Les notaires rassurés par François Fillon
Réunis pour leur 107e congrès à Cannes, les notaires ont reçu le soutien exceptionnel du Premier ministre, après l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne qui a annulé la condition de nationalité française pour l’accès à la profession. François Fillon s’est également voulu rassurant sur la défense de l’acte authentique.
Toujours très nombreux au rendezvous annuel de la profession, 3 600 notaires se sont réunis en congrès à Cannes, du 5 au 8 juin, pour travailler sur “le financement” de projets. Un thème transversal qui leur permet de formuler des propositions de réforme respectueuses de la solidarité familiale, l’égalité entre les enfants, la maîtrise des risques et l’information du client. Fait exceptionnel, les notaires ont été gratifiés de la visite du Premier ministre en personne, aux côtés de Michel Mercier, leur ministre de tutelle. “C’est une première, s’est félicité Benoît Renaud, président du Conseil supérieur du notariat (CSN), et au-delà de sa présence physique, son message était important.” Apparemment, à la hauteur des espérances des instances et de la salle (comble) qui l’a chaleureusement accueilli et plus encore salué à l’issue de son discours. Commencée sur un ton très personnel par l’évocation de son père notaire, l’allocution s’est conclue en forme d’ouverture de campagne présidentielle. Entre-temps, le Premier ministre a adressé aux notaires des déclarations positives.
Sur l’actualité de la profession tout d’abord : la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), dans un arrêt du 24 mai dernier1, a jugé que les Etats membres ne peuvent réserver à leurs nationaux l’accès à la profession de notaire . Si la Cour de Luxembourg ne remet pas en question les autres conditions d’accès à la profession, et notamment le parcours de formation, elle a affirmé que les activités relevant de la profession de notaire, même si elles poursuivent un des objectifs d’intérêt général, ne participent pas à l’exercice de l’autorité publique.
Préserver l’organisation de la profession. Le Premier ministre a tenté d’apaiser les craintes suscitées par cette décision. “Il ne faut pas se laisser impressionner par une lecture hasardeuse et prématurée de cet arrêt”, a-t-il précisé, rejoignant l’interprétation qu’en a donnée la président du CSN. Et d’affirmer que “la CJUE a de la notion d’autorité publique une interprétation particulière, restrictive, qui ne remet pas en cause le statut d’officier public et ministériel qui est le vôtre dans notre droit”. Enfin, “nous utiliserons toutes les armes que cet arrêt nous donne pour préserver notre organisation notariale”. Sur ce point, le président du CSN est clair : rien ne change au mode d’accès à la profession, et notamment à sa formation. “L’impérieuse nécessité de compétence continuera d’être exigée. Ces obligations sont intangibles.” Au contraire, l’ouverture aux ressortissants de l’Union européenne lui semble naturelle et il imagine aisément que “dans dix ans, les études parisiennes auront toutes un associé étranger”.
Le Premier ministre était aussi attendu sur la question de l’acte contresigné d’avocat. Sur proposition de la commission Darrois, la loi de modernisation des professions juridiques et judiciaires du 28 mars 2011 a créé une nouvelle catégorie d’acte, entre l’acte sous seing privé et l’acte authentique – “l’acte d’avocat” –, sorte de certification d’un contrat par les avocats. Les notaires y voient une menace de leur pré carré et ont vivement réagi à certaines déclarations du Conseil national des barreaux (CNB), au point de faire dire à Benoît Renaud que “si le président du CNB a pu citer, en nous évoquant, l’opéra La Chauvesouris, je l’enverrais volontiers revoir Casse-noisette”. Ex-avocat et lui-même fils de notaire, François Fillon a affiché une position consensuelle. Si le nouvel acte vient reconnaître les nouvelles responsabilités qu’il était juste de reconnaître aux avocats, il faut aussi y voir “la confiance renouvelée du législateur envers ceux qui sont les dépositaires de l’authentification et singulièrement les notaires”. Mais le Premier ministre a mis en garde les avocats contre tout risque d’amalgame : l’acte d’avocat “n’a jamais été destiné à se substituer à l’acte authentique et aucune confusion ne saurait s’établir entre les deux, il ne se situe pas au même degré que l’authentification”. L’acte authentique conserve sa place dans la hiérarchie des actes en matière de force exécutoire et de force probante. Rassuré, le président du CSN y a vu la réaffirmation de l’authenticité, “avec une clarté qu’on n’espérait pas !”.
Dématérialisation en marche. Le point sur l’évolution des chantiers de la profession était aussi au menu. Authenticité toujours avec le déploiement de l’acte authentique sur support électronique auprès de 300 offices notariaux pilotes, en janvier prochain, couplé avec la visioconférence pour une exploitation maximale de la dématérialisation. Quant au projet Télé@cte, il est sur le point d’être opérationnel dans 95% des offices et pour 75% des actes télépubliés.
Enfin, le CSN, qui oeuvre à mieux faire connaître la profession auprès du public, compte s’inviter dans le débat des élections présidentielles. Il dévoilera, fin juin, ses 20 propositions de réforme aux candidats. Y figureront la création d’une créance d’assistance pour prendre en considération le dévouement des enfants pour les parents âgés, la réforme des plus-values professionnelles ou encore la création d’un code de l’eau.