Les entreprises tentent de reprendre en main leur formation

Réformé il y a trois ans, en mode adaptation et résilience les deux dernières années histoire de faire face au chamboulement lié à la crise sanitaire, l’écosystème de la formation inter et intra-entreprise apparaît aujourd’hui dans une nouvelle phase de transition pour répondre aux réels besoins des entreprises. Des entreprises toujours «consommatrices» mais qui doivent faire face à une certaine hiérarchisation de leurs priorités. Si la formation s’affiche comme un levier indispensable à activer pour demeurer compétitif, cet investissement immatériel répond également aussi aux nouvelles problématiques locales des difficultés de recrutement.

Si la formation s’affiche comme un levier indéniable à actionner pour assurer le développement des entreprises, bon nombre d’entre elles travaillent sur la réappropriation de leur outil de formation.
Si la formation s’affiche comme un levier indéniable à actionner pour assurer le développement des entreprises, bon nombre d’entre elles travaillent sur la réappropriation de leur outil de formation.

«Nous avons créé notre Académie d’entreprise pour accompagner nos collaborateurs dans leur métier et leur évolution mais également nous permettre de capter de nouveaux talents et de les fidéliser. Aujourd’hui, nous allons plus loin que la formation, disons technique-métier. Nous enrichissons nos formations avec d’autres aspects comme le développement personnel, le parcours manager ou encore l’accompagnement par des sophrologues.» À l’image de cette directrice des ressources humaines d’un groupe d’expertise comptable régional, les entreprises de la région voient aujourd’hui la formation sous un nouvel angle. Auparavant souvent considéré comme une contrainte et un manque à gagner en termes de productivité et de disponibilité des collaborateurs, la formation inter et intra-entreprise s’est peu à peu ancrée dans l’univers entrepreneurial et notamment au sein des TPE et PME «qui ne voyaient pas réellement l’intérêt de former de façon continue leurs collaborateurs», assure un professionnel du secteur. La crise sanitaire et ses différents dommages collatéraux semblent avoir accélérer ce changement de vision. «Les entreprises, aujourd’hui, ne sont plus dans une logique de plan de formation mais dans une logique de développement des compétences», assure un ancien directeur d’un organisme de formation régional travaillant aujourd’hui au niveau national sur les prospectives de l’univers de la formation de demain. «Face aux incertitudes d’aujourd’hui et encore plus par rapport à celles de demain, on remarque que les individus affichent une démarche proactive pour faire évoluer leurs compétences. Le déclic semble s’être opéré d’une façon contrainte ou forcée pour certains. Le curseur a bougé dans les mentalités au niveau de l’intérêt de la formation professionnelle.»


Approche transversale


Un état de fait palpable dans la région où l’écosystème de la formation continue à s’adapter à la dernière vaste réforme issue de la loi «Avenir professionnel». Partenariat, rapprochement, voire même quasi-absorption, ont ponctué les douze derniers mois pour permettre d’être toujours présent sur ce marché convoité et fortement concurrencé. L’arrivée de nouveaux acteurs suite aux demandes croissantes issues de la crise sanitaire et de l’explosion des formations en distanciel entraînent les mentors et organismes historiques du secteur à prendre, pour certains, un virage à 180 degrés histoire de rester dans la course. Une course mais vers où ? «L’enjeu de la formation ne peut se résumer à un objectif de compétitivité, d’émancipation sociale, de sécurité dans l’emploi, de projet sociétal, d’individualisation du marché du travail, de croissance et de développement. Car il est tout cela à la fois» note le laboratoire d’idées Terra Nova dans un récent rapport (paru le 7 avril) intitulé : «Le nouvel âge de la formation professionnelle.» Ces experts assurent que la formation «se doit d’être au cœur de la politique économique et sociale et nécessite une approche transversale. Saucissonner les publics et les politiques visant à développer l’offre de formation n’est pas à la hauteur de l’enjeu.» Cette analyse fait écho au niveau local car c’est là réellement que tout se doit de se jouer, au plus près des territoires. «La dimension territoriale est indispensable. Les transformations de l’économie ont changé la donne sur nos territoires. Les grandes métropoles sont les mieux armées pour y faire face. Les compétences sont présentes en quantité et en qualité et mobilisables aisément. Mais 60 % de la population aujourd’hui vit dans les villes moyennes, les territoires ruraux, des espaces éloignés des centres urbains. Le déploiement de nos hubs de compétences permet de réparer cette fracture territoriale et surtout de répondre aux besoins de structures, et principalement les entreprises présentes sur ces territoires», assure la directrice d’un organisme de formation régional.


Formation au fil du travail...

Dans ce contexte de «fracture territoriale» version formation, les entreprises locales, face notamment aux différentes difficultés de recrutement qu’elles rencontrent (et ce quel que soit le domaine d’activité) tendent de réellement se réapproprier l’outil formation. «Ce n’est plus à démontrer, la formation est devenue une nécessité pour le développement de toutes typologies d’entreprises», assure un professionnel du secteur. «Face au problème de recrutement qu’elles rencontrent, les entreprises se tournent de plus en plus vers leurs compétences présentes en interne pour les faire évoluer. C’est une donne qui commence franchement à s’accélérer.» Le paradigme de la formation en entreprise a évolué au gré des nouvelles technologies et des formats d’apprentissage. «La formation en entreprise s’apparente de plus en plus à une formation au fil du travail. Dans cette dimension, la formation occupe une place quasi quotidienne dans la vie du collaborateur. C’est le résultat optimal d’une bonne identification des méthodes de formation à mettre en œuvre en adéquation avec les réels besoins de l’entreprise pour se développer», note un observateur du secteur. Plusieurs professionnels de la sphère locale tendent, dans leurs offres, vers cette tendance. «Histoire de répondre aux réels besoins en matière de compétences, ou d’amélioration de certains points stratégiques de l’entreprise, nous réalisons un diagnostic en interne pour identifier le ou les maillons manquant. Nous proposons ensuite une formation ciblée sur un ou deux items prioritaires (stratégie, marketing, prospection commerciale, techniques de vente, communication, réseaux sociaux)», explique le repreneur d’un cabinet meurthe-et-mosellan spécialisé dans la formation commerciale à destination des TPE et PME. Le virage à prendre pour une formation réussie apparaît de plus en plus serré, reste à adopter la bonne conduite.

Entre pistes et réflexions

Dans son dernier rapport sur «Le nouvel âge de la formation professionnelle», paru le 7 avril dernier, le laboratoire d’idées Terra Nova, dresse une liste de dix propositions pour créer, comme ses experts le définissent, un «Pacte de formation entre les citoyens et les pouvoirs publics». Créer un contrat emploi-formation universel pour les 17-25 ans. Libéraliser et développer les groupements d’employeurs pour libérer les potentiels d’embauche. Créer des plateformes digitales de matching et de gestion. Déployer plus de formations éligibles à l’apprentissage. Faire valoir et renouveler ses compétences tout au long de la vie. Généraliser la formation en travaillant. Accélérer l’investissement en formation non obligatoire par un crédit d’impôt formation. Orienter les moyens disponibles dans des marchés publics de formations nationaux de taille critique. Lancer un grand plan de l’apprentissage dans les secteurs de la santé au service à la personne. Faciliter matériellement le suivi de la formation.