Les maires promettent un dialogue serré après les élections
Statut de l'élu local, écologie, fiscalité, plastique… Les relations entre les maires, qui terminent leur mandat, et le gouvernement continuent d'être complexes, a montré le récent congrès de l'Association des maires de France (AMF).
Il est des instants où la politique s’impose. Ce 21 novembre, à Paris, en clôture du 102ème congrès des maires et présidents d’intercommunalité de France, l’émotion était palpable. Les élus, debout, ont réservé leurs applaudissement les plus nourris à l’intervention d’Alain Reichardt, maire de Signes (Var, 2 700 habitants), venu rendre hommage à son prédécesseur, Jean-Mathieu Michel, décédé le 5 août dernier, renversé par un fourgon qu’il voulait empêcher de décharger des gravats en bord de route. «L’émotion ne se délègue pas», a précisé Alain Reichardt, en introduction à son discours très direct qui tranchait avec, ceux, ciselés à la virgule près, des responsables politiques rompus aux pratiques institutionnelles. A côté de lui, sur la scène : André Laignel, premier vice-président délégué de l’AMF, François Baroin, président de l’AMF et Edouard Philippe, Premier ministre. La présence d’Alain Reichardt rappelait l’urgence du sujet de la sécurité des élus, et, plus largement, celui des conditions d’exercice de leur fonction, qui a été largement abordé par les autres.
Un premier sujet de discorde pour ce congrès pourtant placé sous le signe de la réconciliation, avec la venue d’Emmanuel Macron, lors de l’ouverture. En toile de fond, la loi «Engagement et Proximité», en train d’être adoptée par l’Assemblée nationale, était destinée à faciliter la vie des élus locaux. Mais la commission des lois de l’Assemblée nationale est revenue sur les textes des sénateurs, en particulier, sur le nombre de compétences obligatoires revenant aux intercommunalités, – dont l’eau et l’assainissement, et le rôle qu’y jouent les maires. François Baroin a déclaré regretter que l’Assemblée Nationale ait «altéré» le travail du Sénat (qui a repris 80% des propositions de l’association). Édouard Philippe, lui, a assuré avoir entendu «le besoin de sens et le besoin de reconnaissance» des maires et proposé d’aborder la question des conditions d’exercice de mandat de maire lors de la prochaine réunion de la Conférence des Territoires.
«Le vrai enjeu pour le plastique réside dans sa disparition»
Au-delà de la loi Engagement et proximité, les sujets de discorde évoqués ont été nombreux, de la gouvernance territoriale à l’écologie, en passant par les questions budgétaires. André Laignel a dressé un tableau sombre : une «transformation profonde de nos territoires par des réformes souvent mal perçues et mal conçues», «le resserrement des tutelles», «une restriction continue de nos moyens ». Très concrètement, plusieurs sujets focalisent le mécontentement de l’AMF. Tout d’abord, sur le plan financier, «nous sommes opposés à la suppression de la taxe d’habitation», a tenu à réitérer l’élu. Et dans ce cadre, concernant le mode de compensation, «nous considérons que le dispositif n’assure aucune garantie», a ajouté André Laignel, regrettant que la proposition d’un dégrèvement, qui aurait assuré la transparence de la compensation, n’ait pas été prise en considération par le gouvernement. Sur le plan financier, l’AMF revendique l’inscription dans la Constitution de l’autonomie financière et fiscale des collectivités. Autre sujet, qui fâche, celui de l’environnement. Là, la pomme de discorde principale réside dans la consigne pour les bouteilles en plastique, prévue par le projet de loi sur l’Economie circulaire, alors que les collectivités locales ont largement investi dans des dispositifs de recyclage. «Oui à la consigne, mais pour le réemploi du verre. Le vrai enjeu pour le plastique réside dans sa disparition», a argumenté André Laignel.
Autre thème majeur, celui de l’organisation des relations des collectivités et de l’État. Après avoir été copieusement applaudi pour avoir déclaré : «nous nous opposons à l’injonction de supprimer 60 000 emplois», André Laignel a critiqué la «recentralisation» actuellement en cours, avec, notamment, l’imposition de contrats financiers par l’État. «Nous nous projetons vers l’avenir», a pour sa part déclaré François Baroin, promettant un dialogue serré sur tous ces sujets, dès le lendemain des municipales.
Un plaidoyer pour le «sur mesure» entre l’Etat et les collectivités
Le Premier ministre a assuré être à l’écoute des propositions de l’AMF. Pour le reste, il s’est surtout lancé dans un plaidoyer pour une relation «sur mesure» entre l’État et les collectivités. Édouard Philippe a ainsi cité en exemple des contrats signés avec les Ardennes, la Creuse, et la Nièvre, «élaborés avec des discussions profondes avec les élus locaux». Autre exemple cité par le Premier ministre, le contrat action publique Bretagne, signé en février dernier. «Nous avons prévu la possibilité de déroger aux règles de zonage de la politique de logement. On tente, on va voir (…) Le sur mesure, c’est déjà possible. J’espère que nous pourrons aller plus loin dans cette différenciation, sans remettre en cause l’unité de la République», a précisé Édouard Philippe. Lequel a également défendu le bilan du gouvernement en matière de la présence de l’État sur les territoires. En particulier, il a évoqué les 6 000 agents des services de l’État qui vont quitter Paris pour s’installer sur les territoires, ainsi que les 460 premiers espaces «France services» qui ouvriront en janvier prochain. Ces dispositifs sont conçus pour permettre aux citoyens qui habitent dans des territoires isolés de continuer à accéder à l’ensemble des services publics (Poste, Pole Emploi, CAF…).
Le Premier ministre a également répondu à quelques points précis soulevés par l’AMF. Par exemple, sur le sujet du recyclage du plastique, «le projet prévoit la possibilité de la consigne mais de l’oblige pas, cela ne se fera pas sans l’accord des élus», a précisé Édouard Philippe. Quant à la compétence «eau et assainissement», au sujet de laquelle François Baroin s’étonnait de voir une promesse présidentielle rester lettre morte, le Premier ministre a déclaré s’en remettre au Parlement…