Marc Touati, économiste président du cabinet ACDEFI : «Les entreprises sauvent la France !»
Retour de l’inflation, chute du pouvoir d’achat, confiance des ménages au plus bas, forte augmentation des taux d’intérêt... Dans ce contexte alarmiste, l’économiste Marc Touati a récemment partagé, à Nantes, son analyse de la situation économique. Voici ce qu’il faut en retenir.
En juin, la hausse des prix s'est élevée à 5,8 % sur un an, selon une première estimation de l'Insee. Un taux d'inflation qui n'a plus baissé depuis onze mois et que n’a pas manqué de commenter Marc Touati. L’économiste et président du cabinet de conseil ACDEFI, Aux commandes de l’économie et des finances, a en effet été invité par la CPME Loire-Atlantique, NAPF Place Financière de l'Ouest et l'IAE (école universitaire de management) de Nantes pour animer une conférence sur le thème : «Perspectives économiques et financières 2022-25 : quel monde nouveau pour demain ? Quelles stratégies et opportunités pour les entreprises françaises ?»
Inflation : le pire reste à venir
Sur l’inflation justement, aux questions que chacun se pose - «Est-ce que cela va durer ? Comment faire face ? Quelle reprise pour demain ?» - Marc Touati a tenté d’apporter ses réponses. Cette inflation est d’autant plus dangereuse qu’elle est «très inégalitaire», a-t-il souligné : + 12 % pour l’alimentaire, + 10 % pour l’énergie ou encore + 32 % pour les fruits surgelés... Et malheureusement, le pire reste à venir selon l’économiste, qui pointe le nouveau record atteint par le glissement annuel des prix à la production de la zone euro. En effet, «celui-ci a atteint des proportions dramatiques, 37 % en avril.» Même si l’escalade inflationniste est un peu moins forte en France, l’heure est aussi à l’inquiétude. Car, en dépit de quelques accalmies passagères, la situation va perdurer. Marc Touati anticipe une inflation française de 7 à 8 % au cours des prochains mois. Un contexte dans lequel se profile toutefois une bonne nouvelle : «Le prix du baril va baisser pour la fin de l’année 2022 ou le début 2023. Une tendance que vont suivre les cours des matières premières», projette-t-il. Autre indicateur passé au crible, le produit intérieur brut : «Il a progressé de 7 % en France en 2021, après avoir chuté de près de 8 % en 2020, encore 1,6 % inférieur au niveau de 2019. Au premier trimestre 2022, la croissance française se replie légèrement (- 0,2 %), en lien avec la faible consommation des ménages (- 1,5 %).»
Flambée de la dette publique
Pour Marc Touati, l’origine de ce dérapage est double. Il s’agit, tout d’abord, de l’augmentation excessive des dettes publiques et des planches à billets qui ont engendré une demande supérieure à l’offre, suscitant des pénuries et alimentant la hausse des prix. Il détaille : «En France, la dette publique a franchi un nouveau record historique de 2 901,8 Mds€ au premier trimestre 2022 et va grimper à 120 % du PIB. Et ça n’émeut personne !», interpelle-t-il. Sur le plus long terme, la hausse, depuis le début de la crise sanitaire, est massive, atteignant 526,9 Mds€ entre le quatrième trimestre 2019 et le premier trimestre 2022, quand le PIB a seulement augmenté de 95,8 Mds€ sur la même période. «C’est un point d’écart avec le PIB en Allemagne, mais quasiment 50 points d’écart pour la dette publique. Nous ne pouvons pas continuer la zone euro avec des pays aussi différents», a-t-il martelé.
Quelles solutions ?
Alors que l'inflation dépasse désormais les 5 %, quelles mesures mettre en place pour la contrer ? Il serait tentant de mettre la pression sur les entreprises pour augmenter les salaires massivement. Ce qui serait pour le moins incongru, d’après Marc Touati, qui souligne le danger de la spirale inflation-salaires, citant l’exemple de la relance ratée de 1981 qui avait fait grimper l’inflation à 14,5 %. Il faut selon lui plutôt «sauver» le pouvoir d’achat des Français. Mais comment ? L’économiste fait «quelques propositions de bon sens», comme «réduire les charges qui pèsent sur les salaires comme la CSG, baisser les dépenses publiques ou encore moderniser l’économie française.» Les entreprises ont semble-t-il aussi un rôle à jouer : «Il faut faire jouer la concurrence auprès des fournisseurs, trouver des moyens de se démarquer (qualité de service et délais de livraison), ne pas augmenter les stocks…» Pour cela, deux qualités devront être mises en avant : «La transparence et l’excellence du service clientèle.» Tout cela se concrétisera par la mise en place «d’une thérapie de choc bienveillante» autour de plusieurs piliers : «Baisser les impôts pour tous, réduire les dépenses publiques, diminuer le coût du travail, moderniser le marché du travail et supprimer le caractère obligatoire des 35 heures, innover massivement et développer les formations adéquates, faciliter le financement de l’économie et enfin développer la culture économique des Français», énumère-t-il. Avant de résumer : «Qui dit plus de PIB, dit plus d’emplois, donc plus de revenus, de consommation, d’investissements et de business... Soit plus de bonheur économique.»
Par Florence FALVY (IJ, Informateur Judiciaire pour Réso Hebdo Éco - www.reso-hebdo-eco.com)