Levée de boucliers contre le site de Pont-d'Ardres
Le projet d'extension du centre de tri de Ramery environnement, fililale du groupe éponyme, déclenche une polémique qui enfle au fil de l'enquête publique. Le 20 octobre dernier à Ardres, une manifestation a réuni plus de 500 personnes fortement mobilisées contre les impacts potentiels du site. Habitants et élus des alentours ont défilé avant d'aller exprimer leur colère devant les grilles de l'ancien site de la sucrerie de Pont-d'Ardres où fonctionne déjà une petite activité.
Tout a commencé avec un tract anonyme, distribué dans les boîtes aux lettres début septembre, dénonçant le projet de Ramery environnement sur le site de Pont-d’Ardres. Alors que jusque-là le projet d’extension du centre de tri de Ramery n’intéressait pas grand monde, ce tract a réussi à mettre le feu aux poudres en quelques jours : dès lors, les permanences du commissaire-enquêteur, Jean-Pierre Delvart, ne désempliront plus. Un collectif se forme et relaye l’information avant que la presse locale s’y intéresse. Sollicité, Ramery environnement finit par répondre le 4 octobre et ouvre les portes de son site d’Harnes qui ne peut plus accueillir de volumes supplémentaires. Son dirigeant montre sa détermination : «nous n’avons pas l’habitude de passer en force mais nous n’avons pas l’intention de renoncer», déclare alors Mathieu Ramery. Il plaide d’ailleurs la cause de son projet devant les élus de la communauté de communes de la région de l’Ardrésis (CCRA) le 8 octobre. Une semaine plus tard, le conseil municipal unanime vote une motion contre le projet. Le 18 octobre, Mathieu Ramery revient expliquer les vertus du projet en réunion publique devant une foule au bord de l’invective. Le projet d’un «écopôle» (selon les termes employés par Ramery) consiste en la réalisation d’un pôle de tri et de transit pour déchets, une installation de stockage de déchets inertes (jusqu’à 550 000 tonnes à l’issue de la décennie), un pôle de stérilisation des déchets (jusqu’à 1 500 tonnes/an) issus du monde hospitalier (Dasri), une plate-forme de compostage, une installation de transit de déchets industriels spéciaux et une plate-forme de déconstruction ferroviaire. En sus, on y trouverait aussi une déchetterie dédiée aux professionnels (artisans, commerçants) d’une capacité maximale de 20 000 tonnes/an, une zone de transit des boues de stations d’épuration industrielles ou urbaines et une autre spécifiquement construite pour les boues d’hydrocurage.
Quelques inquiétudes… Au départ favorable au projet, le maire d’Ardres, Ludovic Loquet, explique son revirement : «Nous n’avons été mis au courant de ce projet que fin août. Depuis, nous avons cherché des éléments complémentaires pour avoir un éclairage. A titre personnel, je n’ai pas d’éléments rassurants. Par exemple sur l’utilisation du silo pendant le traitement des déchets. Dans l’arrêté préfectoral, il n’est pas fait mention de son interdiction. Pourtant, les services préfectoraux en avaient parlé au début. Pourquoi plus maintenant ?», interroge l’édile. Le projet global de Ramery consiste en la rénovation de bâtiments industriels que l’ancienne sucrerie du groupe Tereos exploitait jusqu’en 2004, et sa transformation en centre de tri et de valorisation de déchets. Le transit est déjà opérationnel et Ramery entend développer la chaîne du tri et de la valorisation en créant des emplois directs et indirects. Dans le cortège, le maire rappelle qu’au départ, il s’agissait de 80 emplois : «Pourquoi l’entreprise ne prévoit-elle pas un CHSCT dans son projet ? Parce qu’elle ne compte pas employer plus de 50 personnes ?» La réglementation impose en effet la constitution d’un CHSCT au sein d’une entreprise qui a plus de 50 salariés. «On parle d’une trentaine aujourd’hui», glisse l’édile. Plus loin, une dame montre des photos aux journalistes : «A Offequerke, on est touchés comme à Ardres : nos carreaux sont jaunis par des poussières, on est à 500 mètres du bassin de décantation. Les poids lourds passent par Offequerke et traversent Guemps.»
Pétitionner et convaincre. Les villages ont sorti leurs banderoles : Guemps, Offequerke, Balinghen, Heurelinghen, Les Attaques, Nortkerque, Ardres…. Cette dernière aurait pu répondre aux inquiétudes des populations en imposant une réunion publique, «mais on ne nous a pas laissé le temps de délibérer», se plaint Ludovic Loquet. Devant la mairie, la foule s’est massée pendant que ses délégués apportent la pétition au commissaire-enquêteur. «Il y a 1 600 personnes qui l’ont signée. On peut encore le faire jusqu’à midi», précise l’un d’entre eux. «Je rendrai un avis dans les 30 jours. Je vais écrire au porteur du projet qui aura 15 jours pour me répondre. Ensuite, je me prononcerai. Je peux également demander une prolongation pour prendre un peu plus de temps. Mais ce ne sera pas le cas. Le préfet réunira ensuite la Coderst et tranchera», répond le commissaire-enquêteur. «Je tiens à féliciter les membres de l’association, qui ont toujours été constructifs dans leur opposition à ce projet.» Mathieu Ramery est prévenu. S’il respecte intégralement la réglementation, on voit mal quelles objections pourraient interdire la mise en œuvre du projet…