tendance de fond, la signature
électronique étant de nos jours largement utilisée pour formaliser
les décisions prises entre associés. Cette mesure, inscrite dans le
Titre III de la loi du 13 juin 2024, répond ainsi aux exigences
modernes de dématérialisation et d’accessibilité. Elle se
traduit, pour les entreprises, par une plus grande facilité à
organiser les prises de décisions tout en bénéficiant d’un socle
légal à l’appui de l’utilisation de ces modes de consultation.
Introduction du vote par correspondance dans les SARL
La troisième modification concerne l’introduction d’un droit de vote par correspondance lors des assemblées générales, au profit des associés de SARL. Traditionnellement réservé à d’autres formes de sociétés commerciales, et notamment à la société par actions simplifiée, le législateur intègre l’utilisation de ce mécanisme dans les SARL.
Le
décret du 8 octobre 2024 (n° 2024-904, publié au Journal officiel
du 10 octobre 2024) vient, en ce sens, encadrer le régime juridique
du formulaire de vote par correspondance, qui «offre à l'associé
la possibilité d'exprimer sur chaque résolution un vote favorable
ou défavorable ou sa volonté de s'abstenir de voter». Ce
décret introduit en outre un nouvel article R. 223-20-1-1 du Code de
commerce, posant les conditions de validité de ce vote par
correspondance, notamment les mentions obligatoires sur le formulaire
de vote par correspondance.
Dispositions applicables aux sociétés civiles et aux sociétés en nom collectif
Enfin, la loi du 13 juin 2024 ne se limite pas aux seules SARL. En effet, elle étend les possibilités de consultation écrite et électronique à d’autres structures, comme les sociétés civiles (SCI) et les sociétés en nom collectif (SNC). Désormais, ces formes sociales peuvent, elles aussi, prévoir dans leurs statuts la prise de décisions par consultation écrite, y compris par voie électronique. Les articles 1853 du Code civil et L. 221-6 du Code de commerce ont ainsi été modifiés pour introduire ces nouvelles possibilités.
A
noter qu’une fois encore, le texte maintient le principe de la
prise de décisions en assemblée des associés et exige une clause
statutaire spécifique pour permettre le recours à la consultation
écrite.
Un souffle nouveau pour la SARL face aux enjeux modernes de gouvernance
Avec
cette réforme, le législateur donne un nouvel élan à la SARL,
dont l’attrait a été éclipsé ces dernières années par la
société par actions simplifiée (SAS), prisée en pratique pour sa
grande souplesse d’organisation (la SAS est à ce jour la forme de
société commerciale la plus utilisée en France). Toutefois, la
SARL demeure une forme sociale extrêmement répandue et concerne un
très grand nombre d’entreprises. En offrant de nouvelles
possibilités de flexibilité et de dématérialisation, cette loi
marque une avancée face aux attentes modernes en matière de
gouvernance et de simplification des procédures, une orientation
devenue incontournable dans le contexte actuel.
*
Dite loi «visant à accroître le financement des entreprises et
l'attractivité de la France».
Martin Wartelle, avocat, et Tanguy Dubly, avocat associé - Cabinet Bignon Lebray