«Les réseaux de demain doivent décloisonner»

Observateur, chercheur et acteur du monde de l’entreprise, Christophe Schmitt possède une approche de l’univers entrepreneurial et de ses évolutions qui peut être jugée atypique par certains. La notion de réseau, qui s’affiche aujourd’hui comme un véritable champ d’études et de recherche universitaire, n’échappe pas à la règle.

«Aujourd’hui, on parle beaucoup plus de communauté que de réseau et l’évolution sociétale tend à cela», souligne Christophe Schmitt.
«Aujourd’hui, on parle beaucoup plus de communauté que de réseau et l’évolution sociétale tend à cela», souligne Christophe Schmitt.

La Gazette : On remarque aujourd’hui une multiplication du nombre de réseaux, et notamment des réseaux d’affaires. Comment expliquez-vous cet engouement pour ces typologies de structures ?
Christophe Schmitt :
Il existe une véritable mode des réseaux. Et certains, en termes de valeurs et d’ADN, ne sont pas vraiment très clairs, sans parler de la question, tout de même cruciale, de leur mode de financement. Le réseau est pour beaucoup un moyen de communiquer, voire même d’exister. Dis-moi à quel réseau tu appartiens, je te dirai qui tu es ! On est un peu dans cette logique où l’appartenance à une communauté devient de plus en plus nécessaire, voire même indispensable. Il n’en demeure pas moins que dans un certain nombre de cas, il y a beaucoup plus de papillonnage qu’autre chose.

«Dis-moi à quel réseau tu appartiens, je te dirai qui tu es !»

À l’image des  réseaux sociaux ?

Les réseaux sociaux sont l’une des raisons du besoin actuel des réseaux disons physiques : les chefs d’entreprise ont besoin de se retrouver, d’avoir du contact humain et se sentir dans une logique d’appartenance. Rompre l’isolement est indispensable, mais il faut bien être conscient que l’on peut être isolé tout en appartenant à un groupe. L’appartenance entraîne la notion de propriété et d’être redevable au réseau : le réseau fait quelque chose pour moi, je dois faire quelque chose pour le réseau. Certains pilotes de réseau doivent se poser la question de comment on peut continuer à donner de la liberté aux gens dans le réseau pour tout simplement qu’ils y restent sans être dans une logique d’appartenance à tout prix.

D’où vient réellement cette notion de réseau comme on l’entend aujourd’hui dans le milieu des affaires ?

C’est très anglo-saxon. Au Québec, par exemple, on utilise couramment l’expression «se réseauter», mais avec une approche différente de chez nous. En France, nous avons une certaine réticence à aller vers l’autre et on peut le remarquer dans les différentes réunions : les gens vont discuter avec ceux qu’ils connaissent. Le contact, le fait d’aller vers l’autre, il faut le déclencher. Le réseau ne peut être qu’intéressant que si on dépasse cet entre-soi.

Qu’est-ce qu’un bon réseau ?

Il n’y a pas de bons ou de mauvais réseaux, il y a juste des gens qui le composent et ce que vous y recherchez réellement. Il existe aujourd’hui tellement de réseaux que les chefs d’entreprise doivent se poser la question principale de leur finalité. Les valeurs sont naturellement importantes et chaque personne a les siennes propres. Beaucoup pensent qu’être dans un réseau peut résoudre tous leurs problèmes. C’est prêter des intentions au réseau qu’il n’est pas capable d’avoir. Un réseau, c’est avant tout ce qu’on en fait. Pour recevoir, il faut savoir donner.

Le réseau de demain, vers quoi doit-il s’orienter ?

C’est celui qui arrivera réellement à décloisonner. L’entre-soi, trop souvent perceptible dans certaines structures, cloisonne. Le réseau se doit d’unir, de s’ouvrir, de favoriser l’entraide, de regrouper autour des valeurs, de répondre à des thématiques communes et de capitaliser sur les expériences. Le but principal du réseau, à mes yeux, est de rassembler ce qui est épars. Aujourd’hui, on parle beaucoup plus de communauté que de réseau, et l’évolution sociétale tend à cela.

Propos recueillis par Emmanuel VARRIER

 

«Dis-moi à quel réseau tu appartiens, je te dirai qui tu es !»

 

Un réseau universitaire

Christophe Schmitt, vice-président en charge de l’entrepreneuriat et l’incubation à l’Université de Lorraine, a été élu fin septembre président du réseau national des vice-présidents «Entrepreneuriat, incubation et partenariats socio-économiques». Ce réseau a pour ambition de permettre aux vice-présidents d’université concernés de partager leur expérience et leurs pratiques, de réfléchir ensemble aux grands enjeux en matière d’entrepreneuriat, tels que définis par leurs établissements, et d’être un levain de propositions auprès de la Conférence des présidents d’université (CPU). Une quarantaine d’universités font déjà partie du réseau.