Les secouristes en santé mentale, nouvelle force en entreprise
Après l'activité physique et sportive en 2024, la santé mentale sera la Grande cause nationale en 2025. En entreprise aussi, la santé mentale des salariés est devenue une priorité. Alors que les cas de burn-out, de stress chronique et d’anxiété au travail se multiplient, une nouvelle figure fait son apparition dans les bureaux : celle du secouriste en santé mentale.
Identifier et orienter les salariés en souffrance vers des ressources adaptées avant que les situations de crise ne s’aggravent. Voilà l’objectif des secouristes en santé mentale. Inspirée des premiers secours physiques, ces collaborateurs sont formés pour repérer les signes de détresse psychologique et offrir un premier soutien aux collègues en difficulté.
Leur démarche vise à apprendre à reconnaître les signaux d’alerte liés aux troubles mentaux, qu’il s’agisse d’anxiété, de dépression, de burn-out, ou même de pensées suicidaires, jusqu’aux troubles psychotiques (bipolarité, schizophrénie, etc.), en passant par les problèmes d’addiction (alcool, drogue, médicaments, etc.). Ils apprennent également à réagir avec empathie, à utiliser « les bons mots » et à accompagner et diriger la personne vers les professionnels internes ou externes de soutien, comme des psychologues, des ressources humaines ou des services d’assistance. Ces collaborateurs volontaires apportent une réponse humaine et préventive aux enjeux de bien-être mental en entreprise.
Soutien immédiat
Ces secouristes reçoivent une formation spécifique de deux jours qui leur permet de devenir des premiers répondants en cas de difficulté psychologique. Ce parcours s’inspire du modèle anglo-saxon « Mental Health First Aid », développé en Australie, pour former des non-spécialistes aux gestes de premiers secours psychologiques. Une méthode qui peut se résumer sous l’acronyme AÉRER, pour « Approcher, Écouter, Réconforter, Encourager et Renseigner ». Le programme, dispensé par des organismes spécialisés et accrédités, comme Premiers Secours en Santé Mentale France (PSSM France), inclut des modules sur les troubles mentaux courants, les techniques d’écoute active et sans jugement, la gestion des crises et les ressources vers lesquelles orienter ces personnes en souffrance.
En France, 114 000 personnes se sont formées au début de 2024 dans les associations, les collectivités ou dans le monde économique. Leur nombre a été multiplié par dix en seulement deux ans. Ce chiffre marque une hausse significative depuis les premiers objectifs posés en 2021 lors des « Assises de la santé mentale », qui visaient initialement 60 000 secouristes en 2024, qui ont été atteints bien avant l'échéance. Axa, Pernod Ricard, BNP Paribas, la Maison Ladurée, la CPAM, le ministère de l’Intérieur, la Ville de Nantes font partie des premiers acteurs à avoir formé des équipes en interne. Objectif fixé par PSSM France : former 750 000 secouristes en santé mentale d’ici 2030.
Et réduction des coûts
Avec la mise en place de ces secouristes en santé mentale, les entreprises espèrent répondre à la demande croissante des salariés pour des environnements de travail plus humains et respectueux de leur bien-être psychologique. Pour elles, investir dans la formation de tels secouristes est une manière concrète d’améliorer la prévention en matière de santé et de montrer leur engagement envers le bien-être des collaborateurs. Les troubles psychologiques constituant la première cause d’arrêts de travail de longue durée, selon une étude de Deloitte, chaque euro investi dans la prévention de la santé mentale au travail peut générer un retour de trois à quatre euros, grâce à la réduction des coûts liés à l’absentéisme, au turnover et aux arrêts maladie.
Pour les salariés, le bénéfice est immédiat : ils ont à leur disposition des collègues de confiance vers lesquels se tourner en cas de difficultés. Ce soutien, même informel, peut faire une différence cruciale pour une personne en situation de stress ou de détresse. Au-delà de la prévention, l’intervention des secouristes permet de briser le tabou encore tenace autour de la santé mentale en entreprise. Les salariés hésitent souvent à aborder leurs problèmes par peur d’être stigmatisés ou jugés. En favorisant une culture de bienveillance, la présence de secouristes contribue à une atmosphère de travail plus ouverte et sécurisante.
Le modèle, encore émergent en France, pourrait bien s’imposer comme un levier indispensable pour prévenir les crises et promouvoir une culture d’entreprise fondée sur l’écoute et le respect. Néanmoins, les entreprises ont intérêt à veiller à valoriser ces secouristes et à leur offrir un suivi régulier pour éviter l'épuisement émotionnel lié à leur rôle.
La moitié des salariés en détresse psychologique
Cette initiative prend place dans un contexte où la santé mentale au travail est de plus en plus scrutée. Selon une enquête menée par l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact), près de 50 % des salariés français disent avoir ressenti une forme de détresse psychologique au cours de leur carrière. Au global, un Français sur cinq serait touché par un trouble psychique chaque année, soit 13 millions de personnes, selon l’observatoire Place de la Santé de la Mutualité Française.