Les outils de protection du dirigeant face aux risques familiaux

Tous les dirigeants ont encore dix ou vingt ans d’activité avant de partir en retraite, voire toute la vie devant eux pour développer leur entreprise. Sauf… accident ! Si tous les dirigeants n’envisagent pas un projet de cession à court ou à moyen terme, ils doivent analyser les risques qui pèsent sur leur personne et les conséquences prévisibles pour leur société.

© NDABCREATIVITY
© NDABCREATIVITY

Gouverner, c’est prévoir

Inévitablement, le dirigeant d’entreprise doit intégrer à sa réflexion la période où il ne sera plus là, par suite de son décès ; ou plus tout à fait présent, parce qu’il n’est plus tout à fait capable. Gouverner, c’est anticiper les risques pour son entreprise et ses salariés et prévoir les conséquences d’un accident.

Protéger, c’est savoir

Au-delà du risque accidentel, le dirigeant devra également protéger sa famille des atteintes de ses créanciers mais également protéger l’entreprise des atteintes de ses proches. Protéger, c’est s’informer des conséquences du choix de son régime matrimonial et structurer son entreprise pour sécuriser son patrimoine.
Trois risques familiaux majeurs pèsent sur la société et ses dirigeants : le divorce, le décès, l'incapacité.
Afin de pallier aux risques de vulnérabilité, le notaire peut avec l’aide du dirigeant mettre en place «le package du dirigeant», sorte de vademecum indispensable à tout dirigeant, destiné à lui garantir les différents outils juridiques et fiscaux assurant la pérennité de son entreprise en cas de «force majeure».

Le divorce

Le choix du régime matrimonial et de ses modalités (ex : clause de reprise des apports en communauté, définition des biens restant ou non dans la société d’acquêts, exclusion des biens professionnels de la créance de participation) sont des éléments essentiels à adapter à la situation personnelle et aux objectifs du dirigeant pour lui permettre de conserver, même en cas de divorce, la propriété de ses titres sociaux à l’occasion de la liquidation de son régime matrimonial
Le dirigeant marié sous le régime communautaire doit s’inquiéter de l’attribution de l’entreprise en cas d’un éventuel partage.

Le décès

Le plus souvent, le décès accidentel du dirigeant d’une PME entraîne simultanément : la disparation de «l’homme clé» et la perte du contrôle majoritaire transmis indivisément entre plusieurs héritiers.

Un homme averti en vaut deux
Le mandat à effet posthume permet de donner à une ou plusieurs personnes de confiance, le pouvoir de gérer tout ou partie des biens successoraux pour le compte de ses héritiers. Il doit être justifié par un intérêt sérieux et légitime au regard de la personne de l’héritier ou du patrimoine successoral à gérer, précisément motivé. Sa durée maximum est de deux années à compter du décès ou par exception cinq ans en raison de l’inaptitude, l’âge de l’héritier ou la nécessité de gérer des biens professionnels. Le choix du mandataire et la détermination de l’étendue de ses pouvoirs sont primordiaux.

L'incapacité : AVC, malaise cardiaque, accident automobile

L’incapacité qui frappe le dirigeant impose en général de le remplacer comme mandataire social, et de déclencher un mécanisme de représentation organisée (curatelle ou tutelle) pour permettre l’exercice de ses droits d’associé. Ceci peut engendrer la paralysie plus ou moins longue de son patrimoine et menace directement la pérennité de l’entreprise.

Prévenir plutôt que guérir 
Même lorsque le chef d’entreprise dispose du temps nécessaire pour préparer le passage de témoin, la transition peut se révéler délicate. Alors, quand un accident survient et entraîne une indisponibilité prolongée du dirigeant, les conséquences pour l’entreprise peuvent être autrement plus problématiques.

Le mandat de protection future permet au chef d’entreprise de désigner, pour le jour où il ne pourrait plus pourvoir seul à ses intérêts en raison d’une altération soit de ses facultés mentales, soit de ses facultés corporelles, un ou plusieurs mandataires chargés de la protection de sa personne et de l’administration de ses biens.
Le recours au mandat à effet posthume n’est toutefois pas suffisant et doit être complété par une adaptation des statuts de la société portant sur :

- L’aménagement des pouvoirs en assemblée, notamment par une modification des règles de quorum ou de majorité et l’institution d’un droit de véto au profit du mandataire.

- L’aménagement des clauses d’agrément.

- Il est aussi possible d’aménager les statuts et de prévoir conventionnellement la dévolution de la direction de la société. (ex : co-gérance en SARL, présidence successive …).

Le chef d’entreprise est prévenu : avec le package du dirigeant, les trois risques majeurs du chef d'entreprise seront anticipés. Le contrat de mariage, le mandat à effet posthume et le mandat de protection future constituent les trois axes de prévention de la vulnérabilité du dirigeant. Le dirigeant choisira ainsi de préserver, après son «départ» ou sa «sortie», les intérêts de ses héritiers et la pérennité de son entreprise. Se poser la question, c’est déjà amorcer la solution.

Maître Emmanuel DERAMECOURT
Délégué régional de l’Institut notarial de l’Entreprise et des Sociétés (INES)
Chambre interdépartementale des notaires du Nord - Pas de Calais