Les Fromagers de Thiéracheperpétuent la tradition

Sur la route qui mène de Cambrai à Charleville- Mézières, la Thiérache fait la jonction entre les contreforts des Ardennes, le Cambrésis et le sud du Hainaut belge. Une région frontière où se perpétue une tradition culinaire devenue gastronomique : la fabrication du maroilles. A Nouvion-en-Thiérache, les fromagers ont survécu malgré les vicissitudes d’un marché mondialisé. Une visite aussi goûteuse… qu’odorante.

A cheval entre les départements du Nord et de l’Aisne, la Thiérache est le berceau du légendaire maroilles. “C’est une région humide à double titre, explique Dominique Dusquenoy, directeur adjoint du site des Fromagers de Thiérache : la terre est grasse et il y a beaucoup de précipitations.” La Thiérache a toujours fabriqué du lait et du fromage. Déjà, à la fin du XIXe siècle, les fromagers travaillent en coopérative ouvrière de production. Ils innovent avec le lait en poudre chocolatée… Dans les années soixante, l’usine produit du beurre subventionné par l’Etat. En 1979, l’usine est reprise par les Fromagers de Thiérache. La production du fromage “Belle des champs” occupe alors les salariés : “c’était une belle réussite avec 8 000 tonnes par an”, se souvient Dominique Dusquenoy. En 1989, l’entreprise reprend son confrère, l’ex-fromager Fauquiez, et rapatrie sa production à Nouvion : “leur site était complètement obsolète”, indique le directeur adjoint. Aujourd’hui, 200 personnes oeuvrent encore sur le site de Nouvion. Le marché est devenu très fragmenté et très concurrentiel. Sur le site du Nouvion- en-Thiérache, plusieurs bâtiments totalisent 49 000 m² et dans l’un d’eux, la chaîne de production produit des maroilles traditionnels.

“Ça se prépare comme un champ”. Quand il arrive sur le site, le lait (88 millions de tonnes annuelles collectées dans un environnement régional) est pasteurisé. “On le fait coaguler en incorporant de la présure, une enzyme qu’on trouve dans la panse des veaux. Ça caille et on le découpe. Se forme ensuite la séparation entre le fromage et le sérum qu’on peut revendre pour l’alimentation du bétail”, explique le dirigeant. Autre élément dans la fabrication, la mousse qui forme une eau arrivée à saturation de sel. “On y plonge le fromage. Quand vous salez le fromage, le rôle du sel est d’absorber l’eau. Ce faisant, on prépare la surface pour laisser pousser les moisissures”, détaille-t-il encore. Une climatisation régule l’hydrométrie et la température. Pendant la phase de levuration, on sent la mixture prendre corps et la levure faire son oeuvre. Peu à peu, la surface rougit. “Ça se prépare comme un champ”, rêve tout haut Dominique Dusquenoy. Quand la surface est prête, la coloration est orangée. “Il n’y a pas de colorant, on est AOC, rappelle le dirigeant. Un maroilles, c’est 35 jours. On le change de chambre selon l’hydrométrie, deux ou trois fois avec une baisse programmée de l’hydrométrie. Entretemps, on les brosse avec une machine, ça permet une bonne implantation du fer.” La production du site atteint 2 600 tonnes de maroilles par an. L’usine produit également de la crème de fromage fondu pour des industriels de l’agroalimentaire. “Toujours à partir d’une base de maroilles”, précise Dominique Dusquenoy.