Migrants, sécurité, finances, réforme territoriale… au menu du 61e congrès des maires du Nord

Le 61e congrès de l'Association des maires du Nord a tenu ses promesses, avec notamment l'annonce par Michel Lalande que l'objectif de 845 places de centre d'accueil et d'orientation à trouver dans les Hauts-de-France dans le cadre du démantèlement à venir du camp de Calais était atteint,. Une annonce assortie de propos rassurants en la matière sur le partenariat Etat/communes.

L'intervention du préfet de région Hauts-de-France, préfet du Nord, Michel Lalande, a été applaudie par des congressistes séduits par des propos qui prenaient en compte certaines de leurs considérations.
L'intervention du préfet de région Hauts-de-France, préfet du Nord, Michel Lalande, a été applaudie par des congressistes séduits par des propos qui prenaient en compte certaines de leurs considérations.

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L’intervention du préfet de Région Hauts-de-France, préfet du Nord, Michel Lalande, a été applaudie par des congressistes séduits par des propos qui prenaient en compte certaines de leurs considérations. 

 

 

 

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De g. à dr., Lionel Courdavault, Michel Lalande, préfet de Région Hauts-de-France, préfet du Nord, Patrick Masclet, président de l'AMN, et Maryline Lucas, maire de Guesnain, en discussion lors de l'inauguration du Salon partenaires.

 

 

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Michel Lalande : «Soyez fiers de ce résultat qui honore les valeurs de la République.» 

 

Chacun craignait quelque peu le 61e congrès de l’Association des maires du Nord qui s’est déroulé à Douai Gayant-Expo le 6 octobre dernier, tant le 60e a laissé un souvenir partagé sur l’accueil réservé par les congressistes aux propos tenus par Jean-François Cordet, alors préfet de Région Nord – Pas-de-Calais − Picardie, préfet du Nord. Il est vrai que le sujet d’alors se concentrait beaucoup sur la baisse des dotations et que le préfet n’y pouvait. Pour le coup, on peut dire que «l’examen de passage» de Michel Lalande, préfet de Région Hauts-de-France, préfet du Nord, est réussi, à considérer les applaudissements dont son intervention a fait l’objet. Sans doute contenait-il un peu de ce que les congressistes souhaitaient entendre…

De nouveaux sujets d’inquiétude. En ouvrant ce congrès, puis en accueillant Michel Lalande, Patrick Masclet, président de l’Association depuis 2002, a rappelé «les messages à lui faire passer, un peu différents des messages que nous avions portés auprès de l’État les années passées, messages liés essentiellement à la baisse des investissements des collectivités locales, à la baisse d’activité des entreprises qui en découlent. Aujourd’hui, nous avons d’autres sujets qui sont ceux de la mise en sécurité des manifestations que nous organisons et le douloureux et difficile problème des migrants».

En lui souhaitant «bienvenue chez nous», Patrick Masclet a enfoncé le clou en évoquant certes le débat récurrent de la difficulté d’équilibrer les budgets, assortie cette année «d’un peu d’espoir» avec l’État, la Région et le Département, mais surtout «l’inquiétude (qui) s’est déplacée sur le champ de la sécurité avec des rassemblements un peu plus difficiles à mettre en œuvre à chaque fois et souvent l’équivalent de monnaie sonnante et trébuchante. A côté des charges obligatoires que l’État nous impose, nous avons le sentiment qu’on nous grignote également un peu de notre marge d’initiatives locales». Dernier point évoqué dans cette «mise en bouche», celui de la décision du ministre de l’Intérieur de procéder au démantèlement du camp de Calais et de répartir ses occupants sur l’ensemble du territoire national. L’occasion d’indiquer «avec humanité» que «les maires du Nord ne sont pas opposés à une vision d’intégration, encore faut-il que le dialogue s’installe vraiment, encore faut-il que (…) l’État tienne compte de la capacité de nos communes à intégrer et de faire du mieux possible une réussite de ce plan de démantèlement. Si nous arrivons à travailler ensemble, maires du Nord, vous-même et services de l’État (…), je pense que nous pourrions réussir».

Prévenu de cet état d’esprit et au fait de leurs inquiétudes, justifiées ou pas, Michel Lalande ne s’est pas engagé dans un affrontement avec les maires du Nord − bien au contraire −, évoquant «cette France des territoires que j’aime servir», son passé d’«élu de la France d’en bas», «les valeurs, l’exigence de sincérité, de vérité et de loyauté que l’on doit au territoire que l’on sert», «le compagnonnage des heures passées, côte à côte, à gérer des moments difficiles»… Pour mieux les assurer que «nous sommes en définitive les deux faces d’une même monnaie : l’autorité de la République». Reconnaissant intervenir «dans un contexte à nul autre pareil», le préfet du Nord s’est lancé avec méthode et autorité dans l’examen de trois grands sujets d’actualité : les questions migratoires et de sécurité, la réforme territoriale et enfin les projets d’investissements.

Migrants de Calais : les 845 places trouvées. Les congressistes ont dû attendre un peu la bonne nouvelle : “la région Hauts-de-France a atteint vendredi dernier (ndlr : 30 septembre) son quota de 845 places. Et le Nord y a pris toute sa place». Ont été rappelés les grands principes qui guident l’action préfectorale dans l’ouverture des 845 nouvelles places en Centre d’accueil et d’orientation, à savoir le dialogue et la proportionnalité : «il n’y aura pas d’ouverture de CAO dans votre ville sans que vous n’y ayez consenti», «nous cherchons toujours à installer un CAO de taille acceptable au regard de la population de la commune qui l’accueille». Ce fut son tour d’enfoncer le clou «pour lever toute appréhension». Le préfet a proposé aux maires concernés la signature d’une charte garantissant la prise en charge par l’État de l’ensemble des besoins des migrants, un accompagnement social des migrants par l’intermédiaire d’un professionnel (Adoma pour le Nord), la nomination d’un sous-préfet référent chargé du dialogue permanent avec les maires, l’indispensable scolarisation des enfants avec, seule contrepartie demandée, l’implication des maires pour mobiliser le réseau associatif des communes. Il a aussi annoncé le lancement d’un programme expérimental «Pilot-migrants» sur un panel de 200 migrants qui ont vocation à devenir réfugiés politiques, pour leur permettre d’accéder à des dispositifs puissants d’insertion sociale et professionnelle à même de faciliter leur insertion et leur sortie des CAO.

Sécurité : prêt d’armes et aide à la vidéoprotection. Parce que le Nord est «sans hésitation» exposé de façon permanente à la menace permanente et «pas moins» que d’autres s’agissant d’un département frontalier, Michel Lalande a justifié le renforcement de la sécurisation qui impose des efforts financiers, «une économie que nous ne pouvons pas nous permettre de faire”. Au-delà du rappel de la mise à disposition des services de l’État, il a rappelé l’organisation d’un réseau de veille locale complétée par des séminaires de formation à la prévention de la radicalisation. La sécurité publique n’a pas été oubliée : une dizaine de communes ont profité du dispositif de prêt d’armes à feu pour en équiper leurs polices municipales et l’État poursuit son soutien à la vidéoprotection au travers du Fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD).

Intercommunalité : compétences renforcées et maintien du SDCI. «L’intercommunalité a une part croissante dans notre vie locale (et) est irréversible.» Ses nouvelles compétences décidées par la loi NOTRe porte au 1er janvier 2017 sur la promotion du tourisme, la politique locale du commerce, la collecte et le traitement des ordures ménagères, et l’accueil des gens du voyage ; au 1er mars 2017 sur le plan local d’urbanisme avant, en 2018, la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, l’eau et l’assainissement. Confronté au souhait de certaines communes de sortir de leur intercommunalité, Michel Lalande a annoncé qu’«au nom de l’intérêt général, je ne toucherai pas au Schéma départemental de coopération intercommunale» et il a proposé au président de l ‘AMN la préparation d’un livre blanc de l’intercommunalité du Nord à horizon de 15 ans. «Ce sera notre travail commun de cette année avec, je l’espère, une présentation l’an prochain à votre prochain congrès

Redressement des comptes publics. Rien de bien neuf ici, au-delà de la confirmation de la baisse de la DGF des communes, qui a baissé pour le Nord de 4,8% par rapport à 2015 à plus de 637 M€, et de la mise en place de dispositifs d’accompagnement, réduction de moitié de l’effort demandé au bloc communal à 1 Md€, mise en place du Fonds de soutien aux emprunts à risque dont près de 119 M€ ont été attribués à des communes du Nord, crédits de péréquation en hausse, élargissement du Fonds de compensation de la TVA (FCTVA) dont les communes du département ont bénéficié à hauteur de 97 M€.

Aides à la cohésion sociale. Enfin, dernier point abordé, le soutien apporté par l’État à l’investissement des communes en faveur de davantage de cohésion sociale. Pour réduire les fractures territoriales, le préfet a mis en avant la mobilisation de près de 30 M€ au titre du Fonds de soutien à l’investissement local (FSIL) dont ont profité 175 dossiers correspondant à 113 communes et intercommunalités, les 19 maisons de santé pluriprofessionnelles en réponse aux déserts médicaux, les 10 projets de maisons de service au public (MSAP) portés par La Poste en cours de réalisation pour une ouverture avant la fin de l’année, ainsi que les contrats de ruralité. Quant à la réduction des fractures sociales, elle s’appuie dans le département sur la dotation politique de la ville (DPV) dont bénéficient 15 communes. Les actions éligibles visent les 91 quartiers prioritaires et 13 de ces contrats ont déjà été signés, a détaillé le préfet, pour une allocation de plus de 18 M€.

Des opportunités faces aux contraintes. Rassurés le matin par les propos de Michel Lalande, les congressistes l’ont été aussi par André Laignel, premier vice-président de l’AMF, président du Comité des finances locales et maire d’Issoudun, qui n’a pas manqué de rappeler la position unanime du bureau de l’AMF qui, à la menace de dilution, voire de suppression des communes, oppose la valeur incomparable de leur proximité, jusqu’à marteler : «On ne réussira pas la France sans les communes.» Les deux ateliers, «Finances locales» et «Nouvelles politiques régionales et départementales en faveur des collectivités locales», ont permis à 8 maires et présidents d’EPCI du Nord de témoigner de leurs inquiétudes, de leurs attentes, de leurs recettes face aux problèmes financiers rencontrés par leurs communes et aux nouvelles politiques d’aménagement du territoire engagés par le Conseil départemental et le Conseil régional. Ce Meccano vécu comme «compliqué», tant par Guy Bricout, pour le département, que Valérie Létard, pour la région, ont cherché à le rendre audible auprès des maires et élus encore présents. L’effort de sensibilisation, d’explication et de démystification devra être poursuivi pour y acculturer les maires et y former leurs équipes. Au final, comme a pu le dire en conclusion Nicolas Lebas, le congrès aura permis, face aux contraintes qui pèsent sur les maires, qu’elles soient financières, réglementaires et sécuritaires, de révéler de réelles opportunités.