Entreprises

Les véhicules industriels au défi de la transition énergétique

Le marché des véhicules industriels reste stable, selon les professionnels du secteur. Mais le défi de la transition énergétique est loin d'être gagné.


© Adobe Stock.
© Adobe Stock.

Un marché « solide », mais qui fait face à des défis de taille. La CSIAM, Chambre syndicale internationale de l’automobile et du motocycle présentait à la presse le bilan 2024 du marché des véhicules industriels (véhicules utilitaires, poids lourds, autobus et autocars), le 28 janvier, à Paris. « Le marché est plutôt stable », annonce Marie Defrance, adjointe de la présidente déléguée de la CSIAM. Selon les segments, toutefois, les évolutions du nombre d'immatriculations de véhicules neufs varient.

L'année 2024 a été plutôt profitable pour les utilitaires légers (jusqu'à 3,5 tonnes). La vente de ces véhicules, utilisés par les petits entrepreneurs pour transporter passagers ou matériel, a bénéficié de l'effervescence des Jeux Olympiques. La CSIAM annonce 379 746 immatriculations neuves, soit 1,1% de plus qu'en 2023. Les véhicules utilitaires ( entre 3,5 et 7,5 tonnes) ont connu leur meilleure année sur dix ans, avec 3 447 immatriculations. Côté poids lourds (entre 7,5 et 16 tonnes), «le marché s'est stabilisé à un très haut niveau avec 47 201 immatriculations qui reflètent les commandes de 2023 et de début 2024 », constate Marie Defrance. Et si le marché a légèrement fléchi après un pic en 2023 ( 47 329 immatriculations), il reste à un niveau historiquement haut (40 666 immatriculations en 2015, par exemple).

Autre catégorie encore, celle des véhicules destinés à transporter des voyageurs : les bus et les cars (pour l'essentiel de plus de 7,5 tonnes). Dans le détail, le marché des bus (usage urbain) a connu une croissance de 2,5%, pour atteindre 1 623 immatriculations neuves. Celui des cars (destinés au tourisme ou aux usages interurbains, scolaire ou de ligne) est en légère baisse ( -0,7%, 3 655). «Les autocars et les autobus ont une bonne tenue de marché. Celui-ci n'a pas souffert en dépit de l'environnement politique chahuté », observe Matthieu Beyt, représentant de Daimler Buses France.

La transition énergétique et électrique

Enjeu majeur du secteur, la transition énergétique de ces véhicules suit un rythme très inégal selon les segments. Pour les véhicules utilitaires légers , cette transition est « amorcée », commente Marie Defrance : 10% de ceux présents sur le marché fonctionnent avec une énergie alternative (dont 6,9% électriques). Toutefois, en 2024, le niveau d'immatriculation de la version électrique de ces véhicules a diminué de 4,2% pour atteindre 26 238 unités, après le pic de 2023 ( 27 386, soit + 68,8%) qui était lié à un bonus. Le segment des poids lourds présente une part similaire de véhicules fonctionnant avec une énergie alternative (10,4%), mais l'électrique n'y représente que 1,4%. Le marché de poids lourds électriques alimentés par batterie a atteint 653 immatriculations en 2024 (+ 18,9%). Selon la CSIAM ce ralentissement de la dynamique tient essentiellement au retard de la publication du dispositif d'aides pour les PME. La transition énergétique du segment des véhicules utilitaires est plus avancée : 27% de ceux présents sur le marché fonctionnent avec une énergie alternative, dont 18,5% en électrique.

Côté transport de passagers, les bus sont champions de la transition énergétique grâce aux efforts des collectivités qui investissent dans des flottes électriques ; en 2024, ces dernières représentent 35,5% du parc. En revanche, 86,6% des cars roulent au gazole, contre 80,8% en 2022 ! A ces chiffres de marché, la CSIAM a ajouté ceux des appels à projet de l'Ademe, qui soutient le déploiement de la mobilité électrique pour les véhicules lourds dans le transport routier de marchandises ou voyageurs. En 2024, l’Agence de la transition écologique a contribué à financer l'achat de 2 162 poids lourds électriques, dans le cadre du programme CEE E-Trans.

2025, « un nouveau cap » ?

« 2025 sera une année clé » en matière de transition énergétique, a commenté Marie Defrance. A la base, le secteur des transports, très fortement émetteur de gaz à effet de serre, est soumis à des contraintes fortes, dans le cadre des objectifs européens et hexagonaux de décarbonation. En 2025, les constructeurs devront réduire de 15% les émissions moyennes de CO2 de leur flotte de véhicules lourds par rapport à 2019, exige le règlement européen sur les émissions de CO2. Tout un écosystème doit évoluer. Côté clients, « le 1% des entreprises qui possèdent une flotte de plus de 100 véhicules ont déjà commencé à décarboner, en raison de leur politique RSE et de communication », note Marie Defrance.


Toutefois, la plupart des acheteurs de la CSIAM sont de petites sociétés : 85% d'entre elles possèdent moins de 10 véhicules. Pour ces PME, la transition énergétique s'avère complexe, d'autant que les faibles marges du secteur rendent difficiles les investissements nécessaires (achat de véhicules et mise en place de l'éventuelle infrastructure nécessaire). Pour toutes ces raisons, le marché ne saurait décoller – ni les objectifs de décarbonation être atteints – sans un soutien public, selon la CSIAM. « Les aides publiques ont un intérêt car nous sommes au démarrage d'un processus industriel. La quantité de véhicules produits est encore faible, et donc, le coût de production est assez élevé (…). La logique de l'aide publique est d'aider les transporteurs, jusqu'au moment où le coût de production deviendra compatible avec celui d'exploitation », plaide Jean-Yves Kerbrat, directeur général chez MAN Truck & Bus France En 2025, un nouveau dispositif se substitue à ceux de l'Ademe. Le mécanisme de CEE, Certificat d'économie d'énergie, financé par les énergéticiens, permet aux transporteurs de bénéficier de subventions à l'achat d'un véhicule électrique neuf. Il devrait aider ces professionnels à « passer un nouveau cap », selon Jean-Yves Kerbrat.