Lutter contre l’illettrisme en Picardie : un enjeu de développement territorial

Une étude de l’INSEE, présentée le 10 octobre, chiffre le nombre de personnes en situation d’illettrisme en Picardie à 125 000. Le taux dans la région, supérieur de plus de trois points au niveau national, atteint en conséquence les 11 %. De nombreux dispositifs et actions se sont donc mis en place pour tenter d’enrayer cette situation.

De nombreuses actions sont mises en place pour lutter contre l’illettrisme.
De nombreuses actions sont mises en place pour lutter contre l’illettrisme.

 

De nombreuses actions sont mises en place pour lutter contre l’illettrisme.

De nombreuses actions sont mises en place pour lutter contre l’illettrisme.

Lorsque l’on parle d’illettrisme, la première chose est d’en donner une définition précise. L’Agence nationale de lutte contre illettrisme (ANLCI) précise qu’il s’agit « de personnes qui, après avoir été scolarisées en France, n’ont pas acquis une maîtrise suffisante de la lecture, de l’écriture, du calcul, des compétences de base, pour être autonomes dans les situations simples de la vie courante ». En Picardie, selon une étude de l’INSEE, cette situation concerne près de 125 000 personnes âgées de 16 à 65 ans. La région se place donc bien audessus de la moyenne nationale (11 % contre 7 %). Cette spécificité picarde peut s’expliquer en partie, comme le relate l’étude, par un surnombre des personnes de faible niveau scolaire ; 23 % de la population âgée de 16 à 25 ans n’a en effet aucun diplôme en Picardie, contre 15 % en France. Or, l’illettrisme diminue avec l’élévation du niveau de formation. En outre, il semble que les Picardes maîtrisent mieux les fondamentaux de l’écrit que les Picards : le taux d’illettrisme atteint 8 % pour les femmes contre 13 % pour les hommes. Enfin, les catégories socioprofessionnelles des ouvriers qua-lifiés ou non qualifiés sont plus particulièrement concernées et celles-ci sont sur-représentées en Picardie. A l’échelle nationale comme régionale, la lutte contre l’illettrisme est donc engagée. Le 1er mars, le Premier ministre Jean- Marc Ayrault attribuait le label “Grande Cause nationale pour 2013” au collectif “Agir ensemble contre l’illettrisme” (65 organisation nationales) fédéré par l’ANLCI. C’est d’ailleurs dans ce cadre que se sont déroulées les Assises régionales de l’illettrisme en Picardie le 10 juillet dernier. Pour lutter contre ce phénomène, différents dispositifs sont mobilisés, qu’il s’agisse de prévenir l’illettrisme en milieu scolaire ou de détecter et former les personnes à l’âge adulte.

Des actions de prévention
Le 14 novembre 2013, l’académie d’Amiens, dans le cadre des ses actions “lecture-écriture-culture”, a renouvelé la signature de la convention-cadre tripartite et des conventions locales associant un collège mettant en oeuvre un réseau des observatoires locaux de la lecture (ROLL) et une maison des écrivains. Les ROLL sont des dispositifs nationaux créés en 2009 afin de combattre l’illettrisme en améliorant les compétences des jeunes élevés. Ils associent en Picardie 19 collèges et 80 écoles. A l’intention des élèves de cycle 3 (CE2-CM2) et de 6e, les équipes pédagogiques des établissements scolaires repèrent les élèves en difficulté. Pendant deux heures, par petit groupe de dix, un enseignant apporte un accompagnement personnalisé aux élèves. Ce dispositif soutenu en Picardie par la Caisse des dépôts a déjà fait ses preuves, comme l’explique Bernard Beignier, recteur de l’académie d’Amiens et chancelier des universités : « Il y a une victoire à remporter, particulièrement dans notre région, contre l’illettrisme. Pour ce faire, nous ne devons pas adopter une position fataliste face à ce sujet. L’expérience des ROLL s’est avérée utile et pertinente. Cette année encore, de nombreux collèges rejoignent le dispositif. Nous réfléchissons d’ailleurs aux possibilités de généraliser ce dernier à tous les élèves. L’école a besoin de relais tels que la maison des écrivains, qui vont faire découvrir à l’élève le plaisir que l’on peut tirer de la lecture. »

Détecter l’illettrisme et former l’adulte
Lutter contre l’illettrisme est également une question de détection et d’accompagnement vers la formation des personnes adultes. L’illettrisme est certes un enjeu social mais également de développement territorial comme le souligne Anne Boidin, correspondante régionale ANLCI et adjointe au chargé de mission TIC, cohésion sociale, études à la préfecture : « Le plan régional de prévention et de lutte contre l’illettrisme est un plan triennal qui implique l’Etat et ses services déconcentrés, l’Education nationale, la Région, les partenaires sociaux et l’ANLCI. Il vise un meilleur repérage des publics en situation d’illettrisme dans une logique d’insertion dans des parcours de formation, le développement de l’accès aux savoirs de base des salariés en entreprise, etc. L’objectif pour 2014 est d’aller plus loin en consolidant les acquis et l’animation par la fédération de tous les acteurs. » L’URLIP et les associations agissant dans le domaine apportent ainsi des conseils sur les méthodes de détection de l’illettrisme et différentes solutions de formation. L’offre compétences clés permet ainsi une formation générale (compréhension et expression écrites, mathématiques, sciences et technologies), anglais, bureautique et Internet. Différentes actions de formation de type remise à niveau sont également proposées par les nombreuses associations oeuvrant dans la lutte contre l’illettrisme. L’idée générale étant de s’adapter aux envies et aux besoins de la personne, car il s’agit bien souvent, lorsque l’on parle d’illettrisme, de redonner le goût et le plaisir de l’apprentissage aux personnes qui en souffrent. L’URLIP agit également par le biais des organismes paritaires collecteurs agréés (OPCA) pour la sensibilisation des chefs d’entreprises et des collaborateurs sur la question. « Il est important de sensibiliser les entreprises sur les méthodes de détection de l’illettrisme et sur les actions de formation possibles. Il y a souvent un sentiment de honte et une peur de perdre son travail chez les personnes souffrant d’illettrisme. Il faut donc mettre en place un climat de confiance, et cela peut donc prendre du temps », conclut Anne Boidin.