Les entreprises misent sur la silver économie

Les projections démographiques sont unanimes : la population humaine sera plus nombreuse mais aussi âgée à l'horizon 2050-2070. En France, l’INSEE avance qu’un habitant sur trois sera âgé de 60 ans ou plus en 2050. Le marché du senior – la silver économie – est un défi de taille à relever pour l’ensemble des acteurs économiques.

Azelies propose la location d'équipements médicaux pour assurer leur optimisation.
Azelies propose la location d'équipements médicaux pour assurer leur optimisation.

C’est dans cet objectif qu’Eurasanté a imaginé dès 2016 la convention d’affaires AgeingFit. Organisée en alternance entre Lille et Nice, cette rencontre annuelle regroupe les acteurs de la silver économie : santé, maintien à domicile, aménagement de l’habitat, services à la personne, mais aussi technologies de l’information et de la communication, intelligence artificielle et tourisme. Multidisciplinaire et multisectoriel, ce marché encore naissant (il est apparu en France en 2012), difficile à quantifier, est en plein essor à l’international – le Japon en est un pilier, avec une espérance de vie plus élevée et donc un vieillissement de la population plus conséquent –, mais est encore mal défini en France même si l’ensemble des acteurs s’activent à travailler ensemble. «La filière reste à construire, avec une réelle nécessité d’avancer dans des cadres réglementaires et financiers. Pour réussir l’émergence de la silver économie, il faudra que des organes de représentation se structurent et portent le message auprès des pouvoirs publics», explique Etienne Vervaecke, directeur général d’Eurasanté. L’agence régionale de développement économique s’est rapidement rapprochée d’Eurobiomed, son homologue méditerranéen dirigé par Emilie Royere. Accélérateur du développement de la filière santé en Provence-Alpes-Côte d’Azur et en Occitanie, Eurobiomed propose de l’accompagnement à l’innovation (de la recherche et développement à l’industrialisation), de l’accompagnement à la croissance des entreprises (développement commercial, levée de fonds…) et le développement de projets de territoire. Avec 270 adhérents dont 230 entreprises – essentiellement des TPE  –, Eurobiomed articule son action autour de quatre grands secteurs : les médicaments, les dispositifs médicaux implantables, la e-santé et les diagnostics. «L’année dernière, nous avons reçu 111 projets à examiner ; 17 ont été financés. L’enjeu de la silver économie ? Accompagner le plus tôt possible les patients pour vieillir en meilleure santé. Depuis 2005, année de création du pôle, nous avons accompagné 170 projets pour 712 millions d’euros investis», analyse Emilie Royere.

500 participants, dont un quart d’internationaux, ont participé à la deuxième édition d’AgeingFit.

S’adapter au quotidien de la personne âgée

Senior actif dès l’âge de 50 ans, personne âgée en perte d’autonomie ou encore patient malade en établissement spécialisé, la silver économie touche un nombre de patients aux modes de vie divers et donc aux attentes variées. Qu’il s’agisse d’un tapis de rééducation à la marche, de jeux interactifs ou de robots pour stimuler les patients atteints de la maladie d’Alzheimer, les technologies se développent, misant de plus en plus sur le numérique. Sans oublier le confort d’utilisation et l’apport en termes de soins, les technologies sont un atout pour la silver économie, pour les patients comme pour les soignants. En témoigne, lors du salon, cette solution développée par Nively qui détecte les comportements à risques chez les personnes âgées et qui permet par conséquent au personnel soignant de prévenir et d’anticiper des situations dangereuses comme des chutes ou des errances nocturnes.

«La filière reste à construire, avec une réelle nécessité d’avancer dans des cadres réglementaires et financiers»

Trois start-up régionales présentes sur AgeingFit

Dans la filière santé régionale qui compte près de 980 entreprises, 420 se réclament de la silver économie. Si leur marché n’est pas exclusivement dédié à cette filière, une partie de leurs offres peut l’être. A l’image de My Favoreat, incubée à Euralimentaire depuis juin 2017. Multi-intolérante, Caroline Valent a imaginé une application pour faciliter la vie de gourmands qui, comme elle, sont soumis à des restrictions. My Favoreat recense 600 ingrédients, 200 allergènes, l’ensemble des sucres spécifiques et un millier de recettes. «Il est possible de scanner un produit et d’en connaître les restrictions. Lire toutes les étiquettes est très fatigant au bout d’un moment. On se veut facilitant pour les consommateurs. Plusieurs utilisateurs demandent une version adaptée à leur âge. Etre acteur de son alimentation est un besoin grand public, nous devons nous adapter aux seniors», explique Caroline Valent. La start-up est en cours de levée de fonds (500 000 €) auprès d’investisseurs régionaux et nationaux.

“Nous touchons tous les modes d’alimentation, l’application répond à un besoin grand public”, explique Caroline Valent, dirigeante de My Favoreat.

Le textile connecté, révélateur de l’état physique

La start-up E-wear se tourne exclusivement sur le marché des seniors. Imaginée au sein de la recherche et développement de Damartex, E-wear propose des sous-vêtements connectés, sous la marque Feelyh (pour «Feel your heart») : deux capteurs entourés de fils d’argent, positionnés sous la poitrine calculent la variabilité cardiaque. Les signaux sont envoyés sur une application pour connaître l’indice de bien-être. «L’outil prévient l’anxiété. Nous fournissons des conseils spécialisés pour proposer des séances de relaxation, à des moments spécifiques, en fonction des données collectées», explique Loïc Delecroix, dirigeant d’E-wear, hébergée dans le bio-incubateur d’Eurasanté depuis septembre 2017. Cocréés avec des EPHAD de France et de Belgique, le vêtement – résistant à plus de 50 lavages – pourrait évoluer vers le calcul de la masse graisseuse ou les indices de chute. «Le senior est au cœur de notre projet. Le vêtement sera commercialisé en prévente sur www.feelyh.com dès le mois de mars à tarif préférentiel, puis sur le site de Damart», détaille le dirigeant. Pour l’instant en modèle féminin, le vêtement pourra être décliné pour les hommes.

Loïc Delecroix, entouré d’une partie de l’équipe d’E-wear.

Mutualiser les investissements

Autre domaine, la location d’équipements médicaux entre professionnels, proposée par Azelies, hébergée elle aussi au bio-incubateur. Créée par Guilhem Riou et Louise Lepers, l’entreprise de cinq salariés optimise l’accès aux équipements médicaux via une plate-forme qui met en relation les professionnels de santé. Une belle opportunité de rentabiliser les coûteux équipements. La présence de la start-up sur AgeingFit tient dans la location d’un générateur d’épurateur qui purifie et traite l’air des bactéries, virus et autres odeurs. «Tous les polluants sont détruits sans maintenance. L’épurateur peut être installé, par exemple, pour un patient fragile d’un EPHAD ou bien après des travaux pour limiter le contact avec des polluants», explique Camille Sandevoir, pharmacienne et troisième associée d’Azelies. Une précampagne sera lancée en avril (30 utilisateurs y auront un accès privilégié), pour un lancement national fin 2018.

A la question de savoir si la silver économie est un vrai marché, les 500 participants d’AgeingFit prouvent qu’un nouveau pan de l’économie de la filière santé est en train de s’ouvrir. Que ce soit sur le plan sociétal, politique ou économique, la prise en compte de la personne âgée se fera par un accompagnement aussi bien physique que numérique.

«Depuis 60 ans, nous avons gagné 6 heures de vie par jour. Les seniors ont besoin d’autonomie et de lien social»

Azelies propose la location d’équipements médicaux pour assurer leur optimisation.         

France Silver Eco, réseau national des acteurs de la filière

Association créée il y a six ans à l’initiative de Christian Estrosi, France Silver Eco fédère 130 adhérents, qu’ils soient industriels, financeurs, collectivités territoriales ou organismes économiques (CCI, Caisse des dépôts et consignations, clusters, universités…). «Nous apportons une compréhension de la complexité du vieillissement, pour adapter le marché à la cible exacte», explique Sébastien Podevyn, directeur général, rejoint par Olivier Guérin, 1er vice-président : «Depuis 60 ans, nous avons gagné 6 heures de vie par jour. Les seniors ont besoin d’autonomie et de lien social. L’épidémie de centenaires d’ici 2050 est une grande chance.» L’association travaille activement avec la Région Hauts-de-France et Eurasanté.