Les Tissages de la Lys-Manufacture Jules Pansu

Depuis 1878, les Tissages de la Lys créés par le tisserand Jules Pansu fabriquent des tapisseries murales et des textile

Les machines à tapisseries sont capables de recevoir 10 000 fils qui travaillent de manière indépendante, sur des largeurs qui peuvent aller jusqu’à 7 mètres.
Les machines à tapisseries sont capables de recevoir 10 000 fils qui travaillent de manière indépendante, sur des largeurs qui peuvent aller jusqu’à 7 mètres.
D.R.

Les reproductions de tapisseries médiévales (ici Le Tournoi de Camelot, XVe siècle, en points de Loiselles) sont les best-sellers de Jules Pansu®.

Fin XIXe : après avoir passé de longues heures sur les routes de France à vendre des textiles, Jules Pansu décide de créer sa propre société. Pour ce fils de tisserand, ce sera la tapisserie bien sûr. Installant son siège à Paris, rue du Faubourg-Poissonnière, il met le cap en Flandre, où s’épanouit l’art du tissage depuis le Moyen Age, pour y acheter une manufacture à Halluin. Les Tissages de la Lys sont nés. Jules Pansu y fait fabriquer ses premiers textiles et tapisseries murales à son nom (marque Jules Pansu), en conjuguant déjà tradition et haut de gamme. Un héritage que les générations suivantes vont perpétuer, avec des tapisseries très classiques  (reproductions de célèbres tapisseries du XVe au XIXe siècle, comme les “verdures” ou celles de La Dame à la licorne), et des reproductions de monuments célèbres sur coussins. «Il faut trois mois de travail pour enfin tisser le premier fil d’une tapisserie, puis six mois à un an pour la terminer, surtout les grands formats», explique Jean-Marc Viennot, directeur général de la société depuis 2010. Aujourd’hui encore, la verdure Chantilly (2,80 x 4 m pour le grand format) reste toujours la meilleure vente, même à plus de 1 000 euros la pièce. Il est même possible de la présenter retournée à l’envers : il n’y a aucun fil flotté. C’est le gage de la qualité pour les Tissages de la Lys.

Rebondir après la crise de 2008.

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La modernité passe par le noir et blanc !

Les années 2000 marquent un tournant, avec «une chute d’intérêt importante pour les produits de tapisserie», raconte Jean-Marc Viennot, directeur général des Tissages de la Lys-Manufacture Jules Pansu depuis 2010. Une distribution des produits dans les boutiques de musées et de châteaux permet de sauver la mise, surtout auprès des touristes américains et chinois, très amateurs des reproductions classiques. Mais pas pour longtemps. La crise de 2008 n’épargne pas l’entreprise. «Le renouvellement était devenu indispensable», assure le dirigeant. Il le met lui-même en place selon trois axes : la créativité, avec l’embauche de quatre nouvelles personnes, dont deux Meilleurs Ouvriers de France (le  directeur artistique et le responsable de production), pour «ouvrir la palette, développer la décoration, dénicher les tendances et savoir les mettre en application technique» ; l’exportation, avec le démarchage de nouveaux pays ; la réorganisation commerciale, avec une mise en avant de l’usine et de son savoir-faire ancestral haut de gamme, et le développement de nouveaux produits. «Il fallait rebondir sur un marché tendu et redonner une lisibilité à nos produits en nous démarquant des autres, en jouant sur l’originalité de nos produits», justifie Jean-Marc Viennot.

Une stratégie gagnante. Les résultats lui donnent rapidement raison. A l’exportation, le chiffre d’affaires qui représentait 22% passe à 50% en deux ans, grâce à un développement dans 35 pays. «Nous avons un distributeur au Brésil depuis novembre 2011, un nouvel agent pour les Etats-Unis. Et nous sommes en train de structurer notre filière de distribution pour la Corée et les pays du Moyen-Orient .»
La mise en avant du travail de la manufacture et de ses métiers (tisserands, ourdisseurs, noueurs, piquriers) se fait au travers d’une communication entièrement revue, au plus près du savoir-faire spécifique et unique d’un artisanat que l’on peut qualifier d’art à juste titre, parce qu’il allie tradition, esprit créatif et progrès technologique. Une nouvelle machine Jacquard et des accessoires pour travailler de nouvelles matières sont d’ailleurs venus renforcer l’outil de fabrication constitué déjà de 12 machines. «Ces machines sont très onéreuses, mais c’est un investissement indispensable qui n’est jamais fait par les marchands de masse market chinois, par exemple», explique le directeur général.

Le succès avec Picasso. Quant au développement de nouveaux produits, il est passé par…  la peinture de Picasso. Les négociations avec la famille du célèbre peintre pour reproduire certains tableaux sur des textiles de décoration (coussins, maroquinerie et tapisseries) auront duré cinq ans. Si la mise au point aura demandé cinq à six prototypes chacun et des mois d’élaboration technique, le résultat est «bluffant», aux dires de Christine Pinault, responsable des autorisations pour Picasso administration, «d’autant plus que parmi les toiles retenues, certaines étaient extrêmement difficiles à réaliser». Les professionnels de la décoration lui donneront raison en décernant à l’entreprise Jules Pansu le Best Look Award 2012 au salon Interior Life Style de Shanghai en octobre 2011. Une consécration. Les produits sont distribués en exclusivité chez Conran Shop dans le  monde entier (avec une version spécifique), dans la boutique parisienne de la rue Bonaparte et dans les boutiques de musées. Cette collaboration en a suscité d’autres, puisque les pourparlers sont en cours avec la Fondation Monet, celle de Miro et d’autres peintres encore.

Une créativité permanente.

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S’il faut trois jours pour tisser un coussin, il faut entre six à douze mois pour réaliser une tapisserie complète avec les finitions parfaites, caractéristiques du haut de gamme.

Si les dessins de Picasso font le lien entre le classique et le moderne, c’est pour mieux ouvrir la voie à des jeunes créateurs contemporains, capables de «dépoussiérer» la tapisserie, aux dires du dirigeant. Dernières créations : les verdures médiévales sont tissées… en noir et blanc. L’effet est spectaculaire, très original et plaît beaucoup aux jeunes. De quoi faire rentrer à nouveau la tapisserie dans les intérieurs contemporains, espère Jean-Marc Viennot.

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Les machines à tapisserie sont capables de recevoir 10 000 fils qui travaillent de manière indépendante, sur des largeurs qui peuvent aller jusqu’à 7 mètres.

Elle peut aussi y rentrer à travers une gamme très large de produits déco comme les coussins, la maroquinerie, des jetés de lit et des plaids. Ils déclinent tous les thèmes déjà travaillés en tapisserie, mais leurs petits formats ouvrent aussi la porte à plus d’originalités techniques : des nouveaux fils font leur apparition (métallique, plastique, ou autres) pour donner du relief au coussin. Les têtes de chats angoras sont tissées avec des fils angora, par exemple. «Nous travaillons avec Certesens, le Centre d’études et de recherche sur les technologies du sensoriel, et sa matériauthèque, à Tours, sur la dimension sensorielle de nos produits. Il s’agit d’aller au-delà de la vue. Avec la maroquinerie et les coussins, nous pouvons stimuler le toucher», explique le directeur général. Là aussi, le résultat est surprenant et sensoriellement très intéressant.
On se prend à rêver : à quand les coussins aux motifs floraux qui émettent des parfums ? Ou ces autres évoquant des songes aquatiques qui changent de couleurs et irisent des bleus et des verts ? Les dernières trouvailles des textiles techniques en matière de sens ont toute leur place ici aussi, dans la décoration d’intérieur. La récente ouverture du Ceti pourrait y contribuer.
La filière textile n’a pas fini de nous faire rêver.