Les patrons de PME-TPE inquiets pour 2016

Malgré un rebond de la croissance de +1,1% en 2015, la 61e édition du Baromètre des TPE réalisée par l’Ifop pour Fiducial dresse un bilan alarmant de l’année passée, avec un effondrement de la création d’emplois sur le dernier trimestre. Sur fond de relance de l’emploi avec le projet de loi El Khomri, l’année 2016 s’annonce délicate pour les petits patrons. 

Un sondage Opinion Way effectué pour CCI France révèle l’inquiétude des chefs d’entreprise sur les perspectives de leur entreprise au cours des prochains mois, avec seulement 52% d’avis positifs, le plus bas historique enregistré par cette enquête réalisée auprès de 600 dirigeants de TPE-PME en février. Les patrons ont des raisons d’être pessimistes avec des indicateurs économiques qui ont replongé sur le quatrième trimestre 2015.
L’effondrement de l’emploi. “En synthèse, sur l’année 2015, les TPE ont détruit des emplois”, annonce Jean-Marc Jaumouillé, directeur des techniques professionnelles de Fiducial, commentant le dernier baromètre IfopFiducial, réalisé auprès de 1 000 entreprises de moins de 20 salariés (hors micro-entrepreneurs) et publié fin février. Cette destruction des emplois s’est accentuée sur les derniers mois de l’année dernière, avec une création nette d’emplois qui tombe à 3,5 sur la période d’octobre à décembre. Il s’agit du second plus mauvais score, derrière le quatrième trimestre de l’année 2012, en quinze ans, note Fiducial. Cette conjoncture désastreuse touche en particulier trois secteurs de l’économie à commencer par l’hôtellerie et l’industrie (-7 pour chacun), ainsi que les services aux particuliers (-6). En revanche le secteur du commerce constate une légère embellie (+2). Les hypothèses d’amélioration sur cette année ne sont pas réjouissantes à la vue de la situation financière des TPE. En effet, “32% des patrons jugent leur situation financière préoccupante et 22% des trésoreries sont dans le rouge”, révèle le Baromètre des TPE. La moitié des chefs d’entreprise n’ont pas de visibilité sur l’évolution de leur activité et près d’un cinquième envisagent une chute de leur chiffre d’affaires.

La bataille pour l’emploi. Dans ce contexte de morosité, il est difficile d’imaginer un retournement de l’emploi. Pourtant, le président de la République, François Hollande, a présenté en janvier un ambitieux plan de plus de deux milliards d’euros, destiné à soutenir l’emploi, avec, à la clé, la réforme du Code du travail. Cette dernière, prévue par la loi El Khomri, a provoqué de vives réactions auprès des salariés qui y voient un délitement des acquis sociaux, comme le plafonnement des indemnités prud’homales, contraignant le gouvernement à lâcher du lest. Du côté des chefs d’entreprise, les avis sont contrastés et ils ne semblent pas convaincus de l’efficacité des mesures annoncées pour infléchir la courbe du chômage. Seuls le développement et la valorisation de l’apprentissage, ainsi que la transformation du CICE, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, en baisse de cotisations trouvent grâce aux yeux des patrons de TPE (respectivement 62 et 54% d’avis favorables). Pire, d’après CCI France, 60% des dirigeants de TPE et PME envisagent de ne pas recourir au dispositif phare “Embauche PME”, avec son aide pouvant
monter à 4 000 euros sur deux ans. Les entrepreneurs mettent en avant le manque de visibilité et un carnet de commandes insuffisant pour embaucher un nouveau salarié. Autre sujet préoccupant, au-delà d’un climat d’affaires peu enthousiasmant, la révolution numérique, qui offre des débouchés importants en termes d’activité et donc d’emplois, ne semble toujours pas être prise en considération par une majorité de chefs d’entreprise. “Deux tiers des chefs d’entreprise estiment que la nouvelle économie n’est pas d’actualité”, remarque CCI France. Seulement 17% des entrepreneurs déclarent que ces nouveaux modèles économiques ont, ou auront, des conséquences sur leur propre activité. Une autre étude de la Banque Palatine (groupe BPCE) confirme l’inquiétude des dirigeants de TPE-PME. Outre les incertitudes pesant sur la croissance mondiale, sont avancées les hésitations de l’exécutif sur l’évolution jugée nécessaire du Code du travail…

 Alban LE MEUR