Malaise agricole: le RN creuse son sillon dans la campagne européenne

Le scrutin européen de juin en ligne de mire, le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen et Jordan Bardella cherche à tirer parti de la colère des agriculteurs et à pousser son avantage auprès...

Le président du RN Jordan Bardella s'adresse à des agriculteurs à Queyrac, en Gironde, le 20 janvier 2024 © Christophe ARCHAMBAULT
Le président du RN Jordan Bardella s'adresse à des agriculteurs à Queyrac, en Gironde, le 20 janvier 2024 © Christophe ARCHAMBAULT

Le scrutin européen de juin en ligne de mire, le Rassemblement national (RN) de Marine Le Pen et Jordan Bardella cherche à tirer parti de la colère des agriculteurs et à pousser son avantage auprès d'un électorat longtemps acquis à la droite.

Tête de liste pour les élections du 9 juin, le président du RN s’affiche comme le "porte-voix des campagnes" et dénonce "l'Europe de Macron" qui veut "la mort de notre agriculture".

Le discours se veut très clairement en opposition à l'Europe de Bruxelles et à un président qui affirme régulièrement sa posture pro-UE, alors que la grogne s'intensifie en Europe.

Importations d'Ukraine, coût du carburant, normes environnementales trop lourdes... Depuis plusieurs semaines, les manifestations d’agriculteurs se multiplient en France, mais également en Allemagne et dans d'autres pays.

A un mois du Salon de l'agriculture, le RN voit dans cette crise un thème de campagne porteur et un terrain de concurrence avec le parti de droite Les Républicains (LR).

"Il y a une partie des agriculteurs qui penche à gauche, avec le bio, tout ça; un électorat qui est resté fidèle à la droite traditionnelle, notamment les plus prospères; mais vous avez aussi ceux qui subissent de plein fouet la dégradation de la ruralité et qui sont inquiets des perspectives européennes, et qui, eux, sont un électorat disponible pour le Rassemblement national", explique le sondeur Jérôme Sainte-Marie, qui travaille pour le RN.

Si le poids politique des agriculteurs reste marginal sur le papier - moins de 1,5% de l’électorat - il n’en reste pas moins symbolique, sinon stratégique.

"C'est un électorat numériquement limité et fragmenté, mais les agriculteurs sont un peu les leaders d’opinion dans le milieu rural. Or, la ruralité, c'est vraiment le terreau du vote Marine Le Pen, ou du vote Bardella", souligne Jérôme Sainte-Marie.

Le gouvernement a indiqué qu'il répondrait très vite à cette crise. Le Premier ministre a reçu lundi les organisations représentatives du secteur qui ont réclamé des "décisions concrètes" faute de quoi les protestations se poursuivront.

y compris les blocages

Affaiblis dans les urnes depuis plusieurs élections, Les Républicains ne veulent pas se laisser distancer par le parti lepéniste.

Le chef de file des députés LR Olivier Marleix a assuré que son parti "soutenait très clairement" le mouvement, "y compris les blocages".

Ce qu'un leader du parti justifie sans détour. "J'ai peur que l'augmentation des tensions ne fasse les affaires de Jordan Bardella. Notre rôle sera de rappeler à tous qu'à l’échelle européenne, le RN n'a jamais rien fait pour les agriculteurs".

Car les campagnes sont loin d'être un terrain conquis pour l'extrême droite.

"L'électorat rural n'est pas réductible à l’électorat agricole", prévient François Purseigle, professeur des universités à l’Institut National Polytechnique de Toulouse, en rappelant que le milieu agricole, historiquement à droite, s’est longtemps "affirmé comme un rempart au Front national de Jean-Marie Le Pen". 

Jusqu'en 2002, où ils sont 22% à voter pour lui au premier tour, soit un peu plus que l’ensemble de la population française (16,9%). Depuis, le vote de l’extrême droite s’est banalisé, explique le sociologue. "Mais ni plus ni moins que chez le reste des Français", insiste-t-il.

En 2002, l'extrême droite accédait pour la première fois au second tour de l'élection présidentielle. Largement battue finalement par Jacques Chirac, grand ami des agriculteurs et dont les LR sont aujourd'hui les héritiers.

Dans les sondages pour les européennes, Jordan Bardella fait aujourd'hui nettement la course en tête. Sa liste obtient 10 points de plus que celle de la majorité macroniste, avec environ 30% des intentions de vote. La liste LR, conduite par François-Xavier Bellamy, y est créditée de 7 à 8%.

De manière générale, estime Jérôme Sainte-Marie, la cause agricole est "un thème parfaitement adapté à la campagne électorale des européennes". "Il y a beaucoup de choses à dire sur l'Europe et l'agriculture, puisque c'est la question de la souveraineté alimentaire, la question de l'élargissement, la question des normes".

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